Anthologie des poètes français contemporains/Rollinat (Maurice)

Anthologie des poètes français contemporainsCh. Delagrave, éditeur ; A.-W. Sijthoff, éditeurTome deuxième (p. 59-71).
MAURICE ROLLINAT


Bibliographie.Dans les Brandes (1877) ; — Les Névroses (1883) ; — L’Abîme (1886) ; — La Nature {1892) ; — Le Livre de la Nature (1893) ; — Les Apparitions (1896) ; — Paysages et Paysans (1898).


Les œuvres de Maurice Rollinat ont été éditées par G. Charpentier.

Maurice Rollinat a collaboré au Parnasse et à divers journaux et revues.

Maurice Rollinat naquit en 1846 à Châteauroux (Indre). Son père, François Rollinat, avocat, un des députés républicains de 1848, siégea à la Constituante et à la Législative. Il était le grand ami de George Sand, qui reporta son affection sur le jeune homme.

Maurice Rollinat vint à Paris en 1868, collabora au second Parnasse et publia en 1877 son premier volume de vers, plein de souvenirs du Berry : Dans les Brandes, suivi en 1883 des Névroses, où le poète chantait avec une émotion sincère et un art consommé « les angoisses de la folie encore consciente », « le martyre de la rage », , les réflexions d’un léthargique enterré vif, les hoquets des poitrinaires « minces », la putréfaction violette, les squelettes macabres, le crapaud, la chouette, les moisissures, la chambre sans vitres, le silence des morts, tous les « parias » de la poésie. Ces deux livres, fort goûtés de toute la génération d’alors, lui valurent une rapide notoriété. La critique reconnut facilement dans telles pièces l’influence de Baudelaire ; elle méconnut singulièrement celle de George Sand, « dont elle aurait dû signaler la part d’initiation, manifeste surtout dans le premier recueil de poésies de Maurice Rollinat ». « Elle aurait dû aussi dire la sincérité de ces impressions, la profondeur d’accent de cette poésie de terroir... Pour Baudelaire, il ne masque nullement la personnalité de Maurice Rollinat, qui le suit chronologiquement, comme Baudelaire suit Poe. II est des affinités d’esprit et des rencontres sincères. » (Gustave Geffroy.) « L’auteur des Névroses, écrivait dès 1889 Barbey d’Aurevilly a inventé pour ses poésies une musique qui fait ouvrir des ailes de feu à ses vers et qui enlève fougueusement, comme sur un hippogriffe, ses auditeurs fanatisés. Il est musicien comme il est poète, et ce n’est pas tout : il est acteur comme il est musicien. Il joue ses vers, il tes dit et il les articule aussi bien qu’il les chante. »

En effet, ceux qui, aux environs de 1884, l’entendirent, à Montmartre, au cabaret du Chat Noir, quand, assis sur l’angle d’un tabouret, le corps à demi tourné vers le public, il chantait en s’accompagnant au piano, n’oublieront jamais cette belle tête pâle et noire, cette bouche tordue par un rictus effroyable, cette face de terreur et d’agonie…

Après dix-huit ans de Paris, Rollinat retourna soudain au pays natal, s’isola, fut ressaisi par le calme de la nature berrichonne et par le ressouvenir de George Sand, et se mit à célébrer dans ses vers les paysans et la campagne avec un lyrisme très châtié que venait assaisonner un grain de réalisme savoureux.

Revenu en 1902 à Paris, en proie à d’affreux chagrins intimes, le malheureux poète perdit en août 1903 la compagne de sa vie tourmentée. Sa santé fortement ébranlée, les troubles cérébraux dont il souffrait, nécessitèrent son internement dans une maison de santé. Il entra — volontairement d’ailleurs — en traitement dans la maison du docteur Moreau de Tours, à Ivry, mais ce fut en vain qu’on l’entoura des soins les plus intelligents et les plus dévoués. La maladie avait déjà fait trop de progrès. Il s’éteignit dans la matinée du 26 octobre 1903.



