Astronomie populaire (Arago)/XXX/04

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 489-494).

CHAPITRE IV

grandeur d’uranus — sa forme — sa rotation


À sa distance moyenne à la Terre, le diamètre angulaire d’Uranus est d’environ 4″ ; son diamètre réel est 4,3, celui de la Terre étant 1. Son volume est 82 fois environ le volume de la Terre.

Le Mémoire du 26 avril 1781, dans lequel Herschel a fait connaître la découverte d’Uranus, renferme aussi des mesures du diamètre apparent du nouvel astre, prise avec deux micromètres dont l’auteur ne fait pas connaître la nature, et à l’aide de grossissements de 932, de 460 et de 227. Herschel trouvait pour ce diamètre, le 17 mars 1781, 2″,9 ; le 2 avril, 4″,4 ; le 15 avril, 5″,3. Ces premières valeurs du diamètre apparent d’Uranus différaient entre elles beaucoup plus que la forme circulaire de l’orbite ne le comportait. Les appréciations des autres astronomes discordaient encore davantage. Ainsi, Maskelyne s’arrêtait à 3″ ; Lexell, à moins de 5″ ; les observateurs de Milan, à 6″ ou 7″ ; Mayer, de Manheim, à 10″.

C’étaient, sur les volumes, des variations dans le rapport de 1 à 37. Herschel ne pouvait pas laisser la grandeur de la nouvelle planète dans ce misérable état d’incertitude. Malgré l’extrême difficulté qu’on rencontre inévitablement dans la mesure des très-petits angles, la perfection des télescopes de Slough, la puissance amplificative que ces instruments supportaient, devaient faire espérer, sinon des résultats mathématiquement exacts, du moins une diminution considérable dans les limites des erreurs possibles, en plus et en moins. Tel fut l’objet du Mémoire qu’Herschel présenta à la Société royale de Londres, le 7 novembre 1782, et qui a paru dans le volume lxxiii des Transactions philosophiques.

Cette fois le célèbre astronome se servit du micromètre à lampe de son invention (liv. xiv, chap. ii), et aussi du micromètre à fils. Voici ses divers résultats :

Dates des observations. Instruments employés. Grossissements. Diamètres apparents mesurés.
19 novembre 1781,
micromètre à fils 
227 fois 5″,2
28 id.
micromètre à lampe 
227 fois 5 ,0
9 septembre 1782,
micromètre à fils 
460 fois 4 ,2
4 octobre 1782,
micromètre à lampe 
227 fois 3 ,7
12 id. 1782, id. 227 fois 4 ,2
19 id. 1782, id. 227 fois 3 ,8
26 id. 1782, id. 227 fois 3 ,5
4 novembre 1782, id. 227 fois 4 ,3

L’accord n’était pas aussi parfait qu’on aurait pu le désirer. L’auteur des observations en convenait lui-même. Aussi, tout ce qu’il se hasardait à conclure de l’ensemble des résultats, c’est que le diamètre apparent d’Uranus ne devait être ni sensiblement plus grand, ni sensiblement plus petit que 4″ ; c’est que le diamètre réel de la nouvelle planète se trouvait entre quatre fois et quatre fois et demie le diamètre réel de la Terre.

Les astronomes admettent tous aujourd’hui un diamètre apparent de 3″,9 pour la distance moyenne de la planète à la Terre, ce qui donne la figure suivante (fig. 347) pour la grandeur apparente d’Uranus réduite à la même échelle (1 millimètre pour 1 seconde) que les figures qui représentent déjà dans cet ouvrage les grandeurs apparentes des disques de Mercure, de Vénus, de Mars, de Jupiter et de Saturne.

Fig. 347. — Grandeur apparente du disque d’Uranus à la distance moyenne de la planète à la Terre.

Il y a dans le Mémoire d’Herschel de 1782 une première tentative pour déterminer la forme d’Uranus. À la date du 13 octobre 1782, l’illustre astronome disait qu’ayant observé la planète avec des grossissements de 227, de 278, de 460, et même de 625 fois, le disque lui parut parfaitement tranché et circulaire. Il ne doutait pas qu’un aplatissement égal à celui du globe de Jupiter n’eût été alors parfaitement visible.

