Astronomie populaire (Arago)/XXVII/12

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 360-364).

CHAPITRE XII

mouvements propres des satellites de jupiter


On a trouvé par une discussion très-minutieuse des observations des éclipses des satellites de Jupiter, que le premier et le second décrivent des courbes à peu près circulaires. On a reconnu par le même moyen que l’orbite du troisième est sensiblement elliptique, mais que son excentricité est variable. L’ellipticité de l’orbite du quatrième est plus considérable et dès lors très-facile à constater. Les extrémités des grands axes de ces ellipses les plus voisines de la planète ne sont pas toujours dirigées vers les mêmes étoiles. Ces extrémités, qu’on nomme des périjones, paraissent avoir un mouvement direct ou dirigé de l’occident à l’orient.

Le plan de l’orbe du premier satellite semble coïncider avec celui de Jupiter. Il n’en est pas de même des orbes du second, du troisième et du quatrième satellite : ils font avec le plan de cette orbite des angles appréciables.

Les inclinaisons des plans dans lesquels ces satellites se meuvent rendent compte de phénomènes qui sans cela seraient inexplicables : de la non-disparition, par exemple, du quatrième satellite dans un grand nombre de ses oppositions avec le Soleil.

Ajoutons que les intersections des plans des orbites des satellites avec le plan de l’orbite de Jupiter, ou les lignes qu’on a appelées lignes des nœuds, ne sont pas toujours dirigées vers les mêmes étoiles.

Si l’on prend pour unité le rayon de l’équateur de Jupiter, les distances moyennes des satellites au centre de la planète et les durées de leurs révolutions sidérales seront :

Distance
au centre
de Jupiter.
Durées
des révolutions
sidérales.
Premier satellite 
6,05   1j,77 ou 1j18h28m
Deuxième 
9,62 3 ,55 3 13 14  
Troisième 
15,35 7 ,15 7   3 43  
Quatrième 
26,00 16 ,69 16 16 32  

Il résulte de ces nombres que les habitants de Jupiter voient circuler autour du centre de leur planète et à une distance de 108 000 lieues, une lune ayant un diamètre apparent plus grand que celui de la Lune terrestre, qui s’éclipse régulièrement après des intervalles égaux à 1 jour 3/4 environ. Ce mouvement rapide, pour le dire en passant, fournit sur le globe de Jupiter un moyen très-précis de déterminer les longitudes.

En examinant attentivement les mêmes nombres, on trouve que les carrés des temps des révolutions de deux quelconques de ces satellites sont entre eux comme les cubes de leurs distances moyennes à Jupiter ; en d’autres termes que les temps des révolutions sont entre eux comme les racines carrées des cubes des distances des satellites au centre de la planète.

Cette loi remarquable, la troisième de Kepler, nous l’avons retrouvée lorsque nous avons comparé les temps des révolutions des planètes autour du Soleil aux cubes des grands axes de leurs orbites (liv. xvi, chap. vi).

Des observations très-délicates ont paru conduire à la conséquence que chaque satellite tourne sur lui-même dans un temps égal à celui qu’il emploie à faire sa révolution autour de la planète. Ces quatre lunes présenteraient un phénomène analogue à celui que nous avons trouvé pour la Lune terrestre, celui de montrer toujours la même face au centre de Jupiter : c’est là, à ce qu’il semble, comme nous le verrons en nous occupant de Saturne, une loi générale qui paraît s’observer dans les mouvements de tous les satellites.

Une étude approfondie des temps des révolutions des satellites et de leurs positions relatives en longitude a conduit à des rapports très-simples dans lesquels l’esprit se complaît et que, par cette raison, nous ne pouvons pas nous dispenser de mentionner ici.

Première loi. — Le moyen mouvement du premier satellite, plus deux fois celui du troisième, est égal à trois fois le moyen mouvement du second.

Deuxième loi. — La longitude moyenne du premier satellite, moins trois fois celle du second, plus deux fois celle du troisième, est toujours égale, à très-peu près, à 180°.

Cette dernière loi conduit à la conséquence que les trois premiers satellites de Jupiter ne peuvent pas être éclipsés simultanément. En effet, dans le cas d’une pareille éclipse, les longitudes des trois satellites seraient à très-peu près les mêmes : la longitude du premier, plus deux fois celle du troisième, moins trois fois celle du second, donnerait 0 et non pas 180°.

Les temps des révolutions des quatre satellites de Jupiter et les dimensions apparentes de leurs orbites auxquelles Galilée s’arrêta étaient entachés de fort graves erreurs. C’est à Peyresc et à ses collaborateurs, Gassendi et Gautier, que l’on doit les premières déterminations quelque peu exactes de ces éléments. C’est en s’appuyant sur les nombres donnés par les observateurs de la ville d’Aix, que l’astronome hollandais Vendelinus constata que la troisième loi de Kepler se vérifiait dans le petit système dont Jupiter occupe le centre. Jean-Dominique Cassini eut le mérite de fixer, avec une beaucoup plus grande précision que ses prédécesseurs, les temps des révolutions de ces petits astres et les grandeurs relatives des courbes qu’ils parcourent. Ces résultats ont été ultérieurement perfectionnés par Wargentin, et surtout par Delambre, à la suite de la discussion d’un nombre immense d’observations qui ont servi de base aux tables dont les astronomes lui sont redevables. C’est enfin aux magnifiques travaux de Laplace que l’astronomie moderne doit de connaître les lois si simples qui règlent les mouvements et les positions relatives des petits astres qui circulent autour de Jupiter.