Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises/Farrenc

Constant Berrier
Texte établi par Alfred de MontferrandArmand-Aubrée, libraire (p. 412-425).


Mme Farrenc.



Mme FARRENC


(Césarie)


Née à Draguignan (Var), LE 24 JUILLET 1802.

Fille de Pierre Gensollen, médecin, et de Julie Des bonnes se La Fontaine.


11 est des noms peu retentissants, des talents presque ignorés, comme il est au ciel des étoiles moins brillantes que leurs sœurs, comme il est sur la terre des fleurs plus pâles, plus timides que leurs compagnes, des fleurs qui se cachent, qui se retirent devant la main qui les poursuit, qu’il faut chercher sous la ronce et l’épine, et qui resteraient inconnues sans le parfum qui les trahit, sans le parfum qui nous les livre.

Il est des noms qui ne se révèlent ni par le bruit, ni par l’éclat ; mais qui se produisent plutôt parla lenteur de leur croissance, par la rareté même de leur apparition, par le mystérieux travail qui paraît présider à leur développement secret. Ces noms sont longtemps à surgir, longtemps à frapper l’oreille de tous ; c’est un son qui n’arrive que par degré, d’intervalle en intervalle, un écho qui ne se manifeste qu’à quelques-uns, se projetant de vallée en vallée, jusqu’à ce qu’il aille atteindre au sommet qu’il a choisi pour but, au faîte où sa voix doit mourir. C’est le fleuve au lit profond, à la surface immobile, le flot qui suit tranquillement son cours pour ne s’élever, pour n’en sortir qu’au jour de la tempête. Il n’a pas la fougue impétueuse des torrents, il n’emporte rien dans sa furie ; mais il offre à la barque ou à l’esquif qui le sillonne un asile sur, une navigation certaine.

Ainsi grandiront les noms les plus modestes, les plus ignorés de nos jours, comme aujourd’hui sont grands Malfilàtre et Gilbert, Milton et Pope, Tasse et Camoëns ; ainsi brilleront pour l’avenir ces noms, dédaigneux du présent et que le présent méprise ou laisse obscurs.

Vous donc qui travaillez pour cet avenir consolant, pour cet avenir vengeur, vous qui n’avez rien du pré¬ sent ni dans le cœur, ni dans la pensée, dont l’âme est en dehors du siècle, en deçà ou au delà de l’époque, dont l’esprit s’élance involontairement soit en arrière de ce qui est, soit au-devant de ce qui n’est plus ou de ce qui n’est pas encore ; écrivains de conscience et de pres¬ sentiment, poètes d’instinct, poètes d’inspiration, per¬ sévérez ! plus vous fûtes méprisés, plus vous avez été grands ; plus vous êtes oubliés, méconnus, plus la mémoire des hommes vous attend, vous suivra dans l’avenir!

Et c’est à vous surtout que l’avenir appartient, à vous, femmes, qui n’avez de consolations du présent que dans le souvenir du passé, de dédommagement des douleurs actuelles que dans l’espérance d’un bonheur futur ! A vous dont l’âme est toute la vie, comme elle est aussi tout le talent ; à vous qui n’avez dans le cœur qu’une seule corde, et bien douloureusement retentis¬ sante, une corde unique et trop sonore, celle de la souffrance !

Oh ! oui, c’est toujours celle d’entre vous qui a le plus souffert qui a toujours le mieux écrit ; celle d’entre vous qui a pleuré le plus souvent, qi*à, par un bien triste privilège et par un bien cruel retour, a fait aussi pleu¬ rer le plus souvent !

Car le malheur c’est le poëte, car la poésie c’est la souffrance.

Et la souffrance est la muse des femmes ; et c’est dans la révélation de leurs malheurs, dans la confidence et le récit de leurs souffrances que nous trouvons le germe heureux de leurs vertus, le développement de leur génie.

C’est à la Provence encore, à ce beau fleuron de

la France et de sa couronne, à ce beau ciel de notre hémisphère ingrat, que nous devons une femme de plus, au cœur brûlant, à la plume élégante et facile, à l’esprit tout à la fois vif et pénétrant, étendu, varié, profond.