Plus tard, des traces d’aplatissement s’offrirent au grand astronome. Le 26 février 1794, par exemple, il écrivait dans son journal : « Télescope de 20 pieds (6m,09), 480 de grossissement : la planète paraît un peu allongée dans la direction des plus grands axes des orbites des satellites. »

L’année d’après, le 21 avril 1795 : « Le télescope de 10 pieds (3m,04), grossissant 400 fois, donnait à la planète une forme légèrement elliptique. Cette forme elliptique persistait quand, au premier oculaire, on en substituait un second qui portait le grossissement à 600 fois.

De toutes les tentatives que fit Herschel pour s’assurer de la vraie figure d’Uranus, celle qui le convainquit le mieux de l’existence d’un aplatissement porte la date du 5 mars 1792. Il y employa un miroir de 6 mètres nouvellement poli ; des grossissements de 240, de 300, de 600, de 800, de 1 200, même de 2 400, et toujours avec un résultat identique.

Une forme qui s’était également révélée, avec des grossissements si divers et à l’aide de télescopes de 2, de 3 et de 6 mètres, ne semblait pas pouvoir résulter de simples illusions d’optique. « J’en conclus donc, sans hésiter, disait Herschel, que la planète de George tourne sur son axe avec une grande vitesse. »

M. Mædler, par des observations récentes, a cru également y avoir constaté l’existence d’un aplatissement sensible égal à 1/10e. Le diamètre le plus court, au lieu d’être perpendiculaire au plan de l’orbite, ferait avec ce plan un angle de 76°. Mais d’autres astronomes sont en désaccord, sous ce rapport, avec le savant observateur de Dorpat. M. Otto Struve, par exemple, dit avoir trouvé le disque d’Uranus parfaitement circulaire avec la puissante lunette de Poulkova.

La grande vitesse de rotation n’est guère douteuse si l’aplatissement d’Uranus est sensible ; mais cet aplatissement, je ne saurais dire pourquoi l’astronome de Slough n’en a jamais déterminé la valeur. Y a-t-il une différence entre deux diamètres rectangulaires d’un disque ? Cette question est assurément plus facile à résoudre par des mesures micrométriques que par une simple inspection d’un disque amplifié. Ce n’est pas dans ce cas-ci qu’une chose visible se déroberait à la puissance des instruments.

Dans Jupiter, dans Saturne, les plans des orbites des satellites font de très-petits angles avec le plan de l’équateur de la planète. En étendant, par analogie, ce résultat à Uranus, nous arriverons à une conséquence singulière : nous trouverons que l’axe de rotation hypothétique de cette planète doit être à peu près couché sur l’écliptique, car les satellites se meuvent perpendiculairement à ce plan. Il y aura donc des époques où l’aplatissement, quel qu’il soit, ne sera pas visible. Un ellipsoïde paraît évidemment un cercle quand le prolongement de son axe de révolution passe par l’œil de l’observateur. Uranus n’offrira donc aucune trace d’ellipticité quand son petit axe sera dirigé vers la Terre, c’est-à-dire deux fois pendant chaque révolution de la planète autour du Soleil.

Plusieurs fois dans ses études télescopiques, en 1787 (miroir de 6 mètres), en 1789, Herschel crut voir qu’Uranus était entouré de deux anneaux placés perpendiculairement l’un à l’autre. Cette forme persistait avec des grossissements de 157, de 300, de 480, de 589, et aussi quand on faisait tourner sur leur axe, soit le miroir, soit l’oculaire. Malgré cela, une observation du 26 février 1792, faite avec un miroir de 2 mètres de foyer, ayant montré, durant 3h 1/2, l’apparence d’anneau dans la même position relativement au tuyau du télescope, quoique dans ce long intervalle il eût dû y avoir un changement considérable par l’effet du mouvement diurne du ciel, Herschel s’arrêta décidément à l’opinion qu’Uranus n’a point d’anneau.