Au Japon spectral (In Ghostly Japan)
Traduction par Marc Logé.
Mercure de France (p. 117-138).

PROVERBES BOUDDHIQUES JAPONAIS

Les dictons proverbiaux d’un peuple doivent toujours avoir pour les penseurs un intérêt psychologique particulier, car ils représentent la qualité générale d’expérience morale qui demeure presque intacte devant les modifications sociales de toute espèce. La littérature orale et écrite du Japon est si riche dans cette catégorie de folk-lore que, pour en donner une idée, il faudrait y consacrer un gros volume. On ne saurait rendre justice à ce sujet, considéré comme un tout, dans les limites étroites d’une seule étude. Mais on peut considérer en quelques pages certaines classes de proverbes et de phrases proverbiales. Or les dictons se rapportant au Bouddhisme, soit par allusion ou par dérivation, me semblent particulièrement dignes d’être analysés. Donc, avec l’aide d’un ami japonais, j’ai choisi et traduit les exemples suivants, — choisissant quand c’était possible les plus simples et les mieux connus, et plaçant les textes originaux par ordre alphabétique afin de faciliter les références. Ce choix, — quoique insuffisant, — servira du moins à illustrer certains effets de l’enseignement bouddhiste sur la pensée et le parler populaire.

1. — Akuji mi ni tomaru.
Tout le mal accompli s’accroche au corps[1].
2. — Atama soru yori kokoro wo soré.
Mieux vaut se raser le cœur que se raser la tête[2].
3. — Au wa wakaré no hajimé.
Une rencontre n’est que le commencement d’une séparation[3].

4. — Banji wa yumé.
Toutes les choses ne sont que des rêves[4].
5. — Bonbu mo satoréba hotoké nari.
Même un homme vulgaire devient par la connaissance un Bouddha[5].
6. — Bonnô kunô.
Tout désir est chagrin[6].
7. — Buppô to wara-ya amé, dété kiké.
Il faut sortir pour entendre la doctrine bouddhiste ou
le bruit de la pluie sur un toit de paille[7].
8. — Busshô en yori okoru.
La nature divine pousse même hors des relations de
Karma[8].
9. — Enkô ga tsuki wo toran to suru ga gotoshi.
Pareils à des singes s’efforçant d’attraper le reflet de
la lune dans l’eau[9].

10. — En naki shujô wa doshi gatashi.
Il serait difficile en vérité de sauver des personnes n’ayant aucune relation de Karma[10].
11. — Fujô seppô suru hôshi wa, hirataké ni umaru.
Le prêtre qui prêche une doctrine impure renaîtra fongus.
12. — Gaki mo ninzu.
Même les gaki (prétas) peuvent faire une foule[11].
13. — Gaki no mé ni midzu miézu.
Aux yeux du gaki l’eau est invisible[12].

14. — Goshô wa daiji.
La vie future est la chose toute importante[13].
15. — Gun-mô no tai-zô wo saguru ga gotoshi.
Pareils à plusieurs aveugles cherchant en tâtonnant un grand éléphant[14].
16. — Gwai-men nyo-Bosatsu ; nai shin nio-Yasha.
Extérieurement, un Bodhisattva ; mais dans son for intérieur, un démon[15].
17. — Hana wa né ni kaeru.
La fleur retourne à sa racine[16].
18. — Hibiki no koë ni ozuru ga gotoshi.
De même que l’écho répond à la voix[17].

19. — Hito wo tasukéru ga shukké no yuku.
La tâche du prêtre est de sauver l’humanité.
20. — Hi wa kiyurédomo tô-shin wa kiyédzu.
Bien que la flamme soit éteinte, la mèche demeure[18].
21. — Hotoké mo motowa bonbu.
Le Bouddha lui-même n’était à l’origine qu’un homme ordinaire.
22. — Hotoké ni naru mo shami wo heru.
Même pour devenir Bouddha, il faut d’abord devenir novice.
23. — Hotoké no kao mo sando.
Même le visage du Bouddha, trois fois seulement[19].
24. — Hotoké tanondé Jigoku é yuku.
En priant le Bouddha, on va en Enfer[20].
25. — Hotoké tsukutté tamashii irédzu.
Fabriquer un Bouddha sans y mettre une âme[21].

