Astronomie populaire (Arago)/XX/14

GIDE et J. BAUDRY (Tome 3p. 171-197).

CHAPITRE XIV

atmosphère terrestre — baromètres — phénomènes crépusculaires — réfractions astronomiques


La Terre, comme tout le monde le sait, est enveloppée d’un fluide élastique, rare et transparent, qui s’élève jusqu’à une grande hauteur ; ce fluide est ce qu’on appelle l’air ; la couche continue qu’il forme tout autour de notre globe porte le nom d’atmosphère[1]. Ce fluide pèse comme tous les corps, car un ballon de verre dans lequel on a fait le vide à l’aide de la machine pneumatique, est plus léger que lorsqu’il est rempli d’air. Quant à son élasticité, elle a été constatée par des expériences bien connues, parmi lesquelles je me contenterai de citer l’augmentation de volume d’une vessie incomplètement remplie d’air et fermée qu’on place sous une cloche où l’on fait le vide, et la force de répulsion qui repousse un piston lorsqu’on veut l’enfoncer dans un corps de pompe fermé à une extrémité.

Personne n’ignore que si l’on verse un liquide quelconque dans un tube recourbé et ouvert par les deux bouts, il s’élève également dans chaque branche, car l’atmosphère, quel que soit d’ailleurs son poids absolu, pressant également sur les deux colonnes, il n’y a pas de raison pour que l’une devienne plus longue que l’autre. Supposons maintenant qu’un des deux côtés du tube soit hermétiquement fermé et purgé d’air : pour qu’il y ait équilibre, il faudra évidemment que la pression qu’exerce la colonne verticale de fluide que renferme cette dernière partie du tube, contre-balance les efforts réunis de l’atmosphère et de la portion de fluide contenue dans le tube qui communique librement avec l’air. On comprend dès lors que l’excès d’une des deux colonnes sur l’autre sera la mesure de la pression atmosphérique.

Si le liquide contenu dans le tube était de l’eau, la différence dont nous venons de parler serait, au niveau de la mer, d’environ 10 mètres et demi, tandis qu’en employant du mercure, qui pèse environ douze fois et demie plus que l’eau, l’excès d’une des deux colonnes sur l’autre ne serait, dans les mêmes circonstances, que de 760 millimètres. Quoi qu’il en soit, il est clair que si la pression atmosphérique vient à augmenter, le fluide s’élèvera dans le tube fermé, et s’abaissera dans l’autre, et réciproquement. En général, comme cet instrument fournit à chaque instant la mesure de la pression atmosphérique, on lui a donné le nom de baromètre, ou mesure de pesanteur.

Ai-je besoin de dire ici que si nous ne nous apercevons pas de la pesanteur de l’air qui cependant presse sur toutes les parties de notre corps, à chaque instant, cela tient uniquement à ce que les pressions exercées en différents sens sur nos organes s’équilibrent d’elles mêmes ; les fluides de notre corps subissent les variations qui ont lieu dans la pression de l’air atmosphérique lui-même, et cela est si vrai que si l’on s’enfonce très-vite dans la mer à l’aide d’une cloche à plongeur, ou bien si l’on s’élève très-rapidement dans l’air à l’aide d’un ballon, on éprouve de vives douleurs dans les oreilles, qui disparaissent lorsque, par un mouvement de déglutition souvent renouvelé, on tient en communication l’air extérieur et l’air contenu dans cet organe, ainsi que M. Bixio l’a constaté dans les voyages aéronautiques célèbres qu’il a faits avec M. Barral.

Les baromètres qu’on construit, comme nous venons de le dire, avec un tube recourbé, s’appellent, par cela même, baromètres à siphon, et sont très-commodes dans un observatoire fixe : ils ont seulement l’inconvénient d’exiger qu’on lise séparément la hauteur des deux colonnes, et de ne donner par conséquent l’indication définitive du baromètre qu’après un petit calcul ; ce défaut, quoique compensé au moins en partie par les vérifications auxquelles se prête cet instrument, et par l’avantage exclusif qu’il a sur tous les autres baromètres, de donner des hauteurs indépendantes de l’action capillaire, a déterminé les artistes à adopter habituellement un autre genre de construction.

Le baromètre ordinaire, réduit à sa plus grande simplicité, est formé d’un tube de verre fermé hermétiquement à une de ses extrémités. On y verse une certaine quantité de mercure, et on fait bouillir ce mercure assez longtemps afin de le purger d’air et de faire entièrement évaporer la petite couche d’humidité qui adhère avec une très-grande force aux parois du tube. Lorsqu’il est bien exactement plein, on bouche le tube avec le doigt, et, après l’avoir redressé, on le plonge dans une cuvette d’un assez grand diamètre, qui elle-même est remplie de mercure jusqu’à une certaine hauteur. Il est facile de voir, d’après ce que nous avons dit plus haut, que le mercure se maintiendra dans le tube au-dessus du niveau de la cuvette, à une hauteur telle que la colonne de ce liquide fasse équilibre à la pression de l’atmosphère. Cette différence de niveau se mesure sur une échelle divisée avec soin, et qui s’étend depuis la partie supérieure du tube jusqu’au réservoir inférieur. Pour plus de précision, on y adapte un vernier mobile, à l’aide duquel on subdivise les parties immédiatement tracées sur l’échelle en dix, en douze ou même en cent parties.