LA MARE AUX GRENOUILLES


Cette mare, l’hiver, devient inquiétante,
Elle s’étale au loin sous le ciel bas et gris.
Sorte de poix aqueuse, horrible et clapotante,
Où trempent les cheveux des saules rabougris.

La lande tout autour fourmille de crevasses,
L’herbe rare y languit dans des terrains mouvants,
D’étranges végétaux s’y convulsent, vivaces,
Sous le fouet invisible et féroce des vents ;

Les animaux transis, que la rafale assiège,
Y râlent sur des lits de fange et de verglas,

Et les corbeaux — milliers de points noirs sur la neige
Les effleurent du bec en croassant leur glas.

Mais la lande, l’été, comme une tôle ardente,
Rutile en ondoyant sous un tel brasier bleu,
Que l’arbre, la bergère et la bête rôdante
Aspirent dans l’air lourd des effluves de feu.

Pourtant, jamais la mare aux ajoncs fantastiques
Ne tarit. Vert miroir tout encadré de fleurs
Et d’un fourmillement de plantes aquatiques,
Elle est rasée alors par les merles siffleurs.

Aux saules, aux gazons que la chaleur tourmente,
Elle offre l’éventail de son humidité,
Et riant à l’azur, — limpidité dormante, —
Elle s’épanouit comme un lac enchanté.

Or, plus que les brebis, vaguant toutes fluettes
Dans la profondeur chaude et claire du lointain,
Plus que les papillons, fleurs aux ailes muettes,
Qui s’envolent dans l’air au lever du matin.

Plus que l’Eve des champs fileuse de quenouilles,
Ce qui m’attire alors sur le vallon joyeux,
C’est que la grande mare est pleine de grenouilles,
— Bon petit peuple vert qui réjouit mes yeux. —

Les unes : père, mère, enfant mâle et femelle,
Lasses de l’eau vaseuse à force de plongeons,
Par sauts précipités, grouillantes, pêle-mêle.
Friandes de soleil, s’élancent hors des joncs ;

Elles s’en vont au loin s’accroupir sur les pierres.
Sur les champignons plats, sur les bosses des troncs,
Et clignotent bientôt leurs petites paupières
Dans un nimbe endormeur et bleu de moucherons.

Emeraude vivante au sein des herbes rousses,
Chacune luit en paix sous le midi brûlant ;
Leur respiration a des lenteurs si douces
Qu’à peine on voit bouger leur petit goitre blanc.

Elles sont là, sans bruit rêvassant par centaines,
S’enivrant au soleil de leur sécurité ;
Un scarabée errant du bout de ses antennes
Fait tressaillir parfois leur immobilité.

La vipère et l’enfant — deux venins ! — sont pour elles
Un plus mortel danger que le pied lourd des bœufs :
A leur approche, avec des bonds de sauterelles,
Je les vois se ruer à leurs gîtes bourbeux ;

Les autres, que sur l’herbe un bruit laisse éperdues,
Ou qui préfèrent l’onde au sol poudreux et dur,
A la surface, aux bords, les pattes étendues,
Inertes, hument l’air, le soleil et l’azur.

Ces reptiles mignons qui sont, malgré leur forme,
Poissons dans les marais, et sur la terre oiseaux.
Sautillent à mes pieds, que j’erre ou que je dorme,
Sur le bord de l’étang troué par leurs museaux.

Je suis le familier de ces bêtes peureuses
A ce point que, sur l’herbe et dans l’eau, sans émoi.
Dans la saison du frai qui les rend langoureuses,
Elles viennent s’unir et s’aimer devant moi.

Et près d’elles, toujours, le mal qui me torture,
L’ennui, — sombre veilleur, — dans la mare s’endort ;
Et, ravi, je savoure une ode à la nature
Dans l’humble fixité de leurs yeux cerclés d’or.

Et tout rit : ce n’est plus le corbeau qui croasse
Son hymne sépulcral aux charognes d’hiver :
Sur la lande aujourd’hui la grenouille coasse,
— Bruit monotone et gai claquant sous le ciel clair.


(Dans les Brandes.)


