Astronomie populaire (Arago)/XXVIII/10

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 413-415).

CHAPITRE X

égalité de la vitesse de la lumière émanant des divers corps


D’après l’explication du phénomène stellaire dont nous nous sommes occupés dans ce livre, il est clair que si les lumières partant de deux étoiles avaient des vitesses différentes, les courbes apparentes décrites par ces étoiles annuellement, n’auraient pas les mêmes amplitudes ; en d’autres termes, que leur plus grand diamètre ne serait plus de 40″,88. Une dissemblance entre les aberrations observées de deux astres serait donc un indice certain d’une différence entre les vitesses des rayons qui en émanent. Malheureusement ce moyen d’investigation n’est pas très-précis : il faudrait, en effet, que la vitesse du rayon d’une étoile surpassât d’un vingtième celle des rayons d’une seconde étoile pour que l’aberration de cette dernière étant de 20, l’aberration de la première fût réduite à 19. L’aberration générale étant de 20″,4, une différence de 1 dixième de seconde, c’est-à-dire 1/204e de différence entre les aberrations, n’indiquerait qu’une différence de 1/204e entre les vitesses respectives des lumières provenant des deux astres comparés.

J’ai fait voir, il y a un demi-siècle, par des expériences directes sur les déviations éprouvées par les rayons lumineux pénétrant dans les corps diaphanes, que la lumière provenant de diverses étoiles, du Soleil, de la Lune, des planètes et des diverses sources terrestres, se meut avec une vitesse identique, ou que du moins, s’il existe quelques différences, elles ne peuvent altérer en rien l’exactitude des observations astronomiques qui admettent l’identité de vitesse.

Quelques astronomes ont cru arriver, dans la détermination de la valeur de l’aberration des étoiles, à une précision supérieure à 1/10e de seconde ; aussi ont-ils tiré des différences de cet ordre données par les observations, la conséquence qu’il existe diverses étoiles dont les lumières nous arrivent avec des vitesses qui diffèrent entre elles de plus de 1/204e. On verra tout à l’heure un moyen de soumettre cette conclusion à l’épreuve d’une expérience indirecte mais décisive.

L’aberration dépendant de la vitesse de la lumière, il est clair que si les rayons de différentes couleurs dont la lumière blanche se compose, se mouvaient avec des vitesses dissemblables, chacun de ces rayons éprouverait une aberration particulière qui le séparerait des autres ; l’étoile, semblable à un petit spectre prismatique, paraîtrait toujours un peu allongée dans un sens parallèle au déplacement de la Terre. Remarquons, cependant, qu’il faudrait une différence de vitesse de 1 /20e entre les rayons rouges et les rayons violets pour que le spectre acquît une longueur d’une seule seconde, et que la détermination d’une si petite quantité n’est pas exempte de difficultés. J’ai, du reste, montré précédemment par la considération des étoiles variables (liv. ix, chap. xxv), que l’on peut regarder comme certain que les rayons de différentes couleurs se meuvent dans les espaces célestes avec la même vitesse.