L’enfance de Césarie s’est écoulée à Hyères. Son père fut son seul instituteur, et quel meilleur maître un en- enfant peut-il avoir? M. Gensollen remarqua dans sa fille un ardent désir de savoir, un besoin réel d’instruc¬ tion, et l’étendue d’une imagination qui permettait à son jeune âge une conception rapide et prématurée des matières les plus abstraites ; il lui apprit le latin, cette langue interdite aux femmes et que, par une injurieuse extension d’une loi, peut-être, sous quelques rapports, généralement prudente, mais à coup sûr fort peu gau¬ lante et très-exclusive, les hommes se sont plus or¬ dinairement réservée ; Césarie dès lors, découvrit de nouvelles ressources, des ressources inconnues, comme elle éprouva des jouissances infinies dans cette étude sérieuse, dans cette culture d’une langue morte et qui, pourtant, revit dans tout. Horace et Virgile étaient ses poètes, ses auteurs favoris. Horace et Virgile ! et cepen¬ dant elle n’allait pas au collège, et cependant elle avait sept ans ! et c’est d’une femme que nous parlons 1

A cet âge, et nonobstant le respect qu’auraient dû lui garantir des goûts si rares, des prédilections tellement classiques, Césaric ne put échapper, pourtant, aux sé¬ ductions innocentes dont l’habitude ou la frivolité se plaisent à caresser l’enfance ; elle ne put échapper aux cadeaux puérils, pas mémo à la poupée de rigueur ; on ne craignit pas, un jour (quelque profane sans doute, quelque ennemi d’Horace, un romantique à coup sûr), on ne craignit pas de lui offrir une poupée, non de ces insignifiantes poupées sans expression, sans couleur, sans vie et sans âme, mais une poupée haute et- belle, élégamment parée, aux traits fiers, nobles et délicats, à la grande et noire chevelure, aux airs majestueux, à l’œil vif, imposant et poétique, au front byronicn, mais une poupée animée, vivante, une femme, une Muse, une Sapho enfin. Le croiriez-vous, Césaric la jette im¬ pitoyablement au feu, la livre aux flammes, en disperse et les lambeaux et les cendres, en forme un auto-da-fé cruel, comme on eût fait d’un martyr, comme on préci¬ pitait les premiers chrétiens aux bêtes ! « Cette friponne avec ses attraits, s’écria Césarie, m’empêcherait d’étu¬ dier !» Et cette friponne, c’était la belle poupée ; et le

sacrifice’était consommé !

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D’Horace elle allait à Tibulle et à Properce ; et de Properce à l’élégie française ; car la langue mère était là pour inspirer l’enfant dans sa langue maternelle. Privée dès l’âge de trois ans des caresses, des soins de celle qui

lui avait donné le jour, Césarie n’avait toujours que

sept ans lorsqu’elle adressa l’épitre suivante à la mort :

O mort, cruelle mort, tu nous es bien contraire!

Tu détruis un «poux aussi bien qu’un bon père.

Ta redoutable faux qui nous moissonne tous,

Ne peut voir la beauté ni consulter ses goûts ;

Bien souvent tu ravis l’espoir d’une famille,

A son père un bon fils, a sa mère une fille ;

O mort, cruelle mort, tu nous rends malheureux!

Sans toi, sans le tombeau, tout serait moins affreux !
Dès l’âge de trois ans tu m’enlevas ma mère »
Ma sœur est au cercueil ; conserve-moi mon père !
Tu te ferais chérir de celle qui te hait,
O mort, si d’un enfant tu comblais le souhait !