Il est facile de concevoir que pour qu’un tel baromètre donne avec précision la hauteur de la colonne de mercure qui fait équilibre à la colonne atmosphérique correspondante, il est indispensable que le zéro de l’échelle coïncide avec la ligne du niveau de la cuvette. Or, cette condition ne peut être rigoureusement remplie que pour une seule pression. Si l’on suppose en effet que le poids de l’atmosphère vienne à diminuer, la colonne de mercure qui lui fait équilibre diminuera aussi ; la partie de mercure qui passera dans la cuvette soulèvera le niveau de celle-ci, et le commencement de la division de l’échelle n’aura plus la position convenable. On voit d’ailleurs que l’erreur sera d’autant moindre que la cuvette aura un plus grand diamètre et que la pression atmosphérique aura moins varié. Dans un observatoire fixe, il sera donc permis à la rigueur de négliger le petit déplacement du zéro, pourvu toutefois que le réservoir du baromètre soit fort large.

Tout le monde sait que jusqu’au temps de Galilée on attribuait à l’horreur de la nature pour le vide l’ascension d’un liquide dans un tube privé d’air. Il n’est pas de mince ingénieur ou de petit auteur de traité de physique qui ne raconte cette anecdote : des fontainiers de Florence, surpris de voir l’eau ne jamais s’élever dans le vide au-dessus de 32 pieds, allèrent consulter Galilée, qui leur répondit : « Ce qui vous étonne est tout simple ; la nature n’a horreur du vide que jusqu’à la hauteur de 32 pieds. »

Les véritables appréciateurs du génie de Galilée tenaient cette réponse pour une plaisanterie faite dans un moment de gaieté. Je crois qu’on peut aller plus loin et la déclarer apocryphe. On n’en voit, en effet, aucune trace dans les traités authentiques de Galilée. Le plus ancien auteur qui la mentionne est Pascal, dans la préface de son Traité de l’équilibre des liqueurs. Ce serait une autorité irrécusable, si Pascal s’était rendu garant de l’exactitude du propos prêté à Galilée ; mais il ne le cite que comme un on dit. Or, personne n’était plus intéressé que l’auteur des Lettres provinciales à reconnaître que la biographie des hommes de génie ne doit pas se fonder sur des on dit. Quoi qu’il en soit, c’est Torricelli, élève de Galilée, qui montra que la hauteur à laquelle se tient le mercure dans un tube fermé par un bout et renversé dans une cuvette fait équilibre à la pression atmosphérique. Torricelli est donc l’inventeur du baromètre. D’après les indications de Pascal, Perrier fit le 19 septembre 1648 une observation de la hauteur barométrique au bas et au haut du Puy de Dôme. Il fut alors vérifié que la colonne de mercure étant plus haute au pied qu’au sommet de la montagne, ainsi que cela devait être dès que l’on admettait que la suspension du mercure tenait à la pression exercée par l’air atmosphérique dont l’épaisseur superposée à l’instrument diminue à mesure qu’on s’élève.

Il est évident, d’après la célèbre expérience du Puy de Dôme, que l’observation du baromètre peut servir à la mesure des hauteurs et qu’il doit être un instrument indispensable dans tous les voyages scientifiques. Les instruments portatifs dont on se sert ont, comme on le sait, des cuvettes assez étroites. Il est donc nécessaire de chercher à évaluer le déplacement du niveau, et cela avec d’autant plus de raison, qu’ont transporte assez souvent ces baromètres dans des lieux où les pressions sont très-différentes. Parmi les divers moyens auxquels les artistes ont eu recours, un des plus commodes est celui que Fortin a adopté, et qui consiste à marquer le point du zéro à l’aide d’une tige d’ivoire très-aiguë, et qui fait, en quelque sorte, corps avec la division. Il est clair alors que, dans quelque lieu qu’on se trouve, il suffira, pour remédier à la cause d’erreur dont nous venons de parler, d’amener, avant l’observation, le mercure de la cuvette à être tangent à la tige d’ivoire, ce qui s’obtient en relevant le fond mobile de cette cuvette à l’aide d’une vis convenablement disposée.

Depuis que le baromètre est devenu un moyen usuel de mesurer la hauteur des montagnes, les physiciens et les artistes l’ont modifié de mille manières, surtout dans la vue de le rendre portatif.

Parmi ces modifications, on doit, ce nous semble, ranger au premier rang celle dont la météorologie est redevable à Gay-Lussac. Le peu de poids et de volume de l’ingénieux baromètre qu’il a imaginé, sa commodité, l’exactitude dont il est susceptible, ont été justement appréciés. Dans les mains d’un observateur soigneux et exercé, cet instrument qui, comme on sait, est un siphon dont la petite branche vient se placer sous la grande, grâce à un coude ingénieusement imaginé, ne laisse rien à désirer. Nous avouerons cependant, d’après notre propre expérience, que des mouvements brusques d’une certaine espèce, peuvent faire passer des bulles d’air dans la grande colonne et que pendant le transport à pied, à cheval, et surtout en voiture, si le baromètre était presque horizontal, le dérangement aurait indubitablement lieu.