LES FRISSONS


De la tourterelle au crapaud.
De la chevelure au drapeau,
A fleur d’eau comme à fleur de peau,
Les frissons courent :
Les uns furtifs et passagers.
Imperceptibles ou légers,
Et d’autres lourds et prolongés
Qui vous labourent.
Le vent par les temps bruns ou clairs
Engendre des frissons amers

Qu’il fait passer du fond des mers
Au bout des voiles ;
Et tout frissonne, terre et cieux,
L’homme triste et l’enfant joyeux,
Et les pucelles dont les yeux
Sont des étoiles ;

Ils rendent plus doux, plus tremblés,
Les aveux des amants troublés ;
Ils s’éparpillent dans les blés
Et les ramures ;
Ils vont orageux ou follets
De la montagne aux ruisselets,
Et sont les frères des reflets
Et des murmures.

Dans la femme où nous entassons
Tant d’amour et tant de soupçons,
Dans la femme tout est frissons :
L’âme et la robe !
Ob ! celui qu’on voudrait saisir !
Mais à peine au gré du désir
A-t-il évoqué le plaisir,
Qu’il se dérobe !

Il en est un pur et calmant,
C’est le frisson du dévoûment
Par qui l’âme est secrètement
Récompensée ;
Un frisson gai naît de l’espoir,
Un frisson grave du devoir ;
Mais la Peur est le frisson noir
De la pensée :

La Peur qui met dans les chemins
Des personnages surhumains,
La Peur aux invisibles mains,
Qui revêt l’arbre
D’une carcasse ou d’un linceul ;
Qui fait trembler comme un aïeul,
Et qui vous rend, quand on est seul.
Blanc comme un marbre.

D’où vient que parfois, tout à coup,
L’angoisse te serre le cou ?
Quel problème insoluble et fou
Te bouleverse.
Toi que la science a jauni,
Vieil athée âpre et racorni ?
— C’est le frisson de l’infini
Qui me traverse ! »

Le strident quintessencié,
Edgar Poe, net comme l’acier,
Dégage un frisson de sorcier
Qui vous envoûte !
Delacroix donne à ce qu’il peint
Un frisson d’if et de sapin,
Et la musique de Chopin
Frissonne toute.

Les anémiques , les fiévreux
Et les poitrinaires cireux,
Automates cadavéreux
A la voix trouble,
Tous attendent avec effroi
Le retour de ce frisson froid
Et monotone qui décroît
Et qui redouble.

Ils font grelotter sans répit
La Misère au front décrépit,
Celle qui rôde et se tapit
Blafarde et maigre,
Sans gîte et n’ayant pour l’hiver
Qu’un pauvre petit châle vert
Qui se tortille comme un ver
Sous la bise aigre.

Frisson de vie et de santé,
De jeunesse et de liberté,
Frisson d’aurore et de beauté
Sans amertume ;
Et puis, frisson du mal qui mord.

Frisson du doute et du remord,
Et frisson final de la mort
Qui nous consume !


Les Névroses.)


LES DEUX SOLITAIRES


« Je sais que depuis des années
Vous habitez un vieux manoir
Qui se dresse lugubre et noir
Sur des landes abandonnées ;

« Vous y vivez sans chat ni chien,
N’ayant pour toute galerie
Que votre conscience aigrie
Qui suppute et qui se souvient.

« Mais dans l’étrange solitude
Où le dégoût vous a conduit,
L’appréhension vous enduit,
Et vous mâchez l’inquiétude.

« Vous portez un poids journalier
Sur vos veilles et sur vos sommes,
Et vous n’aviez pas chez les hommes
Ce malaise particulier.

« Par ces grands espaces moroses
Où vous confrontez en rêvant
Votre figure de vivant
Avec la figure des choses,

« Il vous vient une impression
Très vague, et qui pourtant vous gêne
A mesure qu’elle s’enchaîne
A votre méditation.

« Il vous faut la lumière énorme,
Le plein midi vivace et dru
Embrasant avec son jour cru
Le bruit, la couleur et la forme ;

« Sinon plus de sécurité.
Le fantastique vous harponne :

La Nature ne vous est bonne
Qu’à travers sa diurnité.