26. — Ichi-ju no kagé, ichi-ga no nagaré, tasho no en.
Même l’expérience d’une seule ombre ou d’un seul jet d’eau est produite par les relations karmiques d’une existence précédente[22].
27. — Ichi-mô shù-mô wo hiku.
Un aveugle conduit plusieurs aveugles[23].
28. — Ingwa na ko.
Un enfant karma[24].
29. — Ingwa wa, kuruma no wa.
La Cause et l’Effet sont comme une roue[25].
30. — Innen ga fukai.
La relation de karma est profonde[26].

31. — Inochi wa fù-zen no tomoshibi.
La vie est comme la flamme d’une lampe exposée au vent[27].
32. — Issun no mushi ni mo, goba no tamashii.
Même un ver long d’un centimètre a une âme un centimètre de long[28].
33. — Iwashi[29] no atama mo shinjin kara.
Même la tête d’un iwashi (aura la puissance de sauver
ou de guérir) par vertu de la foi.
34. — Jigo-jitoku[30].
Les fruits de ses propres actions (dans un état d’existence précédent).

35. — Jigoku dè hotoké.
Pareil à la rencontre d’un Bouddha en Enfer[31].
36. — Jigoku Gokuraku wa kokoro ni ari.
L’Enfer et le Paradis sont dans les cœurs des hommes[32].
37. — Jigoku mo sumika.
Même l’Enfer est un lieu de séjour[33].
38. — Jigoku ni mo shiru hito.
Même en Enfer les anciennes connaissances sont les bien-venues.
39. — Kagé no katachi ni shitagau gotoshi.
De même que l’ombre suit la forme[34].
40. — Kané wa Amida yori hikaru.
L’argent brille avec encore plus d’éclat qu’Amida[35].

41. — Karu-toki no Jizo-gao ; nasu-toki no Emma-gao.
Temps d’emprunt, visage de Jizo ; temps de remboursement, visage d’Emma[36].
42. — Kiité Gokuraku, mité Jigoku.
À ouï-dire, c’est le Paradis ; à voir, c’est l’Enfer[37].
43. — Koji mon wo idézu : akuji sen ri wo hashiru.
Les bonnes actions ne franchissent pas le seuil ; les mauvaises actions voyagent loin.
44. — Kokoro no koma ni tadzuna wo yurusuna.
Ne lâche jamais les rênes du cœur, ce poulain sauvage.
45. — Kokoro no oni ga mi wo séméru.
Le corps n’est torturé que par le démon du cœur[38].
46. — Kokoro no shi to wa naré ; kokoro wo shi to sézaré.
Sois le maître de ton cœur ; ne permets pas à ton cœur de devenir ton maître.
47. — Kono yo wa kari no yado.
Ce monde n’est qu’une halte[39].

48. — Kori wo chiribamé ; midzu ni égaku.
Plaquer de la glace ; et peindre sur l’eau[40].
49. —

Korokoro to
Naku wa yamada no
Hototogisu,
Chichi nitéya aran,
Haba nitéya aran[41].

Je sais que l’oiseau qui chante korokoro dans cette rizière montagnarde est un hototogisu ; pourtant il fut peut-être mon père, ou bien il a pu être ma mère.
50. — Ko wa Sangai no kubikase.
Un enfant est une cangue pendant les trois États de l’Existence[42].

51. — Kuchi wa wazawai no kado.
La bouche est la porte d’entrée de tous les malheurs[43].
52. — Kwahô wa, nété maté.
Si vous souhaitez la chance, dormez et attendez[44].
53. — Makanu tané wa haënu.
Rien ne poussera si on ne sème pas la graine[45].
54. — Matéba, Kanrô no hiyori.
Si vous attendez, le beau temps viendra[46].
55. — Meido no michi ni Ô wa nashi.
Il n’y a pas de Roi sur la Route de la Mort[47].
56. — Mekura hébi ni ojizu.
L’aveugle ne craint pas le serpent[48].

57. — Mitsuréba, kakuru.
Ayant monté, décline[49].
58. — Mon zen no kozo narawanu kyô wo yomu.
L’apprenti debout devant l’entrée du temple répète le sûtra qu’il n’a jamais appris[50].
59. — Mujo no kazé wa, toki erabazu.
Le Vent de l’Impermanence ne choisit pas son temps[51].
60. — Neko mo Bussho ari.
La nature du Bouddha existe même dans un chat[52].
61. — Néta ma ga Gokuraku.
L’intervalle du sommeil est le Paradis[53].