Tel est le défaut qu’un artiste habile, Bunten, a cherché à faire disparaître en 1828, et il y est parvenu sans sacrifier aucun des précieux avantages que l’instrument de Gay-Lussac possède. Il lui a suffi, pour cela, de former dans le grand tube une cloison vitreuse du centre de laquelle descend perpendiculairement un tube capillaire, d’une certaine longueur, par lequel le mercure doit nécessairement passer, tant dans les mouvements ascensionnels que dans les mouvements contraires. S’il entre alors une bulle d’air, comme elle suit les parois du grand tube, elle est arrêtée par la cloison et ne nuit pas à l’observation. Dès qu’on renverse l’instrument, la bulle s’échappe d’elle-même.

L’artifice dont nous venons de rendre compte fait disparaître le principal inconvénient qui se présentait dans l’usage des baromètres de Gay-Lussac, sans rien ajouter à leur fragilité. Il n’a pas dû empêcher les météorologistes de continuer à désigner ces instruments par le nom de leur véritable inventeur, puisque les modifications proposées ne changent pas les caractères qui les distinguent de tous les baromètres connus.

Il est maintenant bien établi, à l’aide d’observations faites avec des baromètres placés à bord des navires, qu’il existe dans la vaste étendue de l’Océan, d’immenses régions où la pression atmosphérique est inférieure à ce qu’on trouve dans les régions environnantes. Si de telles différences, qui certainement exercent une grande influence sur les courants pélagiques, ne peuvent être révoquées en doute, on ne saurait, à cause du peu d’exactitude des instruments employés, en assigner exactement la valeur. On est plus pauvre encore à ce sujet en ce qui concerne l’intérieur des continents : un voyageur, au moment de son départ, ne manque jamais de se munir d’un baromètre ; mais à peine a-t-il parcouru quelques lieues dans le pays qu’il veut visiter, que l’instrument fragile est brisé ou rendu inutile par la rentrée de l’air dans le tube barométrique ; remplir un nouveau tube et le soumettre à l’ébullition, semble alors le seul remède possible, mais une telle opération est longue, pénible, difficile, et dans certains pays, comme dans l’intérieur de l’Afrique, complétement inexécutable. Mon ami, M. Boussingault, m’a raconté que pendant ses voyages dans l’intérieur de l’Amérique centrale, c’est-à-dire dans un pays à demi civilisé, il n’avait pas cassé moins de quatorze baromètres. Il était donc bien désirable qu’on pût placer dans les mains des voyageurs un instrument dont les indications eussent toujours la certitude désirable, et qui ne fût pas soumis aux chances de rupture qu’on ne saurait éviter. J’ai pensé qu’on satisferait complétement à ces deux conditions, si l’on transportait le baromètre à cuvette entièrement vide, si on le remplissait sur place, ce qui ne devrait pas prendre plus de deux minutes, et si à l’aide de la réduction de la chambre barométrique, on déterminait expérimentalement la quantité d’air que le mercure non bouilli avait pu laisser échapper.

Cette idée, si simple, si plausible, est restée sans application, sinon dans les observatoires, du moins de la part des artistes en possession de fournir les voyageurs des instruments dont ils ont besoin. Récemment, un mécanicien très-habile s’était proposé de construire des baromètres satisfaisant à la condition désirée. M. Boussingault, à qui il faisait part de son projet, l’avertit que j’avais déjà imaginé le même procédé il y a plus de vingt ans, et que des instruments exécutés d’après ce principe existaient à l’observatoire de Paris. Mais, en matière de priorité, rien ne peut suppléer à une publication. J’en étais arrivé à regretter de ne pas avoir répandu mon projet par la voie de la presse, lorsque M. Boussingault me fit remarquer que le volume xxxiii des Annales de chimie et de physique renferme dans le résumé météorologique de l’année 1826, une indication très-circonstanciée de ma méthode.

Voici en effet le passage en question : « En apportant une légère modification à la construction des baromètres ordinaires, on se mettra désormais entièrement à l’abri de ces dérangements que les baromètres éprouvent, soit dans le transport, soit par une infiltration graduelle de l’air extérieur, soit enfin par le dégagement de celui que le liquide peut renfermer. Ce changement, qui consiste tout simplement à rendre le tube de verre mobile, afin qu’on ait la faculté d’augmenter ou de diminuer à volonté, et dans des rapports connus, la capacité de la chambre barométrique, permettra même, si je ne me trompe, de porter en voyage le mercure à part et de n’en remplir le tube qu’au moment de l’expérience, sans soumettre ce liquide à aucune ébullition. Il est facile de voir, en effet, que si l’on fait une observation dans un certain état de la chambre barométrique et qu’on la répète aussitôt après avoir réduit la capacité de cette chambre au 1/10e de sa valeur primitive, la petite quantité d’air sec qui pourra s’y trouver, produira juste dix fois plus d’effet dans la seconde observation que dans la première. La différence des deux hauteurs divisée par 9 sera donc ce qu’il faudra ajouter à la première, pour la ramener à ce qu’on aurait trouvé avec un baromètre entièrement purgé d’air. Je m’abstiendrai ici de plus amples détails ; le lecteur remarquera seulement que si ce procédé réussit, comme tout le fait espérer, les voyageurs n’auront plus à craindre les ruptures des baromètres, puisqu’ils pourront transporter le mercure dans une fiole en fonte de fer, construire le tube lui-même en fer forgé, réduire toute la partie fragile de l’instrument à un cylindre de verre épais de 8 à 10 centimètres de long, qui ne se vissera sur le tube en fer qu’au moment de l’observation, et qu’on renfermera immédiatement après dans un étui semblable aux étuis des thermomètres et assez court pour être placé dans la poche d’un habit. »

