Astronomie populaire (Arago)/XXXII/17

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 576-578).

CHAPITRE XVII

explication de la différence qui existe entre les températures moyennes de lieux semblablement situés au nord et au midi de l’équateur


Il me paraît évident qu’il faut chercher la cause de la différence indiquée en tête de ce chapitre, dans les répartitions inégales de la terre ferme et de l’eau sur les deux hémisphères.

Ainsi que nous l’avons déjà dit (chap. xii), l’étendue de la portion liquide de notre globe est à celle de la partie solide comme 27 est à 10, ou à peu près comme 3 est à 1.

Les atmosphères des différentes régions du globe se mêlent entre elles par l’action des vents forts ou des courants de moindre vitesse. L’Océan, à cause de sa grande étendue, doit donc jouer un rôle immense sur le caractère des climats continentaux dans toutes les régions que son atmosphère particulière va visiter. L’étude des changements de température de l’atmosphère océanique et celle des directions du vent, peut donc seule conduire à une juste appréciation de certains climats.

Si l’on fait passer un parallèle à l’équateur par les îles Malouines, par exemple, à peine rencontrera-t-il dans son parcours quelque portion de terre de l’Amérique ; tout le reste de cette ligne se développera sur l’Océan. Le parallèle en question sera donc, dans toute son étendue, le siége d’une évaporation considérable qui s’opérera à l’aide d’une forte quantité de chaleur enlevée aux eaux de la mer ; il est vrai que la chaleur latente renfermée dans cette vapeur et dans les nuages qui en sont la conséquence, sera abandonnée au moment de la transformation des nuages en pluie. Mais il faut remarquer que cette transformation ne s’effectuera pas exactement dans la verticale du lieu océanique d’où la vapeur s’est élevée, que les vents peuvent transporter les nuages, et même l’atmosphère non nuageuse dans laquelle définitivement ils se forment, fort loin de leur situation originelle, et que la restitution de chaleur que les vapeurs abandonnent à l’atmosphère ou aux eaux de l’Océan au moment de leur transformation en pluie, s’effectuera au profit d’une région très-différente de celle où l’évaporation avait commencé. De là la conséquence que la mer, dans le parallèle des îles Malouines, sera plus froide que sa position géographique n’aurait porté à le supposer. La température moyenne de ces îles et celle du continent américain, modifiées par la température moyenne anormale des mers environnantes, devront donc être plus faibles que la température des points semblablement situés au nord de l’équateur, mais dans le voisinage desquels, à cause de l’étendue restreinte des mers, il ne s’est opéré qu’une évaporation beaucoup moins considérable.

Citons une seconde cause qui contribue aussi à rendre la mer, dans le voisinage des Malouines, plus froide qu’elle ne l’est dans nos climats. Là où la mer est plus étendue, il doit se former en hiver une plus grande quantité de glace ; lorsque, dans la saison chaude, cette glace se fondra, elle empruntera la chaleur nécessaire à son changement d’état aux couches liquides sur lesquelles elle flotte. Il est vrai qu’antérieurement, au moment de sa congélation, les couches de l’Océan en se gelant, c’est-à-dire en devenant solides, avaient dû abandonner toute la chaleur latente qui constitue la différence entre l’eau liquide et la glace (chap. ix) ; mais cette déperdition de chaleur s’était faite en partie au profit de l’atmosphère environnante, et les vents avaient disséminé la chaleur rendue libre dans toutes les régions du globe. Il est évident que cette cause de la basse température de la mer dans le parallèle des Malouines ne s’exerce pas au même degré sur les parallèles aquatiques moins étendus qui, dans l’hémisphère nord, sont compris entre l’Amérique et l’Ancien continent.