62. — Nijiu-go Bosatsu mo soré-soré no yaku.
Même chacun des Vingt-cinq Bodhisattvas doit accomplir son propre devoir particulier.
63. — Nin mité, hô toké.
Voyez (d’abord) la personne, enseignez (ensuite) la doctrine[54].
64. — Ninshin ukégataku Buppo aigatashi.
Il n’est guère facile de naître parmi les hommes et de rencontrer le Bouddhisme[55].
65. — Oni mo jiu-hachi.
Même un démon est joli à dix-huit ans[56].

66. — Oni mo mi, narétaru ga yoshi.
Même un démon, lorsque vous vous serez accoutumé à sa vue, peut se révéler une connaissance agréable.
67. — Oni ni kanabô.
Un gourdin de fer pour un démon[57].
68. — Oni no nyôbo ni kijin.
Un démon prend un lutin pour épouse[58].
69. — Onna no ké ni wa dai-zo mo tsunagaru.
Avec un seul cheveu d’une femme, vous pouvez attacher même un grand éléphant.
70. Onna wa Sangai ni iyé nashi.
Les femmes n’ont point de demeures qui leur soient propres dans les Trois États d’Existence.
71. Oya no ingwa ga ko ni mukuti.
Le karma des parents est transmis aux enfants[59].
72. — Rakkwa éda ni kaerazu.
La fleur tombée ne retourne jamais à la branche[60].
73. — Raku wa ku no tané ; ku wa raku no tané.
Le plaisir est la graine de la douleur ; et la douleur est la graine du plaisir.

74. — Rokudö wa, me no maë.
Les Six Chemins se trouvent devant vos yeux[61].
75. — Sangai mu-an.
Il n’y a point de repos dans les Trois États de l’existence.
76. — Sangai ni kaki nashi ; Rokudô ni hotori nashi.
Il n’y a pas de haie autour des Trois États de l’Existence ; il n’y a point de voisinage aux Six Chemins[62].
77. — Sangé ni wa sannen no tsumi mo hôrobu.
Une confession efface les péchés commis en trois ans.
78. — Sannin yoréba, kugai.
Là où se réunissent ne fût-ce que trois personnes, il y a un monde de douleur[63].
79. — San nin yoréba, Monjû no chié.
Là où se réunissent trois personnes, se trouve la sagesse de Monjû[64].

80. — Shaka ni sekkyô,
Prêcher à Sâkyamuni.
81. — Shami kara chôrô.
Pour devenir Abbé, il faut commencer par être novice.
82. — Shindaréba, koso ikitaré.
Ce n’est que par la mort qu’on parvient à la vie[65].
83. — Shiranu ga, hotoké ; minu ga, Gokuraku.
Ignorer, c’est être un Bouddha ; ne pas voir, c’est le
Paradis.
84. — Shôbo ni kidoku nashi.
Il n’y a pas de miracle dans la vraie doctrine[66].
85. — Shô-chié wa Bodai no samatagé.
Un peu de sagesse est un trébuchet sur le chemin menant à l’état de Bouddha[67].

86. — Shôshi no kukai hetori nashi.
Il n’y a point de rivages à la Mer douloureuse de la Naissance et de la Mort[68].
87. — Sodé no furi-awasé mo tashô no en.
Même le frôlement des manches au passage est causé par quelque relation dans une vie précédente.
88. — Sun zen ; shaku ma.
Un centimètre de vertu ; un mètre de démon[69].
89. — Tanoshimi wa kanashimi no motoi.
Toute joie est une source de chagrin.
90. — Tondé hi ni iru natsu no mushi.
Ainsi les insectes d’été volent-ils vers la flamme[70].
91. — Tsuchi-botoké no midzu-asobi.
Bouddha d’argile jouant avec l’eau[71].
92. — Tsuki ni murakumo, hana ni kazé.
Débris de nuages pour la lune ; et le vent pour les fleurs[72].

93. — Tsuyu no inochi.
La vie humaine ressemble à la rosée du matin.
94. — U-ki wa, kokoro ni ari.
La joie et le chagrin n’existent que dans la pensée.
95. — Uri no tsuru ni nasubi wa naranu.
Les aubergines ne poussent pas sur les vignes de melons.
96. — Uso mo hôben.
Même un mensonge peut servir d’excuse[73].
97. — Waga ya no hotoké tattoshi.
Les ancêtres de ma famille furent tous d’excellents Bouddhas[74].
98. — Yuki no haté wa, Nehan.
La fin de la neige est le Nirvâna[75].