J’ai fait établir plusieurs baromètres sur ce principe ; l’un d’eux construit par un des artistes les plus habiles que la France ait possédés, par Gambey, a été présenté à l’Académie des sciences en 1844. Je disais alors : « Le baromètre se monte et se démonte facilement ; toutes ses parties sont contenues dans une boîte de peu de volume, et il n’y a plus de chances de rupture, la boîte tombât-elle de la hauteur d’un cheval. » M. Kupffer en a fait exécuter plusieurs pour les observatoires de Russie ; on comprend, en effet, que la faculté de diminuer ou d’augmenter la chambre barométrique fournit une vérification importante, à laquelle on doit désirer pouvoir soumettre les instruments étalons des observatoires.

Un changement de pression atmosphérique n’est pas la seule cause qui puisse faire varier la longueur de la colonne de mercure qui est contenue dans le tube du baromètre. Les physiciens ont reconnu, en effet, que la chaleur dilate tous les corps et que le froid les resserre ; de là il résulte que le poids de mercure qui fait équilibre à celui de l’atmosphère, occupera dans le tube un espace d’autant plus grand que la température de ce liquide sera plus élevée. Les observations du baromètre ne seront donc comparables que lorsqu’on les aura réduites à la même température ; et c’est pour cela qu’on enchâsse dans la monture de cet instrument un thermomètre dont la boule touche le tube, et qu’il faut consulter, si l’on vise à une grande précision, toutes les fois qu’on observe le baromètre. Les recherches des physiciens ont montre que la longueur d’une colonne de mercure augmente de sa 5 550me partie pour chaque degré centigrade d’élévation dans sa température. Dans les calculs de correction qu’on effectue pour ramener les hauteurs barométriques observées à ce qu’elles seraient si l’appareil se trouvait à la température de 0°, il faut aussi avoir soin de tenir compte de la dilatation de l’échelle de laiton, de verre ou de toute autre substance qui porte les divisions en millimètres ou en lignes. On a construit des tables qui permettent d’effectuer ces corrections avec une grande promptitude.

Il est enfin une dernière cause d’erreur contre laquelle il est utile de se prémunir, et qui tient à ce que la force de la capillarité produit sur la colonne de mercure un abaissement d’autant plus grand que le diamètre du tube est plus petit. À cet égard les meilleurs baromètres sont ceux dont les tubes sont le plus larges. Des expériences et des calculs dus à d’illustres physiciens et géomètres, parmi lesquels je citerai Laplace et Gay-Lussac, ont permis de construire des tables qui indiquent la quantité de la correction constante qu’il faut appliquer aux hauteurs barométriques, suivant le diamètre intérieur du tube. Quoi qu’il en soit, il est évident qu’il faudra viser, dans chaque observation, au sommet de la petite calotte hémisphérique que forme le mercure, et non pas, comme quelques personnes le pratiquent, à la base de cet hémisphère ou aux points où le liquide commence à se séparer de la paroi intérieure du tube.

Supposons maintenant, pour fixer les idées, que la hauteur moyenne du baromètre au niveau de l’Océan soit de 760 millimètres, il est clair, ainsi que nous l’avons déjà indiqué, que cette hauteur, toutes les autres circonstances restant les mêmes, ira continuellement en diminuant à mesure qu’on s’élèvera dans l’atmosphère, puisque le mercure de la cuvette se trouvera déchargé de tout le poids des couches d’air inférieures. Des expériences plusieurs fois répétées par les physiciens les plus habiles et qui ont fini par atteindre une rare exactitude, ont montré que le poids de l’air à 0° de température, et sous une pression de 760 millimètres, est au poids d’un volume égal de mercure, dans le rapport de 0,0012937 à 13,5960 ou de l’unité à 10 509 ; c’est-à-dire que 10 509 millimètres cubes d’air, par exemple, pèsent autant que 1 millimètre cube de mercure. Il suit de là qu’il faut s’élever de 10 509 millimètres ou de 10m,509, pour que le mercure s’abaisse dans le tube du baromètre, de 1 millimètre. Si la densité des couches d’air était partout la même, on pourrait facilement déduire du résultat précédent, non-seulement la hauteur d’un lieu quelconque dans lequel le baromètre aurait été observé, mais encore la hauteur totale de l’atmosphère. Il est clair, en effet, que si un abaissement de 1 millimètre dans la hauteur du baromètre correspondait à un déplacement vertical de 10m,509, un abaissement de 760 millimètres, qui est l’a hauteur totale du baromètre, devrait correspondre à 10m,509 pris 760 fois, ou à 7 986m,84. Telle serait la hauteur de l’atmosphère dans la supposition que nous avons faite ; mais l’air étant un fluide compressible, ses couches inférieures doivent être plus denses que les supérieures, ou peser davantage à volume égal. Il résulte de là qu’il faudra parcourir en hauteur, pour faire baisser le mercure du baromètre de 1 millimètre, un espace qui dépassera d’autant plus 10m,509 qu’on se trouvera dans une couche d’air plus rare ou plus élevée au-dessus de l’Océan. On voit aussi que la hauteur de l’atmosphère, que nous avons déduite de l’hypothèse d’une température uniforme, doit être trop petite, ce qui est confirmée par des observations d’un autre genre.

