Joseph-François Barbel


Le professeur Adam Short a publié un important ouvrage sur la monnaie au change et aux finances sous le régime français.[1] M. Short a enrichi les deux volumes de son ouvrage de notes biographiques sur les personnages dont il parle. Malheureusement, ce terrain était moins familier au savant professeur que celui des finances. Il s’est trop fié à la connaissance qu’il croyait avoir de l’histoire du régime français. Dans le cas de Joseph-François Barbel, si M. Short avait consulté le Dictionnaire généalogique de Mgr Tanguay ou l’Histoire du notariat de J.-Edmond Roy, il n’aurait pas confondu Jacques Barbel avec Joseph-François Barbel.

Joseph-Fançois Barbel était né à Québec le 28 décembre 1700, du mariage de Jacques Barbel et de Louise Renée Toupin.

Jacques Barbel était notaire royal, Juge seigneurial, ancien secrétaire de l’intendant Bégon, etc., etc. Ces différentes charges lui donnaient une certaine influence dans le monde officiel. Marié trois fois, sa famille était nombreuse. Il obtint un emploi pour son fils aîné dans les bureaux du Roi à Québec. Joseph-François Barbel était intelligent, travailleur et, par-dessus le marché, fort ambitieux. Comme l’intendant ne se pressait pas de lui donner la promotion qu’il désirait, il s’adressa au chanoine Hazeur de l’Orme alors à Paris, et fort bien vu dans les bureaux du ministre. Le 23 juin 1732, le chanoine Hazeur de l’Orme écrivait à son frère, le chanoine Joseph-Thierry Hazeur, à Québec.

« J’ai parlé pour le jeune Barbel pour lui avoir un brevet d’écrivain ; on m’a répondu que cela ne se donnait pas comme cela ; qu’il y avait des commis dans le bureau qui travaillaient depuis plus de vingt ans et qui n’avaient pu encore en avoir ; et cela est vrai. Ainsi il faut que M. Hocquart augmente ses appointements ou qu’il écrive pour lui faire avoir quelque place dans le pays qui puisse lui convenir. »[2]

Nous ignorons si M. Hocquart, et plus tard, M. Bigot, s’intéressèrent au sort de M. Barbel ; ce que nous savons c’est qu’à la fin du régime français Barbel était un des principaux commis de l’administration à Québec.

À la fin du régime français, Barbel entré simple employé dans les bureaux de l’Intendance était devenu écrivain principal.

Après la capitulation de Montréal, M. Barbel se décida à passer en France afin d’obtenir un nouvel emploi. À son arrivée à Paris en 1760, le ministre tenant compte des excellents certificats dont il était porteur, le nomma pour aller remplir à la Martinique le même emploi qu’il avait au Canada.

Mais à peine avait-il pris possession de son office dans cette colonie lointaine qu’il fut rappelé en France.

Barbel avait travaillé sous les ordres de Bigot et l’intendant infidèle compromettait tous ceux qui l’approchaient d’un peu près. Nous savons que peu après son arrivée en France, Barbel fut enfermé à la Bastille. D’après le Mémoire de Bigot, Barbel, en sa qualité d’écrivain principal « taxait le prix des certificats des Pays d’en haut ». En contact continuel avec Cadet, le munitionnaire, pour obtenir les bonnes grâces de Barbel, lui fournissait gratuitement la viande nécessaire à sa maison.[3]

Chose étrange, Barbel, enfermé à la Bastille, ne fut pas jugé par le Châtelet. Son nom ne se trouve pas même dans la liste des inculpés. Ceci laisse supposer deux choses, soit que la preuve contre lui n’ait pas été assez forte ou encore que l’ancien commis principal aurait fait, sur la promesse d’être gracié, des révélations sur le compte de Bigot et de ses comparses qui auraient été utiles pour la poursuite devant le Châtelet.

Après sa sortie de la Bastille, M. Barbel se chercha des protecteurs et il en trouva. M. de Sartine, conseiller au Châtelet et qui devait devenir un peu plus tard lieutenant-général de la police, fut un de ceux-là. Le président du Conseil de Marine écrivait à M. de Sartine le 14 septembre 1762 qu’il donnerait à son protégé, M. Barbel, un emploi qui serait un témoignage de sa bonne foi et de sa probité.

M. Barbel attendit le bon plaisir du ministre pendant près de deux ans. Les demandes d’emploi de la part des Français de la vieille France étaient si nombreuses que les Canadiens même les plus méritants n’obtenaient que les miettes de la table royale.

Enfin, en avril 1764, M. Barbel était nommé ordonnateur à Saint-Pierre et Miquelon. Le poste n’était pas très lucratif au point de vue des appointements, mais il rapprochait le titulaire de sa famille restée au Canada. De plus, en lui annonçant sa nomination, le ministre l’informait que le Roi, après avoir examiné ce qui le concernait dans l’affaire des déprédations commises au Canada, lui accordait une pension de quatre cents livres.

Deux années plus tard, en 1766, le Roi rappelait M. Barbel de Saint-Pierre et Miquelon et le remplaçait par M. Beaudeduit, ci-devant conseiller au Conseil Supérieur de Vile Royale.

À partir de 1766, nous perdons les traces de M. Barbel. Il ne semble pas être revenu au Canada. Il est probable qu’il retourna en France et vécut ensuite de la petite pension de quatre cents livres qu’il recevait depuis 1764.

  1. Documents relating to Canadian Currency, Exchange and Finance under the French Period.
  2. Bulletin des Recherches Historiques, vol. XVI, p. 232.
  3. Mémoire pour messire François Bigot, 2e partie, p. 351