99. — Zen ni wa zen no mukui ; aku ni wa aku no mukui.
La bonté ou la vérité résultent de la bonté ; le mal
résulte du mal[76].
100. — Zensé no yakusoku-goto.
Promis ou destiné depuis une vie précédente[77].

  1. Tant que durera le Karma, la conséquence d’une mauvaise action ou d’une mauvaise pensée ne cessera jamais d’agir sur l’existence de la personne qui s’en est rendue coupable.
  2. Les religieuses et les prêtres bouddhistes ont la tête complètement
    rasée. Le proverbe signifie qu’il est préférable de se corriger le cœur et de triompher de tous les vains regrets et désirs que de devenir moine. En parler populaire, la phrase « se raser la tête » signifie se faire religieuse ou moine.
  3. Le désir et le regret sont également vains dans ce monde impermanent ; car toute joie est le commencement d’une expérience qui doit
    comporter sa douleur. Le proverbe fait directement allusion au texte sûtra Shoja hitsumetsu è-sha-jori. « Tout ce qui est doit sûrement mourir, et tous ceux qui se rencontrent doivent sûrement se séparer. »
  4. Littéralement : « dix mille choses ».
  5. Les seules différences véritables de condition sont des différences dans la connaissance de la vérité supérieure.
  6. Tout désir sensuel entraîne invariablement la douleur.
  7. On fait ici allusion à la condition des shukké (prêtres). Littéralement : « celui qui a quitté sa maison ». Le proverbe signifie que les vérités les plus élevées du Bouddhisme ne sauraient être acquises par celui qui continue à vivre dans le monde des folies et des désirs.
  8. Tout Karma contient du bon ainsi que du mauvais. Car tout
    bonheur dont nous jouissons n’est pas moins une conséquence des
    actes et des pensées de nos vies précédentes que le malheur qui s’abat sur nous. Chaque bonne pensée et action contribue à l’évolution de la nature bouddhique qui se trouve en chacun de nous. Le proverbe Numéro 10 souligne le sens de celui-ci.
  9. Allusion à une parabole qui fut, dit-on, racontée par le Bouddha lui-même au sujet de quelques singes qui découvrirent un puits au pied d’un arbre et prirent pour la réalité l’image de la lune qu’ils aperçurent dans l’eau. Ils résolurent de s’emparer de cette brillante apparition. Le premier singe se suspendit par la queue à une branche surplombant le puits ; le second s’agrippa au premier ; le troisième au deuxième et ainsi de suite, jusqu’à ce que cette longue chaîne de corps eût presque touché l’eau. Tout à coup la branche se rompit sous ce poids inaccoutumé, et tous les singes furent noyés.
  10. Être privé de toute relation du Karma signifierait un manque absolu de mérite comme de démérite.
  11. Littéralement : « même les gaki sont une multitude ». Dicton populaire qui est employé de mille façons différentes. Le sens ordinaire est que, tout pauvres ou misérables que soient les individus composant une multitude, ils représentent collectivement une force respectable. Ce dicton est parfois employé en riant à propos d’une foule de personnes très fatiguées ou d’aspect misérable, parfois d’une assemblée de garçons chétifs qui désirent manifester, parfois d’une compagnie de soldats minables. Parmi les classes du peuple les plus basses, il est fréquent d’appeler une personne infirme ou gourmande : gaki.
  12. Certaines autorités déclarent que les prêtres qui souffrent le plus de la soif, comme conséquence de fautes commises dans leurs vies antérieures, sont dans l’incapacité de voir l’eau. On emploie ce proverbe en parlant d’une personne qui est trop bête ou trop vicieuse pour voir une vérité morale.
  13. Les gens du peuple emploient souvent une expression curieuse gosho-daiji, équivalant à « extrêmement important ».
  14. Se dit de ceux qui critiquent sans les connaître les doctrines du Bouddhisme. Le proverbe fait allusion à une fable célèbre contenue dans les Avadânas sur un groupe d’aveugles qui essayèrent de déterminer la forme d’un éléphant en le tâtant. L’un, tâtant la jambe du monstre, déclara que l’éléphant ressemblait à un monstre ; l’autre, qui ne toucha que la trompe,