« Quant à la Nuit, elle vous poisse
De son trouble toujours nouveau ;
Et, dès ce soir, votre cerveau
Est opprimé par une angoisse.

« Votre cœur ne peut pas dompter
Son battement qui s’accélère
Quand le soleil caniculaire
Se dispose à s’ensanglanter.

« Pendant qu’il drape les montagnes
Dans la pourpre de son trépas,
Vous surveillez devant vos pas
L’assombrissement des campagnes.

« Alors au creux de tel vallon,
En côtoyant telle ravine,
Vous avez l’oreille plus fine,
Votre regard devient plus long ;

« Au froidissement des haleines,
A la décadence des sons,
Au je ne sais quoi des frissons
Sur les hauteurs et dans les plaines,

« Vous mesurez par le chemin
L’invasion du crépuscule,
Et dès que le hibou circule
Le cauchemar vous prend la main.

« La rentrée augmente vos craintes.
Qui métamorphosent d’un coup
Votre escalier en casse-cou,
Vos corridors en labyrinthes ;

« Et puis dans votre appartement,
Dont le calme fait les magies,
Vous allumez plusieurs bougies
Pour rassurer votre tourment ;

« Or, cette précaution même
Ajoute encore à votre effroi.

Car vous songez trop au pourquoi
De l’illumination blême.

« Maintenant, sous le plafond brun
Tous ces flambeaux de cire vierge
Ont la solennité du cierge
Qui brûle au chevet du défunt ;

« La raison froide qui dissèque
Vous quitte pour le ténébreux,
Et vous trouvez louche et scabreux
L’abord de la bibliothèque.

« A cette funèbre clarté
Maint livre, derrière sa vitre,
Vous déconcerte par son titre
Evocateur d’étrangeté ;

« Un saisissement plein d’épingles
Vous prend les tempes et le dos ;
Vous épiez si vos rideaux
Ne s’écartent pas sur leurs tringles.

« Attendez donc ! Ce n’est pas tout,
Et cette vermineuse horloge
Dont le tac tac tac tac se loge
Dans tel vieux meuble on ne sait où…

« Vous ne pouvez tenir en place,
Et vous vous possédez si peu
Que vous jouez ce mauvais jeu
De vous regarder dans la glace.

« Un bruit monte et descend ; cela
Est sournois, confus, marche, cause…
Vous pourriez en savoir la cause,
Mais jamais en ce moment-là,

« Ni des caveaux pleins de cloportes,
Ni des greniers pleins de souris,
N’est-ce pas que pour aucun prix
Vous n’entre-bâilleriez les portes ?

« Vous perdez ces troubles obscurs,
Votre faiblesse les retrouve,
Et, par degrés, l’horreur qui couve
Eclate entre vos quatre murs,

« Entre vos quatre murs livides,
Qui pour vous contiennent alors
Les ténèbres de l’au-dehors
Et l’inconnu des chambres vides !…

« Hein ? Suis-je diagnostiqueur
De votre nocturne supplice ?
Je vous ai raillé sans malice,
Et je vous plains de tout mon cœur.

« Pour moi qui ramène le songe
A sa stricte irréalité,
La nuit n’est qu’une vérité
Où l’on veut trouver du mensonge.

« Donc, en mon gîte qui se ronge
De silence et de vétusté,
Ma veille avec tranquillité
Jusqu’après minuit se prolonge.

— Eh bien ! ne parlez pas si haut !
Qu’un seul frisson prenne en défaut
Votre incrédulité savante,

« Vous sentirez avec stupeur
Que vous avez peur d’avoir peur !…
D’ailleurs vous savez l’épouvante.
« Votre effroi, vous l’avouerez bien,

S’est dénoncé par la peinture
Que vous avez faite du mien ;
Oui ! vous partagez ma torture.

