Au fait, au fait !!! Interprétation de l’idée démocratique/1

II  ►


I.


Si j’avais eu un ami, un seul ami — et, pour l’avoir, il ne m’a manqué qu’un bon cuisinier ou une femme aimable, — je n’aurais pas écrit ce qui va suivre ; j’en aurais fait l’objet d’une confidence intime. Puis, une loi allégée du poids de mes préoccupations, je me serais consolé des rigueurs représentatives dans les bras fraternels du porteur de contraintes.

Or, je n’ai ni cuisinier, ni femme aimable ; partant, pas d’ami, et, par suite, pas de confident de sorte que, faute d’avoir à qui parler, je m’adresse à tout le monde. Cette manière de me taire sera, j’en ai la confiance, appréciée par la République.

Et, à propos de République, j’en demande humblement pardon à très hauts et très puissants prosateurs de la rue Lepelletier, je prends sur moi de déclarer que ce mot — j’ai dit : motcommence à fatiguer plus que médiocrement la France, de l’Océan aux Alpes et des Pyrénées à la Manche.

Le mot République pose assez bien sûr ses quatre syllabes cadencées, mais un mot n’est, après tout, qu’un mot, comme un son n’est qu’un son ; tandis qu’une chose est un fait ; et, le peuple, c’est du moins ma croyance vit beaucoup plus de faits que de mots.

Si donc, nous laissions là l’idée pour passer au fait, j’imagine que l’évolution serait assez du goût de tout le monde ; quand je dis tout le monde, j’entends très sérieusement exclure de ma formule, cette classe polie de citoyens ordonnancés par le Moniteur, cette congrégation laborieuse qui daigne passer son temps à tirer le budget par la queue et sans laquelle on ne saurait vraiment que faire ni des libertés publiques, ni des écus du trésor.

Je voudrais savoir, — plaise à Dieu que je ne sois pas jugé coupable de trop d’indiscrétion ! — je voudrais savoir ce que l’on entend résolument par République.