    dit qu’il ressemblait à un serpent ; un troisième, qui tâta le côté, déclara qu’il était pareil à un mur ; un quatrième, saisissant la queue, affirma que l’animal ressemblait à une corde, etc.
  15. Yasha (sanscrit Yaksha), un démon dévorateur d’hommes.
  16. Le proverbe est employé le plus souvent par rapport à la mort, signifiant que toutes les formes retournent au néant d’où elles sortent. Mais il peut aussi être employé par rapport à la loi de la cause et de l’effet.
  17. Se rapportant à la doctrine de la cause et de l’effet. On ne pourra apprécier la beauté philosophique de la comparaison que si on se rappelle de même le ton de l’écho répète le ton de la voix.
  18. Bien que les passions soient temporairement vaincues, leurs sources demeurent. Un autre proverbe ayant cette même signification est : Bonno non inu oëdomo sarazu : « On a beau le chasser, on ne peut empêcher le Chien de la Luxure de revenir. »
  19. Forme raccourcie populaire du proverbe plus long, Hotoké no kao mo sando nazuréba, hara wo tatsu : « Caressez, ne fût-ce que trois
    fois, le visage d’un Bouddha, et son courroux sera éveillé. »
  20. Le dicton populaire, Oni no Nembutsu, « prière de diable », a la même signification.
  21. C’est-à-dire, faire une statue du Bouddha sans lui donner une âme. Ce proverbe s’applique à la conduite de ceux qui entreprennent un travail quelconque en oubliant d’en compléter la partie essentielle. Il contient une allusion à la curieuse cérémonie Kai-gen, « l’ouverture des Yeux ». Ce Kai-gen est une espèce de consécration, grâce à la vertu de laquelle une statue nouvellement créée est censée être animée par la présence réelle de la divinité représentée.
  22. Même un incident aussi trivial que le fait de se reposer avec une autre personne à l’ombre d’un arbre est causé par les relations de Karma d’une autre existence.
  23. De l’ouvrage bouddhiste Dai-chi-do-ron. Le lecteur trouvera un proverbe similaire dans les Sûtras Bouddhiques, par Rhys Davids (Sacred Books of the East, p. 173), ainsi qu’une très curieuse parabole citée en note, donnée comme explication par un narrateur indien.
  24. Dicton très répandu parmi le peuple au sujet d’un enfant malheureux ou infirme. Ici le mot ingwa est employé dans le sens de rétribution. Cela signifie en général un mauvais karma ; kwaho est le terme employé pour désigner un karma méritant et ses résultats. Un enfant malheureux est appelé un enfant de ingwa, tandis qu’une personne heureuse est appelée une kwaho-mono, c’est-à-dire un exemple de kwaho.
  25. La comparaison de karma avec la roue d’un wagon est familière à tous les étudiants du Bouddhisme. Le sens de ce proverbe est identique à celui du verset du Dhammapada : « Si un homme parle ou agit dans une mauvaise pensée, la douleur le suit comme la roue suit le pied du bœuf qui traîne le chariot. »
  26. Dicton employé très couramment en parlant de l’attachement de deux amoureux, ou des résultats malheureux d’une affection très étroite entre deux personnes.
  27. Ou « pareille à la flamme d’une lampe exposée au vent ». Le Vent de la Mort est une expression très souvent employée dans la littérature
    bouddhique.
  28. Littéralement : « a une âme de cinq bu », cette mesure étant l’équivalent de la moitié d’un pouce japonais. Le Bouddhisme interdit de tuer quoi que ce soit, et classe comme êtres vivants toutes les formes douées de sensibilité. Cependant le proverbe, ainsi que l’indique le mot tamashii (l’âme), reflète la croyance populaire plutôt que la philosophie bouddhiste. Il signifie que toute existence, si petite et si humble qu’elle soit, a droit à la miséricorde.
  29. Le iwashi est un très petit poisson qui ressemble beaucoup à la sardine. Le proverbe implique que l’objet qu’on vénère a peu d’importance, pourvu que la prière soit exprimée avec une foi absolue et une intention pure.
  30. Peu de phrases populaires bouddhiques sont employées aussi souvent que celle-ci. Jigo signifie ses propres pensées et actes : jitoki, attirer sur soi, presque toujours dans un sens figuratif lorsque le mot est employé dans un sens bouddhiste. « Eh bien, c’est une affaire de jigo-jitoku », observe-t-on en voyant emmener un homme en prison ; voulant dire par cela : « Il récolte la conséquence de ses fautes ».
