Le chevalier de Repentigny


La famille noble Le Gardeur, qui, ici, se divisa en deux branches, les Le Gardeur de Repentigny et les Legardeur de Tilly, fut une des premières familles d’importance à s’établir dans la Nouvelle-France. Le Père Lejeune, dans la Relation de 1636, raconte en des termes naïfs mais bien touchants l’arrivée des Legardeur à Québec au mois de juin 1636. De cette année à la fin du régime français, les Le Gardeur de l’une ou de l’autre branche ne cessèrent de se distinguer sur terre et sur mer. Soldats ou marins, les Repentigny et les Tilly étaient de tous les partis, de toutes les expéditions. On les voit partout où il faut se battre, vaincre ou mourir. On compte douze ou quatorze Le Gardeur qui versèrent leur sang pour la cause de la France dans l’Amérique du Nord.

Louis Le Gardeur de Repentigny, né à Montréal le 5 août 1721, était le fils du brave Le Gardeur de Repentigny commandant de Michillimakinac, qui trouva une mort glorieuse à la baie des Puants, en 1733, en même temps que MM. Coulon de Villiers, Duplessis et quelques autres Français. Il fut connu sous l’appellation de chevalier de Repentigny et on l’a souvent confondu avec son frère aîné, qui eut le malheur de tuer le bourgeois Philibert et décéda gouverneur du comptoir de Mahé (Malabar).

Le chevalier de Repentigny fut, sur la fin du régime français, un des officiers canadiens les plus populaires parmi les Sauvages. Et M. de Bourlamaque écrivait au chevalier de Lévis, en 1757, que quand les Sauvages étaient sous les ordres de M. de Repentigny ils se battaient comme des lions. M. de Repentigny fut de presque toutes les expéditions organisées au Canada de 1743 à la fin du régime français.

Pendant la triste année 1759, il combattit tantôt sous les ordres de Montcalm et tantôt sous le chevalier de Lévis mais toujours avec la même valeur.

Passé en France après la capitulation de Québec, M. de Repentigny fit partie en 1762 de l’expédition du chevalier de Ternay contre Terre-Neuve. Sept ans plus tard, le 7 juillet 1769, il était nommé commandant du dépôt des recrues à l’île de Ré. On avait pris du temps à reconnaître ses services. Colonel du régiment en 1775, colonel du régiment de la Guadeloupe en 1776, colonel du régiment de la Martinique en 1780, M. de Repentigny fut nommé gouverneur et commandant en chef du Sénégal en 1783. C’est à Paris qu’il décéda le 11 octobre 1786.

Le chevalier de Repentigny fut à l’honneur sur les champs de bataille de la Nouvelle-France et il honora son pays natal partout où il passa en France, à la Martinique, à la Guadeloupe, au Sénégal, etc., etc. Mais il y a une petite tache dans la carrière de ce brave soldat. Il fut un des profiteurs des dernières années du régime français. Il ne fut pas jeté à la Bastille et les mémoires anonymes du temps, si nombreux et si révélateurs, ne l’ont pas attaqué. Nous n’avons qu’un témoignage contre le chevalier de Repentigny et, malheureusement pour sa réputation, c’est celui d’un témoin universellement respecté alors comme aujourd’hui. C’est Montcalm qui écrit dans son Journal qu’il faut bien envoyer une expédition à la Belle-Rivière puisque M. Saint-Sauveur, le secrétaire du gouverneur de Vaudreuil, et le chevalier de Repentigny ont acheté de moitié pour cent cinquante mille livres de marchandises qui, revendues sur les lieux pour le compte du Roi, produiront un million.

Montcalm s’est-il trompé ou a-t-il exagéré ? Nous le souhaiterions pour la mémoire du chevalier de Repentigny qu’on s’était accoutumé à voir si brave, si beau et si glorieux dans nos pages d’histoire,