Barreaux/Vienne la Nuit

Éditions de Minuit et demi (p. 13-14).

Vienne la nuit.....

Vienne la nuit que je m’embarque
Loin des murs que fait ma prison ;
Elle suffit pour qu’ils s’écartent,
Je retrouve mes horizons.
Que m’importe si l’on me parque !
La nuit abat toute cloison.

Avec la Nuit je me promène
Sous le soleil des jours anciens.
Je ne vois plus ce qui m’enchaîne
Le sommeil brise le destin ;
Voici la mer, voici la Seine,
Voici les fraîches joues des miens.


Comme dans les camps d’Allemagne,
Chaque nuit, ô Nuit, tu reviens
Me rendre tout ce qu’on éloigne.
Je ferme les yeux sous tes mains,
Je m’embarque, tu m’accompagnes,
Me caresses jusqu’au matin.

Ô Nuit, ô seul trésor pareil
Pour l’homme ou le proscrit
Je t’ai donc retrouvée, merveille,
Après trois ans, te revoici.
Je me rends à ton cher soleil ;
Enlève-moi, comme jadis.

Sur la paille où sont les soldats,
Tu m’apportais les mêmes songes
Qu’aux heureux dont je n’étais pas.
Aujourd’hui, vers toi je replonge,
Ô secourable, ô toujours là,
Ô Nuit qui n’as pas de mensonges.