Bas les masques/Chapitre II

Imprimerie de « L’Événement » (p. 7-12).

II

La Dénonciation est un Devoir

Le droit naturel et la charité nous font un devoir de transmettre à l’autorité religieuse les renseignements positifs et certains que nous possédons sur ces conspirateurs. Se taire en pareil cas c’est faire acte de complicité. Que diriez-vous d’un voisin, s’il ne vous avertissait pas de la présence d’un incendiaire qui, sous ses yeux et à sa connaissance, se préparerait à brûler votre demeure ? Vous le traiteriez de complice, et vous auriez raison.

Il en est de même des sectaires qui conspirent contre vous, votre honneur, votre foi et l’âme de vos enfants. Les souverains pontifes, dans des lettres que nous possédons encore, n’ont pas cessé d’avertir les fidèles : et de leurs complots, et de la nécessité de les faire connaître. Hélas ! ils ont trop souvent prêché dans le désert, et, aussi depuis cent cinquante ans, l’histoire n’est-elle que le douloureux accomplissement de leurs prédictions.

Les traditions maçonniques n’ont pas changé, même il y a peut-être quelque chose de plus haineux dans leurs procédés, car le succès donne de l’audace.

La persécution qui sévit en France depuis trente ans est bien leur œuvre. Elle ne semble pas près de vouloir cesser. Voici quelques paroles qui valent des programmes à elles seules.

En 1892, le Fr ∴ Doumer, depuis député et gouverneur de l’Indo-Chine, — on le disait intelligent et au-dessus de ces bassesses — Doumer, dis-je, parlait ainsi en pleine assemblée :

« Le Grand Orient perdrait toute action politique, si les Fr ∴ M ∴ qui le composent et surtout ceux qui le dirigent ne faisaient pas résolument face au cléricalisme, notre éternel ennemi »[1].

Or, savez-vous ce que l’on entendait par cléricalisme ? Il avait été défini en 1850 par le Fr ∴ Courdaveaux : « La distinction entre le catholicisme et le cléricalisme est purement officielle, subtile, pour les associés de la tribune, mais ici, en Loge, disons-le hautement pour la vérité, le cléricalisme et le catholicisme ne font qu’un »[2].

Le F ∴ Blatin à son tour donnait de l’idéal maçonnique la notion suivante : « Notre Ordre possède un idéal moral particulier et spécial qu’il enseigne et prêche dans le monde depuis plus d’un siècle, un idéal moral antagoniste à l’idéal moral chrétien »[3].

Voilà qui explique bien des pages de l’histoire contemporaine ; voilà pourquoi on chasse Dieu de l’école, pourquoi on expulse les religieux et les religieuses de leurs couvents et les évêques de leurs palais, et pourquoi aussi on vole la foi aux petits enfants de France pour en faire des impies.

Laisserons-nous ces renégats et ces apostats faire école chez nous ? Alors, gare aux lendemains !

Il ne peut y avoir aucun doute sur la nécessité et le devoir de faire connaître ces gens-là.

Mais, l’obligation devient plus grave encore quand il s’agit des chefs et des organisateurs des Loges maçonniques. L’Église a ajouté une sanction très sévère : elle frappe d’excommunication ceux qui les connaissent et ne veulent pas les dénoncer.

« Sont excommuniés, dit-elle, ceux qui ne dénoncent pas les coryphées et les chefs occultes des sectes, jusqu’à ce qu’ils les aient effectivement dénoncés ». Bulle Apostolicæ Sedis. No 18. Cf. Franc-Maç. et Consc. Cath.

Nous ajouterons quelques mots à l’étude que nous avons déjà faite de cette question afin de mieux faire saisir sa portée et son étendue.

Remarquons d’abord qu’il ne s’agit pas seulement des Francs-Maçons proprement dits, mais des membres de toute société secrète où l’on conspire contre la sécurité de l’Église ou de l’État.

La formule employée est très claire, très ferme, et aussi très générale ; elle ne laisse place à aucune exception ni échappatoire, car elle est négative : Non denuntiantes, ceux qui ne dénoncent pas.

Et quels sont-ils ceux qui doivent ainsi parler, sous peine d’excommunication ?

Tous ceux qui savent, d’une manière certaine et positive.

D’abord, les membres catholiques des sociétés défendues.

Nul n’est mieux renseigné. Par le fait de leur affiliation aux loges, ils ne cessent pas d’appartenir à l’Église ; ce sont de mauvais fils, mais des fils quand même, pour lesquels on continue de prier.

De même pour ceux qui veulent revenir à l’Église et se réconcilier avec elle, qu’ils soient en santé, ou sur le lit de mort, on exigera qu’ils réparent le scandale donné, et qu’ils fassent les révélations nécessaires.

D’autres reçoivent les confidences des zélateurs qui les approchent et les pressent de donner leur nom à la secte. Il arrive aussi que le hasard ou les accidents procurent de précieux documents. Il faut les porter à qui de droit.

Pareilles démarches ne se font pas sans une certaine appréhension, mais à tous nous dirons cependant : Que la crainte ou les menaces ne vous arrêtent pas ! Probablement vous vous êtes engagés dans cette voie dans un moment d’oubli ou de légèreté, vous regrettez votre faute, mais n’allez pas croire qu’il soit trop tard pour revenir. Ne redoutez pas non plus les menaces que l’on a pu vous faire, ni même les châtiments que l’on a pu infliger à quelque frère indiscret ou trop loquace.

Ils ne sont pas aussi braves qu’ils le disent, les enfants de la Veuve. Du reste, la gravité des coups qu’ils pourraient vous porter les mettrait en évidence. Ce serait tirer le rideau derrière lequel ils se cachent.

Ayez le courage de les braver comme Jean Bidegain et Copin-Albancelli.

La notion de ce devoir semblait perdue, au moins oubliée, depuis longtemps. On pouvait croire qu’il n’obligeait qu’au lit de mort, mais au contraire, il oblige en tout temps, et tous les chrétiens qui ont l’âge de puberté.

Voilà cette arme précieuse : les souverains pontifes nous ont prié à maintes reprises de nous en servir. Nous n’avons qu’à nous baisser pour la prendre, nous ne pouvons pas refuser de le faire. Nous sommes les soldats du Christ, nous formons dans l’ensemble une armée permanente avec service obligatoire ; ses représentants sont nos chefs : à eux de commander, à nous de recevoir les armes, d’obéir et de marcher.

Nous osons croire que désormais l’on n’aura plus le droit de plaider ignorance, et que l’on parlera volontiers, à moins que l’on ne se retranche derrière une fausse délicatesse qui répugne à l’emploi de ce moyen.


  1. Compte-rendu analytique de l’assemblée du G. O. 1892, p. 14.
  2. Chaîne d’Union, juillet 1880, cité par Prache, La Pétition, etc.
  3. Bulletin du Grd. Or. Convent de Sept. 1895. Loge des Amis Triomphants.