Astronomie populaire (Arago)/XXXII/25

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 625-642).

CHAPITRE XXV

les comètes peuvent-elles modifier sensiblement le cours des saisons ?


Le titre qu’on vient de lire a déjà sans doute rappelé la belle comète de 1811, la température élevée de cette année, la récolte abondante qui en fut la suite et surtout les excellentes qualités du vin de la Comète. Je n’ignore donc pas que j’aurai bien des préventions à combattre pour établir que ni la comète de 1811, ni aucune autre comète connue, n’ont jamais occasionné sur notre globe le plus petit changement dans la marche des saisons[1]. Cette opinion, au demeurant, se fonde sur un examen scrupuleux, sur une discussion attentive de tous les éléments du problème, tandis que le sentiment contraire, quelque répandu qu’il soit, est le fruit d’aperçus vagues et sans consistance réelle. Je commencerai par discuter les faits, les considérations théoriques viendront après. Les comètes, dit-on, échauffent notre globe par leur présence. Eh bien, rien n’est plus facile à vérifier : ne consulte-t-on pas en effet le thermomètre dans tous les observatoires de l’Europe plusieurs fois par jour ? N’y tient-on pas une note exacte de toutes les comètes qui se montrent ? Voyons donc si pour Paris les températures moyennes des années fécondes en comètes surpassent régulièrement les températures moyennes des années, en moindre nombre, durant lesquelles aucun de ces astres ne s’est approché de la Terre.

Dans le tableau suivant on a classé les comètes en regardant chacune d’elles comme appartenant à l’année dans laquelle tombe son passage au périhélie.

Les observations de température entre les années 1735 et 1740 ont été faites à Paris par Réaumur.

Celles de 1763 à 1785 appartiennent à Messier.

Les résultats partiels dont on a déduit les moyennes annuelles correspondent à des heures de la journée contre le choix desquelles on pourrait faire une critique fondée ; mais, quant à la question présente, elles seraient sans importance. En tout cas, je n’avais pas le choix.

Les observations de 1787 à 1802 inclusivement ont été empruntées aux Transactions philosophiques de Londres. Dans cet intervalle les registres météorologiques de Paris présentaient des lacunes multipliées qui ne permettaient pas d’en tirer parti. Depuis 1802 jusqu’à 1853 les observations faites à Paris sont devenues régulières et elles présentent toute l’exactitude désirable.