Césarie vivait à Hyères dans le sein d’une société distinguée : là, plusieurs savants, chassés par les hivers du Nord, venaient chercher le printemps du Midi, puiser de chaleureuses inspirations et retremper leur âme et leur santé. Le célèbre de Lacépède n’avait pas dédaigné Césarie ; il se plaisait même à la questionner, à l’entendre expliquer l ’Enéide ou quelques épîtres d’Horace, ou réciter quelques fragments d’une traduction qu’elle avait entreprise du premier chant de la Henriade en vers la¬ tins. Là muse-enfant faisait aussi des impromptus à toutes les dames qui l’aimaient et présageaient pour elle un avenir de gloire et de bonheur. Arrivée à l’àge de onze ans, elle ne put, malgré la vaccine que lui donna son père, échapper au fléau de la petite vérole, ce qui désola M. Gcnsollen ; car un père et une mère ont toujours une involontaire coquetterie pour leurs enfants. Un père veut toujours que sa fille soit jolie. Témoin des regrets de l’auteur de ses jours, Césarie sécria : « Ne t’alarme point, mon père ; je serai bonne, aimable ; cela ne vaudra-t-il pas mieux qu’une passagère beauté ? »

A treize ans, cependant, Césarie ne savait encore au¬ cun de ces travaux habituels aux femmes, et dont l’igno¬ rance ou l’oubli sont quelquefois plus communément qu’on ne le croirait la source ou l’origine de leurs cha¬ grins dans 1 la vie, à mesure qu’elles s’y avancent. Elle désira les connaître, et fut envoyée à cet effet dans un pensionnat de Marseille, où de jeunes ennemies de ses précoces talents ne tardèrent pas à tourner la pauvre fille en ridicule, en lui prodiguant les épithètes de savante et de’ pédante. Elle ne se découragea point pour cela, les laissa dire, et continua ses études latines, scs travaux de femme et d’homme tout à la fois, ce qui peut paraître invraisemblable et pourtant n’en est pas moins vrai ; car n’oublions pas que Césarie était une de ces brillantes filles de notre Provence, cette Italie et cette Espagne de la France, et qu’un rayon du soleil d’Homère avait réchauffé son berceau. Ce n’est pas tout, Césarie apprenait en même temps la musique, et passant avec une égale aptitude du grave au doux, du plaisant au sévère, elle fit de brillantes improvisations sur divers su¬ jets en s’accompagnant de plusieurs instruments qu’elle s’était rendus familiers, et d’une voix que la nature avait donnée et que l’art n’avait pas encore embellie alors.

M. Gensollen, trop longtemps séparé d’une fille chérie, vint habiter Marseille ; il retira Césarie de sa pension et la produisit dans le monde, dans ce monde où l’atten- daierït la gloire et le malheur, des hommages et des humiliations, dans ce monde où tout est mensonge et déception, tout, excepté la souffrance.

Mariée en 1819 à M. Farrenc, officier de cavalerie y décoré de la Légion d’honneur et fils d’un riche négo¬ ciant de Marseille, Césarie, malgré ses nouveaux devoirs et sans les oublier, Césarie trouva toujours le temps de se livrer à ses premiers penchants, de cultiver les dons: précieux qu’elle avait reçus de la nature et perfectionnés par l’éducation ; la poésie, la méditation eurent de nou¬ veaux charmes pour elle, et si le bonheur qu’elle s’était promis comme épouse et mère, et qu’elle méritait complè¬ tement à ce double titre, ne lui eut pas cruellement man¬ qué, cette poésie et cette méditation n’eussent été qu’une* fleur de plus sur son chemin, un fleuron de plus à sa couronne, un délice de plus dans son existence ! Mais r loin de là! Sa couronne était devenue une couronne d’épines, sa route un gouffre, un abîme, sa vie une désolation complète ! Elle ne devait donc plus compter sur la science et l’art pour ajouter à ses jouissances, sur la gloire pour briller et grandir, sur la poésie pour aimer ! Non, car s’il faut au bonheur de la gloire et de l’amour, des applaudissements et de l’éclat, au malheur il ne faut que du courage et de l’obscurité, des consolations et des larmes ! Non, car du moment où l’espoir du bien nous trahit, nous abandonne, où l’adversité nous arrive, où le pressentiment du mal nous tient parole, où ce mal est la réalité pour nous ; du moment où nous n’avons plus qu’à mourir, la poésie ne peut plus être pour nous que le dernier fil qui nous soutient sur l’abîme, le réseau qui nous enveloppe et nous enferme comme la coque où le ver soyeux s’emprisonne et se transforme ; la barque où nous passons d’une vie à l’autre !