Si l’atmosphère terrestre était illimitée, le phénomène de la nuit nous serait complétement inconnu : la lumière du Soleil venant à tomber sur des couches d’air suffisamment éloignées de la Terre pourrait toujours nous être renvoyée par la réflexion que ces couches lui feraient subir. D’un autre côté l’absence d’atmosphère ferait évidemment que la nuit arriverait, le soir, brusquement et immédiatement après le coucher apparent du Soleil, et le jour naîtrait le matin à l’instant même du lever apparent de cet astre. Or, tout le monde sait que le crépuscule du soir et l’aurore du matin allongent la durée du temps pendant lequel on est éclairé par la lumière solaire. On conçoit que l’observation de ces phénomènes a dû faire naître de bonne heure l’idée d’y chercher la mesure de la hauteur de l’atmosphère terrestre.

Fig. 146. — Mouvement de la courbe crépusculaire.

Supposons que la Terre soit figurée par le cercle de rayon OA (fig. 246), que son atmosphère soit limitée par la circonférence CDEF. Il est évident que lorsque le Soleil sera descendu au-dessous de l’horizon AB du lieu A, il n’éclairera plus qu’une portion de l’atmosphère. Ainsi quand le Soleil sera en S, si on imagine un cône tangent à la Terre et ayant le Soleil pour sommet, toute la partie de l’atmosphère située au-dessous de SC cessera d’être éclairée pour l’observateur placé en A, et la partie CDEF seule le sera encore. Plus tard, quand le Soleil sera en S′, il n’y aura plus d’éclairée que la partie DEF ; plus tard encore, que la partie EF ; enfin, quand le Soleil sera en S‴, sur la surface tangentielle menée par l’intersection E de l’horizon AB avec la circonférence limite de l’atmosphère, le crépuscule cessera. Dès que le Soleil est couché, on doit donc voir une sorte d’arc apparaître du côté opposé, s’élever de plus en plus, atteindre le zénith, puis s’abaisser, et enfin disparaître. Les phénomènes se passeraient d’une manière inverse pour l’aurore ou crépuscule du matin. Telle est la théorie que les plus anciens astronomes avaient conçue des phénomènes crépusculaires. On trouve dans l’Optique d’Alhasen, que l’angle d’abaissement du Soleil pour la fin du crépuscule ou le commencement de l’aurore est de 18°, et c’est encore cette valeur que les astronomes modernes adoptent comme moyenne. Rothman avait trouvé que le crépuscule ne finissait complétement que lorsque le Soleil était descendu de 24° au-dessous de l’horizon ; Nonius donnait 16°, Cassini 15°. Riccioli trouvait pour les équinoxes 16° le matin et 20° le soir.

Dans nos climats on aperçoit difficilement avec netteté la limite de séparation entre la partie de l’atmosphère éclairée par le Soleil et celle qui ne reçoit pas ses rayons directs. Mais Lacaille, dans son voyage au cap de Bonne-Espérance, a constaté toutes les phases que nous venons d’indiquer d’après la théorie. « Les 16 et 17 avril 1751, dit-il, étant en mer et en calme, par un ciel extrêmement clair et serein, où je distinguais Vénus à l’horizon de la mer, comme une étoile de seconde grandeur, je vis la lumière crépusculaire terminée en arc de cercle, aussi régulièrement que possible. Ayant réglé ma montre à l’heure vraie, au coucher du Soleil, je vis cet arc confondu avec l’horizon ; et je calculai, par l’heure où je fis cette observation, que le Soleil était abaissé, le 16 avril, de 16° 38′ ; le 17, de 17° 13′. »

On comprend que connaissant le cercle diurne apparent décrit par le Soleil un jour donné et la position de l’observateur sur la Terre, on puisse calculer, par le temps écoulé entre l’heure du coucher du Soleil et celle de la disparition de l’arc crépusculaire, l’angle parcouru par l’astre radieux au-dessous de l’horizon. On comprend aussi que suivant les saisons et suivant les lieux, on trouve une durée différente pour le crépuscule ou l’aurore, puisque l’éloignement plus ou moins grand du Soleil et l’état de l’atmosphère doivent influer sur la direction et sur la quantité de la lumière qui, après des réflexions et des réfractions multiples, arrive à chaque observateur. A quels moments dans un lieu déterminé, en quels points sur la Terre la durée du crépuscule est-elle à son minimum ou à son maximum ? C’est un problème qui a été l’objet des recherches d’un grand nombre de géomètres et d’astronomes parmi lesquels on peut citer Jean Bernoulli, Euler, d’Alembert, Boscowich, Mauduit, Cagnoli, Delambre. Ce phénomène dépend pour chaque observateur et de la latitude du lieu et de la déclinaison du Soleil. À Paris, le plus court crépuscule se présente quand le Soleil est à 6° 10′ 50″ de déclinaison australe, c’est à-dire le 11 octobre et le 5 mars de chaque année ; il est alors de lh 50m. Comme le crépuscule ne finit que quand le Soleil est abaissé de 18° au-dessous de l’horizon de chaque lieu, il n’y aura pas de nuit close, si l’astre radieux, par suite de sa position à une certaine époque de l’année relativement à un lieu donné, ne s’abaisse pas de 18° au-dessous de l’horizon de ce lieu ; c’est ce qui arrive à Paris vers le solstice d’été.