« Allons ! trêve au raisonnement
Du respect humain qui vous ment,
Et criez à qui vous écoute
L’humilité de votre doute,

« Puisque cette peur qui vous mord
Est l’hommage le plus intime
Que vous puissiez rendre à l’abîme
De l’Existence et de la Mort ! »


(L’Abîme.)
CHOPIN


Chopin, frère du gouffre, amant des nuits tragiques,
Ame qui fus si grande en un si frêle corps.
Le piano muet songe à tes doigts magiques,
Et la musique en deuil pleure tes noirs accords.

L’harmonie a perdu son Edgar Poe farouche,
Et la mer mélodique un de ses plus grands flots.
C’est fini ! le soleil des sons tristes se couche,
Le Monde pour gémir n’aura plus de sanglots !

Ta musique est toujours — douloureuse ou macabre
L’hymne de la révolte et de la liberté,
Et le hennissement du cheval qui se cabre
Est moins fier que le cri de ton cœur indompté,

Les délires sans nom, les baisers frénétiques
Faisant dans l’ombre tiède un cliquetis de chairs,
Le vertige infernal des valses fantastiques,
Les apparitions vagues des défunts chers ;

La morbide lourdeur des blancs soleils d’automne ;
Le froid humide et gras des funèbres caveaux ;
Les bizarres frissons dont la vierge s’étonne
Quand l’été fait flamber les cœurs et les cerveaux ;

L’abominable toux du poitrinaire mince
Le harcelant alors qu’il songe à l’avenir ;
L’ineffable douleur du paria qui grince
En maudissant l’amour qu’il eût voulu bénir ;

L’acre senteur du sol quand tombent des averses ;
Le mystère des soirs où. gémissent les cors ;
Le parfum dangereux et doux des fleurs perverses ;
Les angoisses de l’âme en lutte avec le corps ;

Tout cela, torsions de l’esprit, mal physique,
Ces peintures, ces bruits, cette immense terreur,
Tout cela, je le trouve au fond de ta musique
Qui ruisselle d’amour, de souffrance et d’horreur.

Vierges tristes malgré leurs lèvres incarnates.
Tes blondes Mazurkas sanglotent par moments,

Et la poignante humour de tes sombres Sonates
M’hallucine et m’emplit de longs frissonnements.

Au fond de tes Scherzos et de tes Polonaises,
Epanchements d’un cœur mortellement navré,
J’entends chanter des lacs et rugir des fournaises,
Et j’y plonge avec calme, et j’en sors effaré.

Sur la croupe onduleuse et rebelle des gammes
Tu fais bondir des airs fauves et tourmentés,
Et l’âpre et le touchant, quand tu les amalgames,
Raffinent la saveur de tes étrangetés.

Ta musique a rendu les souffles et les râles,
Les grincements du spleen, du doute et du remords,
Et toi seul as trouvé les notes sépulcrales
Dignes d’accompagner les hoquets sourds des morts.

Triste ou gai, calme ou plein d’une angoisse infinie,
J’ai toujours l’âme ouverte à tes airs solennels,
Parce que j’y retrouve, à travers l’harmonie,
Des rires, des sanglots et des cris fraternels.

Hélas ! toi mort, qui donc peut jouer ta musique ?
Artistes fabriqués, sans nerf et sans chaleur,
Vous ne comprenez pas ce que le grand Phtisique
A versé de génie au fond de sa douleur !


LE PIANO


Puis-je te célébrer autant que je le dois,
Cher interlocuteur au langage mystique ?
Hier encor, le chagrin, ruisselant de mes doigts,
T’arrachait un sanglot funèbre et sympathique.

Sois fier d’être incompris de la vulgarité !
Beethoven a sur toi déchaîné sa folie,
Et Chopin, cet Archange ivre d’étrangeté.
T’a versé le trop-plein de sa mélancolie.

Le rêve tendrement peut flotter dans tes sons ;
La volupté se pâme avec tous ses frissons
Dans tes soupirs d’amour et de tristesse vague ;
Intime confident du vrai musicien.

Tu consoles son cœur et son esprit qui vague
Par ton gémissement, fidèle écho du sien.