Astronomie populaire (Arago)/XXVIII/09

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 412-413).

CHAPITRE IX

historique de la découverte de l’aberration


Picard est, je crois, le premier qui ait reconnu qu’une étoile, la Polaire, subissait des déplacements sensibles dont la période était d’une année, et qui ne pouvaient pas être attribués à la parallaxe annuelle ; mais c’est Bradley qui a eu le mérite de constater que toutes les étoiles éprouvaient de pareils mouvements ; c’est à lui que revient aussi l’honneur infini d’en avoir assigné les lois et trouvé les causes physiques.

La découverte de l’aberration, de son observation, de sa théorie, est sans contredit l’une des plus belles découvertes dont l’astronomie moderne puisse se glorifier.

Dans l’explication de l’aberration, quelques auteurs, Euler, entre autres, se servent de la composition des mouvements qui s’opèrent dans l’œil. Les rayons partis d’une étoile, disent-ils, frappent l’œil du spectateur suivant la ligne qui joint cet organe à l’étoile ; mais comme l’œil n’est pas en repos et qu’il avance, suivant la direction de la tangente à l’orbite terrestre, l’effet des rayons en sera altéré ; la ligne suivant laquelle l’étoile sera vue s’obtiendra par la composition de deux mouvements, comme on le fait à l’égard de la direction du coup dans la collision des corps.

Cette manière de déterminer l’angle d’aberration par le principe du parallélogramme des forces n’est pas conforme au point de vue sous lequel Bradley avait envisagé le phénomène. On raconte même qu’il éprouva un très-vif déplaisir lorsque quelqu’un lui ayant fait part de cette explication, lui fit entrevoir que la vitesse qu’il faudrait combiner avec celle de la Terre pour trouver l’angle sous lequel la rétine devait paraître recevoir l’impression des rayons lumineux, ne serait pas la vitesse de la lumière dans l’espace, mais celle que possède cette même lumière lorsqu’elle se meut dans les humeurs de l’œil, ce qui détruisait l’accord que l’illustre astronome avait trouvé entre l’angle maximum d’aberration conclu de ses observations et celui auquel on arrivait par l’emploi de la vitesse de la lumière déduite par Rœmer des éclipses du premier satellite de Jupiter. Je ne consigne ici cette remarque que pour montrer combien on a eu tort de substituer des considérations tirées de la théorie du choc à l’explication très-simple que nous avons donnée du phénomène, et qui, du reste, n’est presque que la répétition textuelle de celle qu’a présentée Bradley lui-même dans ses immortels Mémoires insérés dans les Transactions philosophiques, et que Clairaut a donnée ensuite.

Les mouvements des étoiles fixes dont il est question ici ont été appelés aberration, parce que les étoiles qui les éprouvent, dit Fontenelle, semblent s’égarer çà et là.