Bigot et sa bande/60
Pierre-Victor Almain
Originaire de Rochefort, Pierre-Victor Almain, arrivé ici entre 1745 et 1750, fut employé dans les bureaux de l’Intendance à Québec en qualité d’écrivain ordinaire.
Il fut d’abord dans les bonnes grâces de Bigot qui lui confia plusieurs fonctions de confiance dans les différents postes de la colonie.
Le 14 septembre 1751, Bigot donnait une commission à Almain, écrivain ordinaire de la marine, pour aller en qualité de commissaire dans les postes du Roi sur les frontières du Canada voisines de l’Acadie, tant pour ordonner et régler les consommations qu’il est indispensable d’y faire pour l’établissement des terres de ce continent que pour voir à la subsistance des habitants et Sauvages que Sa Majesté y entretient. Le même jour, Bigot donnait un long mémoire d’instructions sur le travail qu’il avait à accomplir en Acadie.[1]
Quelques jours plus tard, Almain s’embarquait sur le brigantin L’Aimable Catherine pour se rendre en Acadie.
Bigot ne fut pas du tout satisfait du travail de Almain en Acadie. Il s’en plaignait au président du Conseil de marine qui, le 17 juillet 1753, lui écrivit que si le sieur Almain s’acquittait mal de ses fonctions il n’avait qu’à le destituer et à le remplacer par un autre plus compétent. C’est ce qui arriva. Almain fut destitué de sa charge de commissaire en Acadie. Nous ignorons toutefois s’il reprit ses fonctions d’écrivain ordinaire à Québec.
À propos de la destitution de Almain, on a cru longtemps que ce commissaire avait commis des irrégularités au détriment du Roi pendant qu’il remplissait ses fonctions en Acadie.
Si on peut ajouter foi au Mémoire de Bigot, Almain fut mis à pieds pour d’autres raisons qu’il donne assez au long. Le ministre se plaignait que les dépenses étaient trop fortes en Acadie, et Bigot y avait envoyé Almain pour les diminuer. C’est du moins ce que prétend le Mémoire qui ajoute :
« On a vu à la fin de 1751 les mesures qu’il avait prises pour les fournitures de l’Acadie. Il avait envoyé le sieur Almain avec six commis d’augmentation pour présider aux distributions. Il leur avait donné des instructions mais encore fallait-il que les commandants s’y prêtassent car l’écrivain et les commis étaient sous leurs ordres… Sur cet arrangement particulier fait par le Sieur Bigot par rapport aux frontières de l’Acadie, le commandant trouva fort extraordinaire que le sieur Bigot y eût envoyé le sieur Almain. Il l’inquiéta dans toutes ses fonctions. Le marquis (sic) de Longueuil à qui le sieur Bigot porta ses plaintes ordonna à cet officier de laisser remplir son emploi à cet écrivain conformément à ses instructions. Après cette lettre du gouverneur à ce commandant ce fut le missionnaire chargé de l’instruction des Sauvages qui se mit sur les rangs. Il s’éleva contre cet arrangement qui l’empêchait de disposer de tout. Le marquis Duquesne réitéra les mêmes ordres à son arrivée, mais on sent aisément combien le défaut de concert trouble l’harmonie et diminue les avantages que la régie doit procurer… »[2]
On remarquera ici une étrange contradiction de Bigot. En 1754, il se plaint amèrement du commissaire Almain et le destitue de ses fonctions de commissaire en Acadie. Neuf ans plus tard, en 1763, il fait déclarer par la bouche de ses avocats que la mission de Almain en Acadie n’a pu être effective parce que le commandant militaire, M. de Vassan, et le missionnaire des Sauvages, l’abbé de Laloutre, lui ont mis tout le temps des bâtons dans les roues. Il y a anguille sous roche dans cette affaire. On peut soupçonner que Bigot avait contre Almain des griefs qu’il ne voulait pas mettre au jour.
Almain décéda quelques années après son retour d’Acadie, puisque, dans une réclamation pour papier monnaie qui date de 1764 on trouve le nom de sa veuve, Suzanne-Élizabeth Lajus. La veuve Almain se remaria, le 26 octobre 1769, avec Louis Couillard des Islets, co-seigneur de la Rivière-du-Sud.