Astronomie populaire (Arago)/XXXII/04

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 532-534).

CHAPITRE IV

communication de température par voie de rayonnement — équilibre mobile de température


Concevons qu’un corps froid B soit placé au centre d’une enceinte A entièrement fermée, formée d’une matière plus chaude. Imaginons encore qu’on ait vidé cette enceinte de tout l’air atmosphérique qu’elle contenait, à l’aide d’une machine pneumatique, cela n’empêchera pas l’enceinte A et le corps B d’arriver, après un certain temps, à la même température : le corps B se sera échauffé tandis que toutes les portions de l’enceinte A auront perdu une partie de leur chaleur primitive. Comment s’est établie cette communication, puisque les surfaces des corps A et B ne se touchent plus immédiatement ni par aucun intermédiaire ?

Dans ce cas, les communications ont lieu à l’aide de ce qu’on appelle le calorique rayonnant, c’est-à-dire d’un calorique qui a, sous le rapport de son mode de propagation, les mêmes propriétés que la lumière, à l’aide de rayons qu’on pourrait appeler de la lumière obscure.

Des rayons calorifiques partis de tous les points de l’enceinte A tombent sur la surface du corps B et élèvent sa température en s’y absorbant : ceci est évident, car le fait de l’arrivée définitive à une même température des deux corps A et B ne saurait recevoir une autre explication. Ce que nous venons de trouver relativement au mode d’action de l’enceinte A, considérée dans toute son étendue, doit s’appliquer à chacune de ses parties considérées isolément.

Ainsi, lorsque deux corps A et B, inégalement échauffés, sont en présence, si, après un certain temps, ils arrivent à la même température, c’est que le corps chaud A a envoyé sous forme rayonnante une partie de sa chaleur au corps froid B ; mais ce corps B, froid relativement à A, peut être chaud comparativement à un troisième corps placé dans le voisinage. Le corps B enverra donc des rayons calorifiques au corps C ; ce corps B sera donc actif relativement au corps C ; mais sera-t-il passif à l’égard du corps A ? Cela est extrêmement peu probable.

Examinons le cas où, tout restant dans le même état, le corps B serait plus chaud que l’enceinte A. Après un certain temps, tous les points de l’enceinte A et le corps B auraient la même température, mais cette fois le corps B se serait refroidi par la chaleur rayonnante partie de tous les points de sa surface, et le corps A aurait augmenté de température par l’absorption de ces mêmes rayons.

Nous avons reconnu que le corps A envoyait des rayons calorifiques au corps B, tant qu’il était plus chaud que ce dernier, et nous avons facilement admis, jusqu’ici, que le rayonnement cessait aussitôt que les deux corps en présence avaient acquis la même température, ce qui n’est guère plus compréhensible que la difficulté précédente.

On a fait disparaître les deux difficultés en supposant que les corps A et B, qu’ils aient des températures égales ou inégales, rayonnent simultanément de la chaleur l’un vers l’autre. Il n’y aura entre les deux cas qu’une seule différence : si les corps sont également chauds, les rayonnements réciproques se compensent ; dans le cas contraire, le corps chaud envoie au corps froid plus de rayons qu’il n’en reçoit, et il doit se refroidir. Cette explication de l’égalité de température qui se maintient entre deux corps en présence, doués de la même quantité de chaleur initiale, a été appelée par son auteur, Pierre Prévost, la théorie de l’équilibre mobile.

Il résulte de l’ensemble des faits que nous venons de rapporter que tous les corps de la nature, même ceux du règne minéral, ne jouent pas, quant aux communications de température, des rôles purement passifs, qu’ils lancent sans cesse et dans tous les sens des rayons calorifiques obscurs : sous ce rapport on pourrait dire qu’ils vivent.