Années. Températures moyennes. Nombre de comètes observées. Remarques sur les comètes.
1735 11°,2 0
1736 10 ,9 0
1737 10 ,7 2 L’une, visible à l’œil nu, avait un noyau presque aussi brillant qu’une étoile de 2e grandeur et une queue de 2 à .
1738 10 ,6 0
1739 10 ,0 1 La comète de cette année est une de celles qui peuvent beaucoup approcher de l’orbite de la Terre.
1740 7 ,3 0
1741
à
1762
"     14 Dans cet intervalle, il n’a pas été fait d’observations météorologiques suivies d’où il soit possible de conclure les températures moyennes annuelles. Sur les 14 comètes observées, on a vu, en 1759, la comète de Halley et 3 autres comètes visibles à l’œil nu, savoir : 1 en 1744, 2 en 1748.
1763 10°,3 1 Petite, invisible à la simple vue ; elle a passé très-près de la Terre.
1764 12 ,2 1 Très-brillante le 3 janvier ; noyau d’une vivacité peu ordinaire ; nébulosité de 14′ de diamètre.
1765 10 ,0 0
1766 8 ,7 2 L’une des deux, visible à la simple vue, était très-brillante.
1767 8 ,7 0
1768 10 ,1 0
1769 11 ,2 1 Très-brillante Le noyau a sous-tendu jusqu’à 4′, et la queue 97°.
1770 11 ,6 2 L’une, visible à l’œil nu, avait, le 10 janvier 1771, une nébulosité de 18′ et un noyau de 49″. L’autre (celle de Lexell) est de toutes les comètes celle qui a le plus approché de la Terre. Messier lui trouva le 2 juillet, une nébulosité de 2° 23′ de diamètre. Le noyau était brillant, mais mal terminé.
1771 9 ,0 1 Visible à l’œil nu.
1772 11 ,2 1 La comète périodique de 6 ans 3/4.
1773 13 ,1 1 On crut l’apercevoir à la simple vue.
1774 13 ,1 1 À peine visible à la simple vue.
1775 13 ,1 0
1776 10 ,7 0
1777 11 ,1 0
1778 11 ,6 0
1779 12 ,4 1 Invisible à la simple vue.
1780 11 ,6 2 Toutes les deux fort petites et invisibles à l’œil nu.
1781 14 ,2 2 Petites. L’une des deux cependant était visible à la simple vue.
1782 10°,6 0
1783 13 ,0 1 Très-petite ; invisible à la simple vue.
1784 10 ,4 1 Visible à l’œil nu.
1785 10 ,5 2 Aucune des deux n’a été visible sans le secours de lunettes.
1786      2 L’une était la comète à courte période.
1787 10 ,5 1
1788 10 ,3 2 L’une des deux ne se voyait pas à l’œil nu.
1789 9 ,7 0
1790 10 ,5 3 Deux très-faibles. La troisième s’apercevait à la simple vue, mais assez difficilement.
1791 10 ,4 0
1792 10 ,2 2 L’une ne s’apercevait pas à la simple vue.
1793 10 ,4 2 L’une faible, mais cependant visible à l’œil nu.
1794 10 ,7 0
1795 9 ,8 1 La comète à courte période.
1796 10 ,0 1
1797 9 ,6 1
1798 10 ,5 2
1799 8 ,8 2 L’une des deux très-grande.
1800 10 ,2 0
1801 10 ,7 1
1802 10 ,0 1
1803 10 ,6 0
1804 11 ,1 1
1805 9 ,7 2 L’une était la comète à courte période : l’autre la comète de 6 ans 3/4.
1806 12 ,1 1
1807 10 ,8 1 Remarquable par l’intensité de la lumière, par l’étendue du noyau et par la longueur de la queue.
1808 10°,4 4 Petites. Deux seulement ont été calculées.
1809 10 ,6 0
1810 10 ,6 1
1811 12°,0 2 L’une des plus brillantes comètes qui se soient montrées dans le xixe siècle.
1812 9 ,9 1 La comète de 1811 a été revue dans le mois de juillet 1812.
1813 10 ,2 2
1814 9 ,8 0
1815 10 ,5 1 La comète à courte période ne fut pas observée. Ainsi, 1815 devrait en compter 2.
1816 9 ,4 1
1817 10 ,4 0
1818 11 ,4 2
1819 11 ,1 3 L’une des trois était très-belle, avait un large noyau et traînait une longue queue. Une autre était la comète à courte période.
1820 9 ,8 0
1821 11 ,1 1
1822 12 ,1 4 L’une était la comète à courte période.
1823 10 ,4 1 Brillante.
1824 11 ,2 2
1825 11 ,7 4 L’une était la comète à courte période.
1826 11 ,4 5 L’une était la petite comète périodique de 6 ans 3/4.
1827 10 ,8 3
1828 11 ,5 0
1829 9 ,1 1 Comète à courte période.
1830 10 ,1 2 Visible à l’œil nu.
1831 11 ,7 0
1832 10 ,8 3 L’une des trois était la comète à courte période ; une autre la comète de 6 ans 3/4.
1833 10 ,9 1
1834 12 ,3 1
1835 10°,7 3 L’une était la comète de Halley ; l’autre la comète à courte période.
1836 10 ,7 0
1837 10 ,0 0
1838 9 ,2 1 Comète à courte période.
1839 10 ,9 0 La comète de 6 ans 3/4 ne fut pas aperçue ; cette année devrait en compter 1.
1840 10 ,3 4
1841 11 ,2 0
1842 11 ,0 2 L’une des deux était la comète à courte période.
1843 11 ,3 3 L’une des trois était la comète de 7 ans 1/2 ; une autre, la grande comète ayant une queue de 43″ de long, est une de celles qui ont le plus approché de la Terre, et elle était visible en plein jour.
1844 10 ,2 3
1845 9 ,7 4 L’une des quatre était la comète à courte période ; une autre ayant une queue de 1/2 de long était visible à l’œil nu.
1846 11 ,7 8 L’une des huit était la comète de 6 ans 3/4.
1847 10 ,8 6 L’une des six était visible à l’œil nu.
1848 11 ,4 2 L’une était la comète à courte période.
1849 11 ,3 3
1850 10 ,6 2 L’une des deux était visible à l’œil nu.
1851 10 ,5 4 L’une des quatre était la comète de 7 ans 1/2.
1852 11 ,7 4 L’une des trois était la comète à courte période ; l’autre, la comète de 6 ans 3/4.
1853 10 ,11 2 L’une était visible à l’œil nu.

