Barreaux/Les noms sur les murs

Éditions de Minuit et demi (p. 19-20).

Les noms sur les murs

D’autres sont venus par ici,
Dont les noms sur les murs moisis
Se défont déjà et s’écaillent ;
Ils ont souffert et espéré,
Et parfois l’espoir était vrai,
Parfois il dupait ces murailles.

Venus d’ici, venus d’ailleurs,
Nous n’avions pas le même cœur,
Nous a-t-on dit. Faut-il le croire ?
Mais qu’importe ce que nous fûmes !
Nos visages, noyés de brumes,
Se ressemblent dans la nuit noire.


C’est à vous, frères inconnus,
Que je pense le soir venu ;
Ô mes fraternels adversaires !
Hier est proche d’aujourd’hui,
Malgré nous, nous sommes unis
Par l’espoir et par la misère.

Je pense à vous, vous qui rêviez,
Je pense à vous, vous qui souffriez,
Dont aujourd’hui, j’ai pris la place :
Si demain la vie est permise,
Ces noms qui sur les murs se brisent,
Nous seront-ils nos mots de passe ?