  31. Se rapporte à la joie de rencontrer un bon ami en temps de malheur. Ce proverbe est une abréviation. Le proverbe entier se lit : Jigoku dè hotoké ni ota yo da.
  32. Proverbe parfaitement d’accord avec le Bouddhisme supérieur.
  33. Signifiant que même ceux qui sont obligés de vivre en Enfer doivent apprendre à s’accommoder de la situation. Il faut toujours tirer le meilleur parti possible des circonstances. Un proverbe ayant une signification analogue est : Sumeba, Miyako : « Là où se trouve son foyer, là est la Capitale (ou Cité impériale). »
  34. Se référant à la doctrine de Cause et Effet. Comparez avec le verset 2 du Dhammapada.
  35. Amitâbha, le Bouddha de la Lumière Incommensurable. Ses statues sont généralement dorées des pieds à la tête. Il existe beaucoup d’autres proverbes ironiques sur la puissance de l’argent, tels que : Jigoku no sata mo kané shidai. « Même les jugements de l’Enfer peuvent être influencés par l’Argent. »
  36. Emma est le nom chinois, et Yama le nom japonais du Dieu de l’Enfer bouddhique et le Juge des Morts.
  37. On ne peut jamais se fier aux rumeurs.
  38. Ou « l’esprit ». C’est-à-dire, nous ne souffrons que des conséquences de nos propres fautes. Le diable tortionnaire de l’enfer bouddhique a déclare à sa victime : « Ne me blâmez pas. Je ne suis que la création de vos propres actions et de vos propres pensées : vous m’avez créé dans ce but. » Comparez avec Numéro 36.
  39. « Ce monde n’est qu’une auberge, » serait presque aussi correct. Yado signifie littéralement un logement, un abri, une auberge, et le mot s’applique souvent à ces abris placés le long des routes et où les voyageurs japonais s’arrêtent en cours de voyage. Kari signifie temporaire, transitoire, fugitif, comme dans la locution bouddhiste ordinaire Kono yo kari no yo : « Ce monde est un monde fugitif ». Car pour le Bouddhiste, le Ciel et l’Enfer ne représentent que des haltes au cours du voyage vers le Nirvâna.
  40. Se rapporte à la vanité de tout effort égoïste dans un but purement temporaire.
  41. Ce proverbe en vers est cité dans l’ouvrage bouddhiste intitulé Wojo Yoshu avec la remarque suivante : « Qui peut dire si l’animal des champs, ou le bosquet des montagnes, n’a pas été son père ou sa mère dans une existence passée ? » Le hototogisu est une espèce de coucou.
  42. L’amour des parents pour leur enfant peut entraver leur progrès spirituel, non seulement dans ce monde-ci, mais à travers tous leurs états d’existence futurs, de même qu’une kubikasé, ou cangue japonaise, entrave les mouvements de la personne sur laquelle elle est placée. L’affection des parents pour leurs enfants est la plus forte des affections terrestres, et tend tout particulièrement à entraîner ceux qu’elle domine à commettre de mauvaises actions dans l’espoir d’en faire bénéficier leurs rejetons. Le terme Sangai signifie ici les trois mondes du Désir, de la Forme et de la Non-Forme, tous les états d’existence inférieurs au Nirvâna. Mais le mot est parfois employé pour signifier le Passé, le Présent et l’Avenir.
  43. C’est-à-dire que la grande source de tous les ennuis est une parole inconsidérée. Le mot Kado signifie toujours l’entrée principale d’une résidence.
  44. Kwasho, terme purement bouddhiste, désignant la bonne fortune comme résultat de bonnes actions dans une vie précédente, signifie maintenant dans le langage courant la bonne fortune de toute espèce. Le proverbe s’emploie souvent dans un sens similaire à celui du dicton anglais : « Marmite surveillée ne bout jamais. » Dans un sens strictement bouddhiste, cela voudrait dire : « Ne soyez pas trop impatient pour le résultat de bonnes actions. »
  45. N’attendez pas de moisson à moins d’en semer la graine. Sans effort sincère, on ne peut gagner aucun mérite.
  46. Kanro, la douce rosée du Ciel, ou amrité. Tout vient à qui sait attendre.
  47. Littéralement, « sur la route de Meido ». Le Meido est le Hadès japonais, le sombre monde souterrain où tous les morts doivent se rendre.