Le lecteur a maintenant les pièces du procès sous les yeux. En ne considérant d’abord les résultats qu’isolément, il verra :

Que, dans l’année 1737, malgré ses deux comètes, la température moyenne fut inférieure à celle des deux années précédentes, durant lesquelles, cependant, aucune comète ne se montra. Que de 1763 à 1785, l’année la plus froide, l’année 1766, correspondit à l’apparition de deux comètes, dont l’une était très-brillante. Que dans l’intervalle de seize années (1787 à 1802) pour lesquelles j’ai emprunté les données météorologiques aux Tables publiées par la Société royale de Londres, l’année la plus chaude, celle de 1794, n’a été marquée par l’apparition d’aucune comète, tandis que dans l’année de beaucoup la plus froide, dans l’année 1799, on en observa deux. En passant ensuite aux observations plus modernes contenues dans la troisième partie de la Table, on remarquera que l’année 1805, avec ses deux comètes, est une de celles où la température moyenne s’est le moins élevée ; que 1808 doit être compté parmi les années froides, quoiqu’on ait observé quatre comètes ; que l’année la plus froide du xixe siècle, l’année 1829, a été marquée par l’apparition d’une comète ; que l’année 1831, durant laquelle aucun de ces astres ne s’est montré, a joui cependant d’une température moyenne beaucoup plus forte que 1819, qui compte trois comètes dont l’une très-brillante ; que l’année 1846 où l’on a observé huit comètes a eu la même température moyenne que l’année 1852 où l’on n’en a vu que quatre, etc.

Laissons maintenant de côté des remarques isolées qui ne sauraient évidemment conduire à aucune conclusion certaine, et groupons les divers résultats. Alors la Table précédente nous donnera :

Température moyenne des 69 années à comètes 
 10°,81
centigrades.
Température moyenne des 27 années sans comètes 
 10°,52

La différence de ces deux nombres est assez sensible pour mériter qu’on en cherche la cause. Ne la trouverait-on pas dans cette circonstance, que les années froides sont ordinairement nébuleuses ? Il est du moins certain que, par un temps habituellement couvert, les plus brillantes comètes peuvent passer sans être aperçues. Si l’on compare les températures moyennes des années pendant lesquelles il s’est montré une seule comète, avec celles des années qui ont été marquées par l’apparition de deux ou d’un plus grand nombre de ces astres, on doit affaiblir, sinon éliminer entièrement l’influence de la circonstance météorologique que je viens de signaler. Or, en opérant ainsi, on trouve :

Température moyenne des 30 années à une comète 
 10°,80
centigrades.
Température moyenne des 39 années à plusieurs comètes 
 10°,82

La différence paraîtra certainement insignifiante ; les deux nombres sont presque absolument identiques.

Ce dernier résultat doit sembler décisif à tout esprit non prévenu. Néanmoins je sais trop à quel point le public est disposé à prêter aux comètes une certaine influence calorifique, pour ne pas sentir le besoin de réunir dans ce chapitre les diverses données de l’observation qui peuvent contribuer à mettre la vérité dans tout son jour. Les trois petites Tables suivantes me paraissent aller directement à ce but. En effet, lorsqu’en les examinant avec attention, on aura remarqué que les grands froids sont arrivés fréquemment pendant les apparitions de comètes, et les grandes chaleurs à des époques où aucun de ces astres n’était visible, on sera moins disposé à s’appuyer sur des coïncidences fortuites que la suite des temps doit inévitablement amener, pour établir entre les deux ordres de phénomènes dont il s’agit, une relation dont rien, absolument rien, n’établit la réalité.