Il est évident que la partie de l’atmosphère éclairée directement par le Soleil devient un corps lumineux pour la partie qui ne reçoit pas directement la lumière solaire ; elle doit donc fournir elle-même un second crépuscule, limité par les derniers rayons que peut envoyer l’arc crépusculaire que nous avons considéré plus haut. Cette illumination secondaire doit être bien plus faible que la première, mais elle peut à son tour engendrer un troisième crépuscule, plus faible encore, et ainsi de suite indéfiniment. Il n’y a de limite à la perception du phénomène que dans la sensibilité de notre organe visuel. La courbe observée si exactement par Lacaille se rapportet-elle au premier ou au second espace crépusculaire, ou à quelque partie intermédiaire, c’est ce qu’il est impossible de décider actuellement.

Le temps pendant lequel le Soleil, après être descendu au-dessous de l’horizon d’un lieu A (fig. 247), continue à éclairer directement une partie de l’atmosphère visible de ce lieu A, dépend de l’épaisseur des couches aériennes qui enveloppent la Terre. En effet, imaginons que nous fassions passer un plan par le lieu A, par le centre 0 de la Terre supposée sphérique, et par le centre du Soleil. Ce plan coupera la Terre suivant le cercle OA et son atmosphère suivant le cercle OC. Soit AB la trace de l’horizon du lieu A dans ce même plan ; par la rencontre C du cercle OA et de la ligne AB, menons la tangente CD à la Terre. Toute partie de l’atmosphère visible en A cessera d’être éclairée par le Soleil lorsque l’astre radieux, dans son mouvement diurne apparent, sera descendu jusqu’à CDS ou au-dessous. Or, nous avons dit tout à l’heure que l’on concluait de la durée du crépuscule qu’il se terminait lorsque l’angle BCS d’abaissement au-dessous de l’horizon était de 18°.

Fig. 247. — Mesure de la hauteur de l’atmosphère par l’observation de la durée du crépuscule.

Puisque les angles formés autour d’un point du même côté d’une droite (liv. i, chap. viii) valent ensemble 180°, on voit que l’angle ACD = 180° — 18° = 162°. Mais les deux angles ACO et DCO sont évidemment égaux ; donc on a l’angle ACO = = 81°. Comme l’angle OAC est droit et que OA est le rayon de la Terre, on connaît un côté et les angles du triangle OAC, et par conséquent on peut en calculer tous les éléments. On peut donc regarder OC comme connu, et de là il résulte qu’on a la hauteur CE de l’atmosphère, différence entre OC et OE = OA.

Telle est la méthode imaginée par Kepler pour conclure des phénomènes crépusculaires la hauteur de l’atmosphère. Cette méthode présente plus d’une incertitude. La Hire songea le premier à la corriger en faisant entrer dans le calcul l’influence de la réfraction exercée par l’atmosphère sur la ligne CDS. Mais je dois dire que toutes les déterminations de la hauteur de l’atmosphère, fondées sur la durée du crépuscule, qu’on a obtenues jusqu’ici, reposent sur l’hypothèse que les rayons venant du Soleil, qui dessinent la limite du phénomène, n’ont été réfléchis qu’une seule fois ; toutes supposent qu’après deux réflexions sur des couches d’air, la lumière solaire est trop affaiblie pour produire quelque lueur appréciable. Aujourd’hui ces bases du calcul ne seraient plus admissibles. Des expériences de polarisation ont prouvé, en effet, que des réflexions multiples contribuent d’une manière importante à la dissémination de la lumière du Soleil dans l’atmosphère ; que, dans chaque direction, des rayons réfléchis plusieurs fois entrent pour une part notable dans le faisceau total qui arrive à l’œil. Au surplus, il est manifeste qu’en introduisant cette nouvelle donnée dans le calcul, on trouverait des hauteurs de l’atmosphère plus petites que par l’ancienne méthode qui donne 60 000 mètres ou 15 lieues pour la plus grande épaisseur de la couche aérienne qui entoure notre planète.

Nous avons trouvé précédemment que, d’après la hauteur moyenne du baromètre au niveau de l’Océan, la hauteur de l’atmosphère ne serait pas de 8 000 mètres ou de 2 lieues, si la densité de l’air ne diminuait pas à mesure qu’on s’élève dans des régions plus éloignées de la surface de la Terre, ce qu’il est impossible d’admettre. On peut donc dire aujourd’hui que la hauteur de notre atmosphère est comprise entre 2 et 15 lieues. M. Biot, en discutant les observations de température et de pression recueillies soit dans les ascensions de MM. de Humboldt et Boussingault sur le flanc de hautes montagnes, soit dans le voyage aérostatique accompli en un temps calme par Gay-Lussac, a calculé que l’épaisseur de l’air qui nous entoure ne doit pas dépasser 48 000 mètres ou 12 lieues. D’après le nombre que nous avons donné pour le rayon de la Terre (chap. i), on voit que la hauteur de l’atmosphère n’est que la 132e partie de ce rayon, c’est à-dire que si l’on représentait la Terre par une sphère de 10 mètres de diamètre, l’atmosphère n’occuperait sur ce globe qu’une hauteur de 38 millimètres.