  48. Les ignorants et les vicieux ne comprennent pas la loi de la cause et de l’effet, et ne craignent pas les résultats certains de leur folie.
  49. À peine la lune est-elle parvenue à son plein qu’elle se met à décliner. Ainsi le comble de la prospérité est-il le commencement du déclin.
  50. Kozo signifie acolyte aussi bien que vendeur, commissionnaire ou apprenti. Mais dans ce cas le mot se rapporte à un garçon employé dans un magasin situé tout près de l’entrée d’un temple bouddhiste. À force d’entendre le sûtra chanté dans le temple, il finit par en connaître les mots par cœur. Un proverbe ayant un sens similaire est : Kangaku-In no suzumé wé, Mogyu wo sayézuru : « Les moineaux de Kangaku-In (lieu d’enseignement très célèbre) piaillent le Mogyu » (texte chinois qui était autrefois enseigné aux jeunes étudiants). Et la morale contenue dans l’un ou l’autre de ces proverbes est excellemment
    exprimée par un troisième : Narau yori wanaréro : « Plutôt que d’étudier (un art), habituez-vous-y » ; c’est-à-dire restez continuellement en contact avec lui. L’observation et la pratique valent encore mieux que l’étude.
  51. La Mort et le Changement ne se conforment pas aux expectatives des humains.
  52. Malgré la légende que seuls le chat et mamushi (vipère) ne pleurèrent pas à la mort du Bouddha.
  53. C’est seulement pendant le sommeil que nous cessons de connaître la douleur et le chagrin de ce monde (Voir Numéro 83).
  54. L’enseignement de la doctrine bouddhiste devrait toujours être adapté à l’intelligence de la personne qui doit être instruite. Il existe un autre proverbe du même genre : Ki ni yorité ho wo toké. « Prêchez la loi suivant la compréhension (de la personne que vous enseignez). »
  55. Le Bouddhisme populaire enseigne que le fait de naître dans le monde des hommes, et surtout parmi les personnes professant le Bouddhisme, est un très grand privilège. Toute misérable que soit l’existence humaine, c’est du moins un état où l’on peut acquérir une certaine connaissance de la vérité spirituelle. Tandis que les êtres qui naissent dans les autres conditions d’existence plus inférieures, sont relativement incapables d’aucun progrès spirituel.
  56. Il y a plusieurs proverbes et dictons curieux au sujet de l’Oni ou démon bouddhique, tels que : Oni mo mé ni no namida, « les pleurs même dans les yeux d’un démon. » Oni no kakuran, « Choléra du Diable », se dit de la maladie inattendue d’une personne très forte et très bien portante. Les démons appelés Oni appartiennent aux Enfers bouddhiques où ils servent de geôliers et de tortionnaires. Il ne faut pas les confondre avec les Ma, Yasha, Kijin et les autres classes de mauvais esprits. Dans l’Art Bouddhiste, on les représente comme des êtres d’une force herculéenne, aux têtes de taureaux ou de chevaux. Les démons-taureaux s’appellent Go-zu, les démons chevalins Mé-zu.
  57. C’est-à-dire qu’il ne faut accorder de la puissance qu’aux forts.
  58. Un méchant homme épouse généralement une méchante femme.
  59. Se dit des parents d’enfants infirmes ou chétifs. Mais l’idée populaire exprimée ici n’est pas tout à fait conforme aux enseignements du Bouddhisme supérieur.
  60. Ce qui est fait ne pourra jamais être défait : on ne peut rappeler le passé. Ce proverbe est une abréviation du texte bouddhiste : Rakkwa éda ni kaerazu ; ha-kyô futatabi terasazu : « La fleur tombée ne retourne jamais à la branche ; le miroir brisé ne reflète plus jamais l’image. »
  61. C’est-à-dire, votre vie future dépend de votre conduite dans cette vie-ci ; vous êtes donc libre de choisir vous-même l’endroit de votre réincarnation.
  62. Toute l’existence est comprise dans les Trois États (Sangai) ou Univers, du Désir, de la Forme et de la Sans-Forme, et dans les Six Mondes ou Conditions d’Existence : Jigokudô (Enfer), Gakidô (Prêtas), Chikushâdô (Vie animale), Shuradi (le monde des combats et des tueries), Ningendô (Humanité), Tenjodô (esprits célestes). Au delà il n’y a plus que le Nirvâna. Il « n’y a pas de clôture », « pas de voisinage », pas de limite au delà desquelles s’échapper ; aucun chemin mitoyen entre deux de ces états. Nous renaîtrons dans l’un ou l’autre d’entre eux selon notre karma. Comparez avec le numéro 74.