Table des plus grands froids observés à Paris.
Dates. Degrés centigrades au-dessous de 0. Remarques sur les comètes.
1665,
6 février 
— 21°,2 Une comète brillante qui s’était montrée dans les premiers jours de décembre 1664, se voyait encore parfaitement en février 1665, quand le froid extraordinaire de ce mois se manifesta. Cette comète, dont le passage au périhélie eut lieu le 4 décembre 1664, ne cessa d’être observée qu’à la fin de mars 1665. Dans ce même mois de mars, il parut une autre brillante comète.
1709,
13 janvier 
— 23 ,1 Point de comètes.
1716,
 
— 18°,7 Point de comètes.
1729,
 
— 12°,2 Une comète fut visible depuis la fin de juillet 1729 jusqu’à la fin de janvier 1730 ; elle passa au périhélie le 12 juin 1729.
1742,
10 janvier 
— 17 ,0 On vit une comète dès le 5 février. Elle passa au périhélie le 8 du même mois. En avril, des navigateurs en aperçurent une seconde, dans l’hémisphère sud, qui traînait une queue de 30° de long. L’orbite de celle-ci n’a pas pu être calculée.
1747,
14 janvier 
— 13 ,6 Une comète fut observée en 1746, depuis le 13 août jusqu’au 5 décembre. Elle passa au périhélie le 3 mars 1747.
1748,
 
— 15 ,3 On vit trois comètes dans le mois d’avril de 1748 ; deux seulement ont été calculées. Passages au périhélie : 28 avr. et 18 juin.
1754,
8 janvier 
— 14 ,1 Point de comètes.
1755,
 
— 15 ,6 Point de comètes.
1767,
 
— 15 ,3 Point de comètes.
1768,
 
— 17 ,1 Point de comètes.
1771,
 
— 13 ,5 Une comète qui passa au périhélie le 19 avril.
1776,
29 janvier 
— 19 ,1 Point de comètes.
1783,
30 décembre 
— 19 ,1 Une comète très-petite passa au périhélie le 19 novembre 1783.
1788,
31 décembre 
— 22 ,3 Deux comètes. L’une passa au périhélie le 10 novembre, et l’autre le 20 du même mois.
1795,
25 janvier 
— 23°,5 La comète à courte période ; mais elle ne passa au périhélie qu’à la fin de cette année.
1798,
26 décembre 
— 17 ,6 Deux comètes. La première atteignit son périhélie le 4 avril, l’autre le 31 déc.
1820,
11 janvier 
— 14 ,3 Point de comètes.
1823,
14 janvier 
— 14 ,6 Une comète brillante qui passa au périhélie le 9 déc.
1827,
18 février 
— 12 ,8 Trois comètes. Passages au périhélie : 4 février, 7 juin, 11 septembre.
1829,
24 janvier 
— 17 ,0 Comète à courte période qui passa au périhélie le 9 janvier.
1830,
17 janvier 
— 17 ,3 Deux comètes. Passages au périhélie : 9 avril, 27 décembre.
1838,
20 janvier 
— 19 ,0 Comète à courte période qui passa au périhélie le 19 décembre.
1840,
17 décembre 
— 13 ,2 Quatre comètes. Passages au périhélie : 4 janvier, 12 mars, 2 avr., 13 nov.
1845,
25 février 
— 11 ,8 Quatre comètes dont une visible à l’œil nu, et une autre, la comète à courte période. Passages au périhélie : 8 janvier, 21 avril, 5 juin, 9 août.
1846,
19 décembre 
— 14 ,7 Huit comètes. Passages au périhélie : 22 janvier, 11 et 25 février, 5 mars, 27 mai, 1er et 5 juin, 29 octobre.
1853,
30 décembre 
— 14 ,0 Deux comètes dont une visible à l’œil nu. Passages au périhélie : 24 février, 1er septembre.

Tableau des années pendant lesquelles la Seine a été totalement gelée
plusieurs jours de suite
.
1740 
Point de comètes.
1742 
Une comète qui passa au périhélie le 8 février.
1744 
L’une des plus brillantes comètes qu’on ait vues. Elle passa au périhélie le 1er mars.
1762 
Une comète. Passage au périhélie le 28 mai.
1766 
Deux comètes. La première passa au périhélie le 17 février ; la seconde le 26 avril.
1767 
Point de comètes.
1776 
Point de comètes.
1788 
Deux comètes. La première passa au périhélie le 10 novembre ; la seconde le 20 du même mois.

