Astronomie populaire (Arago)/IX/25

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 405-408).

CHAPITRE XXV

les rayons de différentes couleurs se meuvent dans les
espaces célestes avec la même vitesse


La lumière blanche est composé de rayons de différentes couleurs. Ces rayons se meuvent-ils dans l’espace avec la même vitesse ? On citerait difficilement une question de physique dont la solution puisse conduire à des conséquences plus nettes sur la constitution des espaces célestes. Les observations des étoiles périodiques permettent de la résoudre complétement.

En effet, sans nous occuper pour le moment de la cause physique qui détermine les changements d’intensité de l’étoile ο de la Baleine, nous pouvons affirmer avec certitude qu’à certaines époques cette étoile nous envoie beaucoup de lumière ; qu’à d’autres époques, elle ne nous envoie rien, ou presque rien ; qu’enfin, le passage de ce dernier état au premier se fait graduellement et avec assez de rapidité.

L’étoile qui, aujourd’hui je suppose, n’envoie aucun rayon à la terre, deviendra quelque temps après luisante. Alors elle nous lancera des rayons blancs, puisque sa teinte naturelle est blanche ; autrement dit, qu’on me passe l’assimilation, elle nous dépêchera simultanément et à chaque instant, sept courriers de diverses couleurs. Si le courrier rouge est le plus rapide, ce sera lui qui arrivera le premier pour témoigner de la réapparition de l’étoile ; la réapparition se fera donc avec une teinte rouge. Cette teinte se modifiera à mesure que les autres couleurs prismatiques, orangées, jaunes, vertes, bleues, indigo, violettes, arriveront à leur tour et iront se mêler au rouge qui les avait précédées. Le mélange du rouge et de l’orangé ; celui de ces deux premières couleurs et du jaune ; la couleur qui résulte des trois précédentes unies au vert ; le résultat de la combinaison des quatre couleurs les moins réfrangibles, d’abord avec le bleu seul ; ensuite, avec le bleu et l’indigo ; enfin, avec le bleu, l’indigo et le violet, ce qui constitue le blanc, voilà quelles seront les teintes successives d’une étoile naissante. Les choses se reproduiront dans l’ordre inverse pendant l’affaiblissement.

Si tels doivent être en général les phénomènes de l’apparition et de la disparition d’une étoile périodique blanche, dans le cas où les rayons de diverses couleurs se meuvent avec différentes vitesses, il n’est pas moins évident que si le rouge, le vert, le violet, etc., traversent l’espace avec une égale rapidité, l’étoile variable restera constamment blanche, depuis sa première apparition jusqu’au maximum d’intensité, et, pendant la période décroissante, depuis le maximum d’intensité jusqu’à la disparition.

Entre des phénomènes si dissemblables, qu’a statué l’observation ?

Depuis qu’il me vint à la pensée que les étoiles variables seraient un moyen de trancher la question, si controversée, de l’égalité ou de l’inégalité de vitesse des rayons lumineux de diverses couleurs, j’ai souvent examiné des étoiles périodiques blanches dans tous leurs degrés d’intensité, sans y remarquer de coloration appréciable. Je me suis assuré en outre, qu’aucun des astronomes modernes voués à ce genre de recherches, n’a mentionné de colorations réelles dans les phases d’une étoile périodique quelconque. Les témoignages sont d’autant plus précieux qu’en faisant leurs observations, Maraldi, Herschel, Goodricke, Pigott, etc., ne songeaient nullement au parti qu’on pourrait en tirer pour résoudre les questions relatives à la vitesse de la lumière des divers rayons du spectre.

Ce ne serait pas ici le lieu de déterminer numériquement le degré de précision auquel cette méthode permettrait d’arriver avec telle ou telle étoile changeante ; il me suffira de dire que cette précision est très-grande, et d’indiquer des applications singulières qu’on peut faire du résultat.

Au nombre des questions qui peuvent être abordées à l’aide des observations des étoiles changeantes, je n’en citerai que deux :

I. La détermination de la limite de densité que la matière remplissant les espaces célestes ne saurait dépasser.

II. Les observations des éclipses des satellites de Jupiter ont fait reconnaître la vitesse de la lumière du soleil réfléchie sur la matière de ces satellites ; avec quelques perfectionnements dans la mesure de l’intensité de la lumière des étoiles, on pourra arriver à une détermination directe de la vitesse de la lumière d’une étoile changeante indépendante du phénomène de l’observation. Je m’occuperai de cette dernière question dans le livre que je consacre à l’histoire de la détermination de la vitesse de la lumière ; je ne traiterai ici que celle qui est relative à la densité de l’éther.