Ce n’était donc plus un culte, hélas ! que Mme Farrenc avait à rendre aux lettres ; mais la poésie était l’autel sur lequel il ne lui restait plus qu’à s’immoler ; mais les lettres étaient désormais son refuge et son tombeau ; seules, désormais, elles pouvaient lui tenir lieu du père qu’elle avait perdu, de l’époux qu’elle avait cru rencontrer, des enfants qui lui restaient à nourrir ! Elles n’étaient plus le bonheur pour elle, ces lettres qui l’avaient embellie et charmée, elles n’étaient plus que le dernier salut de la veuve et des orphelins, le gagne-pain d’une mère !

Mais ce n’était plus dans la poésie et la méditation, que cette mère avait désormais à se recueillir, à se confier, car la poésie ne fait vivre que le cœur, et la méditation n’alimente que l’esprit ; ce n’était plus dans le fond d’une province, au sein d’une ville exclusivement livrée aux spéculations mercantiles, aux préoccupations positives du commerce et de l’industrie, que cette mère devait essayer de mettre à profit ce qu’elle avait acquis par l’étude, essayer de matérialiser sa pensée ; car Paris seul est le centre où tout se réunit, le foyer de toutes les lumières qui veulent briller, le soleil de la terre littéraire et du monde civilisé, de même qu’il est le siège du bien et du mal, l’asile de toutes les vertus, le réceptacle de tous les vices.

En effet, dépouillée de toutes ses illusions de bonheur, désabusée de la vie avant de l’avoir connue, et d’espérance en espérance arrivée au désespoir, Mme Farrenc s’était déterminée à quitter Marseille où ne la retenait plus aucun lien, pour venir à Paris où l’attirait la nécessité. Seule avec ses trois enfants qui la chérissent, elle arriva dans la capitale le 9 mars 1834, et c’est là qu’il fallut vivre et réparer tant de pertes réelles, tant de jours perdus dans les douleurs, comme aussi passer le niveau de l’oubli sur tant d’affections trompées, sur tant d’espérances évanouies ; car il vaut mieux oublier que maudire, il vaut mieux plaindre et pardonner ; car le plus cruel des époux est toujours le père de nos enfants ! C’est là qu’après s’être courageusement résignée au travail, Mme Farrenc trouva tout à la fois dans ce travail des consolations qui n’étaient que l’oubli de ses peines, et des ressources qui n’étaient que le préservatif de l’indigence. Eh ! n’est-ce donc pas beaucoup pour une femme isolée, inconnue, abandonnée à ses propres forces, perdue au milieu de cet immense oasis, de ce désert sans fin, que d’avoir fait vivre et vécu du produit de sa plume et de ses veilles laborieuses ? C’est ainsi que parurent ses premiers ouvrages, destinés à l’instruction et au plaisir du premier âge, du premier âge qui possède aussi sa bibliothèque ; écrits simples comme l’enfance elle-même, ingénus comme la pudeur, modestes comme la position de l’auteur, inconnus comme sort malheur. C’est ainsi que parurent successivement, et même à des intervalles assez rapprochés entre eux, Amélie, ou l’Ange du hameau, dont la morale est toute dans ce dernier avertissement : « Souvenez-vous, mes enfants, que désobéir à sa mère, c’est en quelque sorte méconnaître l’autorité de Dieu ! » — Jean, ou le Fils du Bûcheron ; Léon, ou le Petit Moissonneur ; Marie, ou la Bienfaisante petite Fille ; Théodore, ou l’Orphelin de l’École chrétienne ; Louis, ou l’Amour filial ; Mimi, ou le Petit Bossu ; Mathieu, ou une Famille pauvre ; Hélène ; les Deux Sœurs ; Léonie ; Nelly, et plusieurs autres ouvrages d’un style entraînant, naturel, plein d’abandon, et d’une imagination fertile et pure, et d’une morale aussi douce que persuasive.