  63. Kugai, littéralement « monde amer », est un terme souvent employé pour décrire la vie d’une prostituée.
  64. Monjû Bosatsu (Mandjus’ri Bodhisattva) figure dans le Bouddhisme japonais comme un Dieu de la Sagesse particulier. Le proverbe signifie que trois têtes valent mieux qu’une. Un proverbe de signification similaire est Hiza to mo danko : « Consultez ne fût-ce que votre propre genou ; » c’est-à-dire « Ne méprisez aucun avis, si humble en soit la source. »
  65. Je n’entends jamais ce proverbe singulier sans me rappeler une phrase du célèbre Essai de Huxley intitulée : Sur la Base physique de la Vie. « Non seulement le protoplasme vivant meurt à la longue et se résorbe sans ses parties constituantes chimiques et minérales, mais il est toujours en train de mourir, et tout étrange que puisse paraître ce paradoxe, il ne saurait vivre qu’à condition de mourir. »
  66. Rien ne peut arriver qui ne soit le résultat d’une loi éternelle et implacable.
  67. Bodai est le même mot que le Bodhi sanscrit et signifie l’illumination suprême, la connaissance qui conduit à l’état de Bouddha. Mais les bouddhistes japonais l’emploient souvent dans le sens de béatitude divine ou de l’état de Bouddha lui-même.
  68. Ou la Mer douloureuse de la Vie et de la Mort.
  69. Ma (Sanscrit, Mârakâyikas) est le nom donné à une catégorie particulière d’esprits qui tentent les hommes à mal faire. Mais dans le folk-lore japonais, les ma jouent un rôle qui ressemble beaucoup à celui des fées et des diablotins dans la superstition populaire occidentale.
  70. Se dit surtout par rapport à la sensualité.
  71. C’est-à-dire : Aussi dangereux que pour un Bouddha d’argile de jouer avec l’eau. Les enfants s’amusent souvent à modeler de petites statues bouddhiques en boue, qui, bien entendu, fondent dès qu’elles sont placées dans l’eau.
  72. La beauté de la lune est obscurcie par des masses de nuages ; à peine les arbres ont-ils fleuri que leurs fleurs sont éparpillées par le vent. Toute beauté est évanescente.
  73. C’est-à-dire une pieuse excuse pour effectuer une conversion. Pareille excuse est surtout justifiée par la célèbre parabole contenue dans le troisième chapitre du Saddharma Pundarika.
  74. Voulant dire que l’on vénère surtout le hotoké, les esprits des morts considérés comme Bouddhas, qui se trouvent dans ses propres autels domestiques. Il y a un jeu de mots ironique sur hotoké qui peut vouloir dire soit un mort, soit un Bouddha. Le sens de ce proverbe peut être défini par cet autre dicton : Nigéta sakana ni chisai wa nai ; shinda kodomo ni warui ko wa nai. « Le poisson qui vous échappa ne fut jamais petit ; l’enfant qui est mort ne fut jamais méchant. »
  75. Ce curieux proverbe est le seul de ma collection contenant le mot Nehan (Nirvâna) et je l’ai inclus surtout pour cette raison. Les gens du peuple parlent rarement du Nehan, et connaissent peu les doctrines profondes auxquelles ce mot se rapporte. La phrase précitée n’est pas une expression populaire : c’est une allusion artistique et poétique à l’aspect d’un paysage couvert de neige jusqu’à l’horizon, de sorte qu’au delà du grand cercle de neige on ne voit que le vide du ciel.
  76. Un proverbe moins banal qu’on ne le croirait à première vue : car il se rapporte à la croyance bouddhique que toute bienveillance qui nous est témoignée ici-bas est un retour pour quelque bonne action accomplie dans une de nos vies précédentes, et que chaque mal qui nous est infligé est le réflexe de quelque injustice que nous commîmes dans une vie précédente.
  77. Phrase très courante, souvent prononcée en commentant sur la douleur de la séparation, sur un malheur subit, une mort soudaine. On l’emploie surtout par rapport au shinju ou suicide d’amoureux, qui serait, d’après la pensée populaire, le résultat d’une cruauté commise dans un état d’existence précédent, ou la conséquence d’avoir rompu des fiançailles dans une vie antérieure.