Biographie nationale de Belgique/Tome 1/ADÉLARD I (Stavelot)

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ADÉLARD I, quatrième abbé commendataire de Stavelot, décédé en 867. Un fait historique remarquable dans l’existence des corporations religieuses, c’est qu’elles s’élèvent avec une puissance et une force inouïes dans les temps de leur humble pauvreté et s’affaissent souvent au milieu des richesses. Les monastères de Stavelot et de Malmedy étaient parvenus déjà à un haut degré de splendeur sous les maires du palais. Les abbés étaient jusque-là nommés par l’élection, selon les règles monastiques, et choisis dans le sein des couvents. Charles Martel, devenu pauvre à force de guerroyer, manquait de l’argent nécessaire pour tenir sous les armes ses soudoyers, et jeta les yeux sur les plus riches monastères. Le roman de Garin de Loherans, un des plus vieux de la langue romane (1157), nous dit qu’il s’adressa au pape pour obtenir la permission de dépouiller les églises, et le pape lui répondit : « Par le sépulcre il n’en irr mis ainsi, venez avant, Charle Martiaus, beau fils, je vous octroye et le vair et le gris, l’or et l’argent dont Clergie est saisi, lors palafrois, les mules et les roncins et les destries courants et arabis. Quant vous aurés vaincu les Sarrasins rendez les deniers, ne les devez tenir. Charles Martiaus a dit : Votre merci ; or est assez, je l’entends bien ainsi. » En effet, il donna les riches abbayes en commende à ses officiers. Les abbés commendataires furent donc créés et ils existèrent jusqu’à la révolution du siècle dernier. Au lieu d’être élus, ces abbés étaient nommés, dans beaucoup d’abbayes, par les empereurs et les rois, et c’est ce qui eut lieu à Stavelot, pendant le ixe siècle. Adélard fut le quatrième de ces abbés commendataires, et, contrairement aux habitudes adoptées par beaucoup de ces dignitaires, il résida dans son monastère. Son origine est inconnue, bien que son nom figure sur les diptyques avec le titre d’abbé-comte, ce qui l’a fait souvent confondre par les historiens avec les deux comtes Adélard, abbés d’Echternach, et avec le comte Adélard d’Austrasie. Cependant, le premier de ces comtes mourut en 856, le second en 889 et le troisième en 881. (Calmet, Hist. univ., t. VII.)

Quant à notre Adélard, il est mort, selon Mabillon, en 864, et selon tous les manuscrits, le 9 avril 867 ; à Stavelot, où il fut enterré. Son règne, du 25 septembre 855 au 9 avril 867, fut un règne réparateur. Le 13 avril 862, il obtint de Lothaire, roi de Lotharingie, deux importants diplômes, datés de Novo Castro in pago Leochensi, qu’Ernst, le savant historien du Limbourg, traduit avec raison (t. I, p. 332) par le château d’Amblève, à Aywaille. Le premier de ces diplômes confirme d’abord les possessions du monastère de Stavelot et de Malmedy, et le second, tout en confirmant d’autres donations, en contient de nouvelles de villa dans le comté d’Ardenne, le Condros, le comté de Lommes, la Hesbaie, la Famenne, et des droits sur les forts de Huy et de Dinant. Lothaire nous donne lui-même les motifs de ces grandes libéralités : « Comme nous avions jugé convenable de distribuer entre nos leudes les bénéfices de notre royaume, vu la pauvreté de nos domaines, et que nous avions pris une partie des biens de Stavelot pour les donner à nos fidèles, etc. » La nature des possessions des monastères y est aussi définie : ce sont des bénéfices ; enfin on y voit l’origine des abbés séculiers et commendataires qui gouvernèrent le pays. La principauté conserva une grande partie de ces possessions jusqu’à sa fin. (Martène, Ampliss. Collectio, t. II, p. 16.)

A. de Noue.