Malgré sa faible épaisseur, l’atmosphère joue un très grand rôle dans l’observation des phénomènes astronomiques. Il est facile de reconnaître que l’air agit sur la lumière qui le traverse, pour la dévier de sa route primitive. C’est pourquoi l’on ne trouve pas la même distance polaire pour les étoiles si on les observe près du zénith, ou lorsqu’elles sont près de l’horizon ; dans ce dernier cas, la distance du pôle déduite de l’observation est plus petite que dans le premier. Nous avons vu (liv. iii, chap. iv) que Ptolémée signalait déjà dans son Optique la flexion exercée par la réfraction que les rayons lumineux des étoiles éprouvent dans l’atmosphère terrestre.

La réfraction varie d’intensité avec les différents corps. Quelle est-elle pour les divers états de l’air ? Il est extrêmement difficile de mesurer exactement le pouvoir réfractif de l’air par des expériences directes ; aussi les géomètres et les astronomes ont mieux aimé le déduire pendant longtemps d’un grand nombre d’observations faites sur les hauteurs apparentes des astres comparées à leurs positions réelles. Cependant Hauksbée, sur l’invitation de Newton, a fait en Angleterre quelques expériences sur ce sujet en regardant un objet éloigné à travers un prisme qui était successivement vide et rempli d’air, et en mesurant l’écart de ses positions apparentes dans les deux circonstances. On comprend que cet écart fait connaître la déviation éprouvée par le rayon lumineux. Toutefois le prisme employé par Hauksbée n’ayant qu’un très-petit angle réfringent ne produisait qu’une réfraction pareillement très-petite. En outre, les différences de hauteur de l’objet ne pouvaient pas être appréciées avec une grande exactitude, et on ne savait pas tenir compte à cette époque des changements de température et de pression, puisque le thermomètre et le baromètre n’étaient pas encore employés. Aussi la force réfringente de l’air n’avait pas été déterminée avec une précision suffisante pour qu’on pût l’employer dans les observations astronomiques. Les expériences de Hauksbée prouvaient seulement que l’air a un pouvoir réfractif à peu près proportionnel à sa densité. Borda reprit la question pour appliquer à sa solution les méthodes perfectionnées que les progrès des sciences avaient suggérées, depuis le temps de Newton, mais il mourut avant de terminer ses expériences, et on n’a même retrouvé aucun des résultats qu’il a dû obtenir. Nous avons pu, M. Biot et moi, venir à bout de ce travail, en étendant nos recherches à un très-grand nombre de gaz et de vapeurs. Nous nous sommes servis, du reste, du prisme à angle extrêmement ouvert de Borda. Nous avons retrouvé le même coefficient que Delambre avait déduit d’un grand nombre d’observations de Piazzi et de plusieurs centaines de hauteurs du Soleil qu’il avait observées à Bourges, depuis 70° jusqu’à 90° 20′ de distance au zénith. Cette confirmation a donné une grande confiance aux astronomes dans les tables des réfractions calculées par les formules que Laplace a établies dans le tome iv de la Mécanique céleste, d’après l’hypothèse d’une disposition uniforme des diverses couches d’air superposées, formules dans lesquelles il restait à trouver le coefficient relatif au pouvoir réfringent de l’air. Ce pouvoir réfringent est, il est vrai, déterminé dans l’hypothèse où l’air atmosphérique ne contiendrait que de l’oxygène et de l’azote. Or, on sait que, si le rapport de ces deux gaz reste constant en tous temps, en tous lieux et à toutes les hauteurs, de 79,10 pour l’azote à 20,90 pour l’oxygène, il y a en outre dans l’atmosphère de 4 à 6 dix millièmes d’acide carbonique et une quantité incessamment variable de vapeur d’eau. Mais les expériences que M. Biot et moi avons faites démontrent que le pouvoir réfringent de la vapeur d’eau diffère assez peu de celui de l’air proprement dit, pour qu’on puisse négliger, en général, la correction qui dépendrait de l’état hygrométrique de l’atmosphère au moment de l’observation. On n’a besoin de tenir compte que de la température de l’air et de la pression barométrique. La Connaissance des temps renferme à cet égard des tables très-commodes calculées par M. Caillet, d’après les formules de Laplace. Nous extrairons de ces tables les réfractions pour la hauteur barométrique moyenne de 760 millimètres et pour la température de 10 degrés centigrades, en les prenant seulement pour les degrés entiers de distances zénithales. Nous n’avons pour but que d’indiquer ici l’importance du phénomène, et nous n’entrerons pas dans la discussion des corrections à apporter aux valeurs données par la table, à cause des variations de la température et de la pression qu’il doit nous suffire d’avoir signalées ; ces corrections ne sont importantes que pour les observations très-précises.

Nous ferons remarquer que les réfractions sont naturellement différentes, selon qu’on observe à des hauteurs plus ou moins élevées au-dessus du niveau moyen de la mer ; elles diminuent à mesure que l’on s’élève, contrairement à l’hypothèse sur laquelle Dominique Cassini avait formé une table des réfractions et qui consistait à admettre simplement que l’atmosphère avait une densité constante.