Sans doute, il ne faudrait pas juger Mme Farrenc par le talent qu’elle a pu déployer dans cette collection d’ouvrages peu propres aux grands développements de l’esprit, plus utiles que brillants, moins faits pour les hommes que pour les enfants, galerie étroite et circonscrite, où le grand jour de la célébrité ne pénètre que difficilement ; mystérieux, obscur réduit qui ne reçoit qu’à peine un rayon du soleil de la gloire, où ne viendront jamais se concentrer tous les feux du ciel poétique ; non, sans doute ; mais dans ces pages, même si peu connues, dans ces pages silencieusement élaborées, qui se refusent aux yeux du monde et se dérobent aux applaudissements comme à la critique, que d’aperçus ingénieux, d’observations pleines de justesse et d’épanchements maternels et douloureux ! Oh ! pour qui ne dédaignerait pas de les lire, que de leçons profondes, que d’avertissements bien sentis ! Oh ! oui, décidément le malheur, c’est le poète !

Ce n’est pas que Mme Farrenc ne s’interrompît quelquefois involontairement, et comme à son insu, des travaux devenus pour sa famille un besoin, pour elle un devoir journalier ; ce n’est pas qu’au milieu de sa préoccupation maternelle et d’amour pour ses enfants, elle n’eut regretté quelquefois sa poésie abandonnée, sa gloire étouffée en son germe, anéantie en sa naissance, et qu’elle n’eût dérobé quelques heures à la composition de ses petits traités de morale et d’instruction, pour les consacrer de préférence au souvenir de quelque amertume passée, à l’expression de quelque affection douloureuse ou de quelque sentiment de regret ou d’espoir. Involontaire entraînement de son imagination captive, enchaînée au positif de la vie ! involontaire essor de son âme aimante et froissée, et dont elle écoutait l’inspiration comme on se reproche un désir coupable, une faute ! Irrésistible ascendant qui la surmontait ! doux larcin que lui suggérait la Muse, et dont le poëte, en s’y prêtant malgré lui, demandait pardon à la mère !

De ces heures dérobées sont nées ces élégies que le rhythme ou la césure n’ont point gênées, que le retour musical de la rime n’a point harmonisées pour l’oreille, ces élégies, veuves de la versification, mais que la prose a conservées dans toute l’intégrité de la pensée primitive, dans toute l’étendue et la plénitude du premier jet.

Plusieurs journaux, consacrés à recueillir les nobles et tendres inspirations des femmes, de ces femmes qui n’écrivent si profondément que parce qu’elles n’écrivent que pour être aimées, ont reçu les confidences élégiaques de Mme Farrenc.

Aujourd’hui, Mme Césarie Farrenc recueille une partie de ses sacrifices dans l’amour de ses enfants, dans la tendresse inaltérable, au sein de laquelle, surtout, s’est renfermé son fils aîné pour sa mère, à la fois si bonne et si malheureuse. Elle commence à retirer aussi plus de fruit de son travail, et s’il n’est pas fertile en gloire, il est du moins de jour en jour moins aride en résultats. Elle serait donc aussi parfaitement heureuse qu’une femme est destinée à l’être en ce monde, sans la mémoire qui lui rappelle à chaque instant tout ce qu’elle a perdu d’avantages et d’espérances, tout ce qu’elle a perdu d’illusions ! Elle serait donc heureuse, car elle n’a point d’ambition, car elle n’a qu’un besoin, celui d’aimer, celui d’être aimée ; et si ce besoin satisfait est le bonheur même, il est aussi le plus cruel des supplices tant qu’il n’est qu’un vœu secret de l’âme, un vague et douloureux désir du cœur, un perpétuel soupir d’espérance ! Oh ! oui, encore une fois, oui, le malheur, c’est le poëte !!!

Constant Berrier.