Alphonse Lemerre, éditeur (p. 95-97).

XVII

LE MÉNAGE ROYAL

À Paris, même jour, même heure. Un boudoir tendre.
Miroirs et bibelots de toilette. Un divan.
Enfin, tout ce qu’il faut pour s’aimer ou s’attendre.
Un nid d’amant coupable ou de mari fervent.

C’est là que chaque soir, aux genoux de la reine,
Dolent et résigné,
Depuis dix ans, Pépin servilement se traîne,
Et se sent dédaigné.

Car la reine est méchante et sa beauté funeste
À ce charme obsesseur dont nul ne peut guérir.
Pépin tout à la fois l’adore et la déteste
D’un amour douloureux qui s’obstine à souffrir.

Lui qui l’espérait douce, et bonne, et maternelle,
Elle l’a tant déçu
Que parfois, comme en rêve, il songe : « Est-ce bien elle ? »
Et doute à son insu.

Est-ce triste ? être un roi puissant que l’on ménage,
Dont le fils portera la couronne de fer !
Être maître en Europe et serf en son ménage,
Et cuire en son amour comme dans un enfer !

Triste, oh ! triste ! — Et malgré le désir qui l’affame,
Un autre ennui le poinct,
C’est que les deux enfants qu’il a de cette femme
Ne lui ressemblent point.

Tel, il songe. — Et dans l’ombre, âme éprise de lucres,
La reine avec Tybert s’épanche en doux propos :
« Qu’est-ce que tu dirais d’un impôt sur les sucres,
D’une aide sur les blés et d’un droit sur les peaux ? »