Les changements de densités atmosphériques dépendant des variations de la température, n’ont pas certainement lieu d’une manière constamment proportionnelle dans toute l’étendue de l’atmosphère superposée à un lieu donné : par conséquent la correction introduite, d’après la seule observation du baromètre et du thermomètre placés dans la couche d’air qui touche la Terre, ne saurait toujours suffire ; mais l’erreur due à cette cause est tout à fait insignifiante, lorsqu’on n’observe pas à plus de 75° du zénith.

Table des réfractions.
Distances
au zénith.
Réfractions. Distances
au zénith.
Réfractions. Distances
au zénith.
Réfractions.
90° 33′47″,9 59° 1′36″,8 29° 0′32″,3
89 24 22 ,3 58 1 33 ,1 28 0 31 ,0
88 18 23 ,1 57 1 29 ,6 27 0 29 ,7
87 14 28 ,7 56 1 26 ,3 26 0 28 ,4
86 11 48 ,8 55 1 23 ,1 25 0 27 ,2
85 9 54 ,8 54 1 20 ,1 24 0 26 ,0
84 8 30 ,3 53 1 17 ,2 23 0 24 ,8
83 7 25 ,6 52 1 14 ,5 22 0 23 ,6
82 6 34 ,7 51 1 11 ,9 21 0 22 ,4
81 5 53 ,7 50 1   9 ,4 20 0 21 ,2
80 5 20 ,0 49 1   7 ,0 19 0 20 ,1
79 4 51 ,9 48 1   4 ,7 18 0 18 ,9
78 4 28 ,1 47 1   2 ,5 17 0 17 ,8
77 4   7 ,7 46 1   0 ,3 16 0 16 ,7
76 3 50 ,0 45 0 58 ,3 15 0 15 ,6
75 3 34 ,5 44 0 56 ,3 34 0 14 ,5
74 3 20 ,8 43 0 54 ,3 13 0 13 ,5
73 3   8 ,6 42 0 52 ,5 12 0 12 ,4
72 2 57 ,7 41 0 50 ,7 11 0 11 ,3
71 2 47 ,8 40 0 48 ,9 10 0 10 ,3
70 2 38 ,9 39 0 47 ,2 9 0   9 ,2
69 2 30 ,8 38 0 45 ,5 8 0   8 ,2
68 2 23 ,4 37 0 43 ,9 7 0   7 ,2
67 2 16 ,6 36 0 42 ,3 6 0   6 ,1
66 2 10 ,3 35 0 40 ,8 5 0   5 ,1
65 2   4 ,4 34 0 39 ,3 4 0   4 ,1
64 1 59 ,0 33 0 37 ,9 3 0   3 ,1
63 1 54 ,0 32 0 36 ,4 2 0   2 ,0
62 1 49 ,3 31 0 35 ,0 1 0   1 ,0
61 1 44 ,8 30 0 33 ,7 0 0   0 ,0
60 1 40 ,7

Il est facile de reconnaître que chacune de ces réfractions doit être ajoutée à la distance zénithale correspondante directement donnée par l’observation.

Fig. 248. — Réfractions astronomiques.

En effet, imaginons un plan passant par une étoile E et par le centre O de la Terre (fig. 248) ; ce plan coupera la Terre et les différentes couches atmosphériques, suivant des cercles ayant pour rayons OM, OF, OD, etc. Un rayon lumineux EA, parti de cette étoile et qui viendra tomber sur la couche la plus extrême de l’atmosphère, au lieu de continuer à se mouvoir en ligne droite, se rapprochera du rayon OA perpendiculaire à la surface d’entrée et prendra la direction AB. C’est suivant cette direction que le rayon primitif viendra rencontrer la couche atmosphérique immédiatement voisine, et de nouveau il se rapprochera du rayon OB pour prendre une nouvelle direction BC, et ainsi de suite. Par conséquent ce sera réellement, suivant une courbe ABCDF…M, que le rayon lumineux envoyé par l’étoile pénétrera dans l’atmosphère pour être perçu par l’observateur placé sur la Terre en M. Mais l’œil rapporte toujours les objets suivant la ligne droite tangente à la trajectoire parcourue par le dernier élément de cette courbe. Ce sera donc suivant une ligne droite ME′ que l’observateur croira voir l’étoile E. La distance zénithale observée ZME′ sera donc trop petite de l’angle fait par le rayon de lumière EA avec la droite ME′, angle que l’on appelle la réfraction et que l’on trouve dans la table précédente pour une certaine pression et une certaine température. Par exemple, lorsqu’un corps paraît être à 70° de distance zénithale, c’est-à-dire à l’horizon, il est déjà descendu de 33′ 47″,9 plus bas.

Je ne tiens pas compte ici, je le répète, de la correction qu’il y aurait lieu de faire à ce nombre, si la température et la pression de l’atmosphère étaient différentes de 10° et de 760 millimètres. Cette correction est loin d’être bien connue, surtout pour les grandes distances zénithales, et lorsqu’on observe à travers des éclaircies du ciel obscurci d’abord par des couches de nuages qui peuvent avoir fortement altéré la distribution régulière de température que suppose la théorie ordinaire des réfractions.


Fig. 244. — Carte géographique de l’ancien monde.

Fig. 245. — Carte géographique du nouveau monde.

  1. Du grec αθμος, vapeur.