Éditions de Minuit et demi (p. 15-16).

Fresnes

Le parc de Sceaux à l’horizon,
La route des pélerinages,
Les peupliers et les saisons
Nous offrent les libres images
Avec lesquelles nos prisons
Essaient de nous tenir sages.

Les quatre murs de la cellule
Sont peuplés quand tombe le soir
Des feux où notre cœur se brûle,
Des spectres que nul ne peut voir,
Dont la foule pourtant circule
Et nous tend les mains dans le noir.


Un sifflet dans les corridors,
Un œil qui s’ouvre à notre porte,
Un chariot qui repart encor,
Un chaudron que l’on nous apporte
Semblent bruits qui montent d’un poste,
Signaux d’un train ou d’une escorte.

Je pense à ceux qui des années
Ont attendu près des barreaux,
Dans ces bruits de gare étouffée
L’heure où partira le bateau,
Quand la passerelle est ôtée
Et que l’on tire l’ancre de l’eau.