Tableau des plus grands degrés de chaleur observés à Paris,
à l’ombre et au nord
.
Dates. Degrés centigrades au-dessus de 0. Remarques sur les comètes.
1705, 6
août 
+ 33°,8 Point de comètes.
1706, 8
août 
+ 35 ,3 Une comète qui passa au périhélie le 30 janvier.
1753, 7
juillet 
+ 35 ,6 Point de comètes.
1754, 14
juillet 
+ 35 ,0 Point de comètes.
1775
 
+ 34 ,7 Point de comètes.
1793, 8
juillet 
+ 38 ,4 Deux comètes. L’une passa au périhélie le 4, et l’autre le 28 novembre.
1800, 18
août 
+ 35 ,5 Point de comètes.
1802, 8
août 
+ 36 ,4 Une comète qui passa au périhélie le 9 septembre.
1803,
 
+ 36 ,7 Point de comètes.
1808, 15
juillet 
+ 36 ,2 Quatre comètes dont l’une passa au périhélie le 12 mai, l’autre le 12 juillet et dont les deux autres n’ont pas été calculées.
1818, 24
juillet 
+ 34 ,5 Deux comètes, dont l’une passa au périhélie le 25 février et l’autre le 4 déc.
1822, 10
juin 
+ 33 ,8 Quatre comètes, en y comprenant celle à courte période. Passag. au périhélie : 5 et 24 mai, 16 juil. et 23 octobre.
1825, 19
juillet 
+ 36 ,3 Quatre comètes y compris la comète à courte période. Passages au périhélie : 30 mai, 18 août, 16 sept., 10 décemb.
1826, 1er
août 
+ 36 ,2 Cinq comètes, y compris celle de 6 ans 3/4. Passages au périhélie : 21 et 29 av., 18 mai, 8 oct., 18 nov.
1827, 2
août 
+ 33 ,0 Trois comètes. Passages au périhélie : 4 févr., 7 juin, 11 septembre.
1832, 14
juillet 
+ 34 ,8 Trois comètes y compris la comète à courte période et celle de 6 ans 3/4. Passages au périhélie : 4 mai, 25 septembre, et 26 novembre.
1835, 23
juillet 
+ 34 ,0 Trois comètes y compris la comète de Halley et celle à courte période. Passages au périhélie : 27 mars, 26 août, 16 novembre.
1836, 1er
juillet 
+ 34 ,3 Point de comètes.
1838, 13
juillet 
+ 34 ,3 La comète à courte période. Passage au périhélie, le 19 décembre.
1839, 3
août 
+ 33 ,1 Point de comètes.
1840, 6
août 
+ 33 ,0 Quatre comètes. Passages au périhélie : 4 janvier, 12 mars, 2 avril, 13 novembre.
1842, 18
août 
+ 37 ,2 Deux comètes y compris la comète à courte période. Passages au périhélie : 12 avril et 11 décembre.
1846, 5
juillet 
+ 36 ,5 Huit comètes y compris la comète de 6 ans 3/4. Passages au périhélie : 22 janvier, 11 et 25 février, 5 mars, 27 mai, 1er et 5 juin, 29 octobre.
1847, 17
juillet 
+ 35 ,1 Six comètes, dont l’une visible à l’oeil nu. Passages au périhélie : 30 mars, 4 juin, 9 août (2 comètes), 9 septembre, 14 novembre.
1850, 5
août 
+ 33 ,6 Deux comètes. Passages au périhélie : 23 juillet, 19 octobre.
1852, 16
juillet 
+ 35 ,1 Quatre comètes y compris la comète à courte période et la comète de 6 ans 3/4. Passages au périhélie : 14 mars, 19 avril, septembre, 12 octobre.

Après avoir présenté tout ce qu’il est possible de tirer aujourd’hui du petit nombre d’observations que les astronomes ont rassemblées, étudions le problème sous un autre point de vue.

Une comète peut agir à distance sur la Terre, de trois manières seulement : par voie d’attraction ; par les rayons lumineux et calorifiques qu’elle lance ou réfléchit dans tous les sens ; par la matière gazeuse dont se compose sa nébulosité ou sa queue, et qui, dans certaines positions, viendrait envahir l’atmosphère terrestre.

La comète de 1811, tout le monde se le rappelle, avait une brillante queue, dont la longueur ne resta pas constante. Dans son maximum, les mesures astronomiques lui donnèrent 41 millions de lieues. Sans avoir besoin de chercher si jamais cette queue se trouva dirigée vers la Terre, nous pouvons affirmer qu’elle ne l’atteignit pas, car le 15 octobre, au moment de son plus grand rapprochement, la comète était encore à 47 millions de lieues de nous.

