Le sieur de Villers


Le 21 février 1756, le président du Conseil de marine écrivait à Bigot qu’il avait destiné M. de Villers pour aller servir dans la Nouvelle-France et qu’il devait être employé en qualité d’écrivain principal. Il avertissait M. Bigot qu’indépendamment de ses connaissances générales acquises au Bureau des colonies pendant dix ans, M. de Villers en avait pris de particulières sur l’administration de la colonie au Bureau des Comptes.

Le même jour, le président du Conseil de Marine priait M. de Ruis de laisser à M. de Villers, en attendant de s’embarquer pour le Canada, toutes les chances possibles de se renseigner sur l’administration de la Nouvelle-France.

M. de Villers s’embarqua pour la Nouvelle-France dès le printemps de 1756.

Au départ de M. Varin, contrôleur de la marine, pour la France en 1757, M. Martel de Saint-Antoine, l’avait temporairement remplacé. Mais Bigot, qui voulait donner cette charge à Villers, le nomma par simple lettre.

Villers ne reçut pas de lettre de nomination du Roi. Il agit comme contrôleur de la marine sur la simple nomination de Bigot jusqu’à la fin du régime français.

Bigot avait demandé pour son protégé la charge de conseiller au Conseil Supérieur, que Varin avait occupé de 1733 à son départ. Le ministre lui écrivait le 1er  avril 1757, qu’il n’avait pas d’objections à remplacer Varin par Villers mais il ajoutait qu’il ne lui donnerait la commission que s’il s’acquittait convenablement de ses fonctions.

M. de Villers ne présenta pas ces lettres de nomination au Conseil Supérieur. Ce qui nous permet de supposer que le ministre connaissait ses agissements et ne voulut pas le nommer à ce poste important.

Le sieur de C. malmène tellement M. de Villers dans son Mémoire qu’on pense tout de suite que Villers était un grand voleur ou que le sieur de C, qui avait travaillé avec lui dans les bureaux du Roi à Québec, lui en voulait beaucoup.

« Un certain de Villers, dit-il, qui avait été commis dans les bureaux de la marine, avait tant sollicité, qu’enfin il avait été nommé pour simplement en faire les fonctions, avec espérance qu’on pourrait le nommer contrôleur. Le choix que fit la cour de Villers ne pouvait lui être plus préjudiciable ; elle était justement tombé dans le cas qu’elle voulait éviter ; personne ne fut plus insatiable, plus double et de mauvaise foi que lui ; il trompait sous les apparences les plus spécieuses, ses mœurs et sa conduite répondirent à la perversité de son génie ; il trompa l’intendant et le public, et se rendit, pour ainsi dire, maître des affaires de la finance, où il pilla et vola tout ce qu’il pût ; il devint le soutien de la Grande Société, qui l’intéressa, et elle ne dut pas avoir regretté de lui confier ses affaires ».

Plus loin, le sieur de C. revient à de Villers :

« L’insatiable de Villers et quelques autres faisaient charroyer pendant la nuit les effets les plus à leur bienséance ; ils les firent mettre dans des voûtes appartenant à la Société (à Montréal), le vil intérêt les animait tant que de Villers et Martel eurent de fréquentes discussions ensemble à ce sujet ; cependant ces gens-là refusaient à d’honnêtes gens des effets qui les auraient mis à l’abri de la plus grande misère, et n’auraient été que la récompense de leurs travaux. Ensuite de ces vols on fit un inventaire que le garde-magasin ne voulut pas signer, alléguant qu’il ne pouvait justifier un juste emploi des manques ».[1]

Le président du Conseil de Marine et les hauts officiels avaient les yeux tellement fermés sur ce qui s’était passé au Canada que dès son retour en France en 1761 M. de Villers était chargé de remplir les mêmes fonctions qu’il avait eues dans la colonie.

Nous perdons ses traces à partir de 1761.

Pendant son séjour dans la colonie, le sieur de Villers ne s’était guère mêlé à la société canadienne. Il était célibataire ou s’il était marié sa femme ne le suivit pas ici. Son nom n’apparaît dans aucun de nos registres paroissiaux. Nous ignorons même son prénom.

  1. Mémoire, p. 103.