Dans son maximum d’éclat, la comète de 1811 ne jetait certainement pas sur la Terre une lumière égale au dixième de celle que nous recevons de la pleine Lune. Celle-ci, je ne dis pas seulement avec son intensité naturelle, mais concentrée au foyer des plus larges miroirs ou des plus grandes lentilles, et agissant sur la boule noircie d’un thermomètre à air, n’a jamais produit d’effet sensible. Cependant, par ce mode d’expériences, un centième de degré du thermomètre ordinaire aurait été largement appréciable ! Il faudrait renoncer à jamais faire usage de sa raison si, après de tels résultats, on s’arrêtait encore à l’idée qu’une comète, fût-elle vingt fois plus éclatante que celle de 1811, pourrait, par sa lumière, produire à la surface de la Terre, soit des variations de température susceptibles d’avoir quelque effet sur l’abondance et la qualité des récoltes, soit même un de ces changements microscopiques que les instruments subtils des météorologistes sont destinés à signaler.

C’est donc dans la force attractive des comètes, qu’on se trouve définitivement amené à chercher la cause efficiente de leur prétendue influence météorologique. La Lune nous servira de terme de comparaison.

Cet astre engendre les grandes marées de l’Océan (liv. xxiii, chap. xxiv). Mathématiquement parlant, la comète de 1811 a dû produire des marées analogues ; mais personne ne les ayant remarquées, il faut admettre que, par leur petitesse, elles échappaient à l’observation.

La hauteur de la marée varie proportionnellement à l’intensité de la puissance attractive. Nous venons de trouver la marée lunaire très-forte et la marée cométaire insensible ; donc, l’action de la comète sur la Terre n’était qu’une très-petite partie de l’action de la Lune. Ce résultat important découle, avec plus d’évidence encore, de l’examen des dérangements qu’éprouvent les planètes dans leur course elliptique autour du Soleil, et qui sont connus sous le nom de perturbations. Pour abréger, je m’en tiendrai, toutefois, à la première démonstration.

L’action attractive de la Lune ne produit sur notre atmosphère que des effets fort douteux (liv. xxi, chap. xl). Ceux des météorologistes qui, en traitant cette question, se sont prononcés le plus positivement pour l’affirmative, restreignent eux-mêmes les variations barométriques qui peuvent tenir à l’influence lunaire, dans des limites très-resserrées. Admettons un moment ces changements comme réels ; il est évident qu’il faudra beaucoup les atténuer si l’on veut en déduire en nombres les altérations du même genre que la comète de 1811 était capable d’engendrer. Sur la nécessité de cette réduction, les marées de l’Océan ont prononcé sans équivoque. Il ne resterait donc rien d’appréciable.

En résumé, les actions directes de la queue et de la nébulosité de la grande comète de 1811, sur l’atmosphère terrestre, ont été insensibles à cause de l’immense distance à laquelle cet astre a toujours été placé par rapport à la Terre. Quant aux actions calorifiques et attractives, les instruments les plus délicats n’auraient pas même pu en faire ressortir l’existence. Je laisse maintenant au lecteur à juger si les vignerons doivent jamais fonder quelque espoir sur l’apparition d’une comète !

  1. Le passage suivant, tiré d’un recueil périodique anglais estimé, the Gentleman’s Magazine pour 1818, montrera de quels absurdes préjugés les hommes seraient bientôt le jouet si le flambeau des sciences venait à s’éteindre : « Par l’influence de la comète de 1811, dit ce recueil, on eut un hiver doux, un printemps humide, un été froid. Le Soleil se montra trop peu pour pouvoir mûrir les produits de la terre. Cependant la moisson donna assez de grains, et quelques espèces de fruits, tels que les melons, les figues, furent non-seulement abondantes, mais d’un goût délicieux. On vit très-peu de guêpes ; les mouches devinrent aveugles et disparurent de bonne heure… et, ce qui est très-remarquable, dans la métropole et ses environs, il naquit beaucoup de jumeaux. La femme d’un cordonnier de Whitechapel eut même quatre enfants d’une seule couche ! etc. »