Anthologie des poètes français contemporains/Pergameni (Hermann)

Anthologie des poètes français contemporains, Texte établi par Gérard WalchCh. Delagrave, éditeur ; A.-W. Sijthoff, éditeurTome premier (p. 438-442).








Bibliographie — Principaux ouvrages littéraires : Poésies (Claassen, Bruxelles, 1871) ; — Poésies (Lebègue et Cie, Bruxelles, 1871) ; — La Closière, roman (Claassen, Bruxelles, 1873) ; — Jours d’épreuves, roman (Claassen, Bruxelles, 1874) ; Andrée, roman (Casimir Pont, Paris, 1875) ; — Le Secret de Germaine, roman (Bibliothèque Gilon, Verviers, 1879) ; — Le Feu, roman (Bibliothèque Gilon, Verviers, 1885) ; — Le Vicaire de Noirval, roman (Bibliothèque populaire, Bruxelles, 1887) ; — La Fortune de Mira Tavernier, roman (Société coopérative Le Peuple, 1887) ; — Le Mariage d’Ango, roman (Bibliothèque Gilon, Verviers, 1888). Plusieurs romans et nouvelles ont paru dans les journaux et les revues : Matra Georgyi (1871) et Secondine (1872) dans la Discussion ; Hélène Raymond (1874) dans l’Echo du Parlement ; Dans les Highlands (1876) et Claire Miramon (1884) dans la Revue de Belgique. — Principaux ouvrages scientifiques : Réforme de l’instruction criminelle préparatoire, en collaboration avec M. A. Prins (Claassen, Bruxelles, 1871) ; — Histoire des guerres des paysans (Mayolez, Bruxelles, 1880) ; — Dix Ans d’histoire de Belgique (Bibliothèque Gilon, Verviers, 1880) ; — La Révolution française (Bibliothèque Gilon, Verviers, 1889), — La Littérature française dans son développement historique (Rozez, Bruxelles, 1893) ; — Sommaire d’histoire moderne (Lebègue et Cie, Bruxelles, 1902) ; — Histoire de la littérature française (1re édition, Mayolez, Bruxelles, 1889 ; 2e édition, Lebègue et Cie, Bruxelles, 1903).

M. Hermann Pergameni a publié un très grand nombre d’études et d’articles sur diverses questions d’histoire, de droit, de littérature et d’enseignement dans divers journaux et revues. De 1870 à 1873, il a été directeur du journal progressiste La Discussion.

Né à Bruxelles le 23 avril 1844, M. Hermann Pergameni fit ses études à l’Athénée et à l’Université de cette ville. Après avoir obtenu en 1867 le grade de docteur en droit, il se fit inscrire en 1870 comme avocat à la Cour d’appel. Il fut professeur d’histoire et de géographie aux cours supérieurs pour dames de 1879 à 1901. Depuis 1880, il est professeur à la Faculté de philosophie et lettres de l’Université de Bruxelles. Il y est chargé des cours suivants : histoire de la littérature française et des principales littératures étrangères, histoire politique moderne, histoire moderne de la Belgique, géographie et histoire de la géographie. Il est membre du Conseil général de la Ligue de l’enseignement.

M. Hermann Pergameni a publié tout jeune, en 1870 et en 1871, deux volumes de vers qui ont trouvé un accueil sympathique auprès du public lettré. On y remarque une heureuse variété de sujets et de rythmes, on y découvre une âme à la fois éprise de rêve et de mystère et amoureuse de beauté plastique. L’auteur, qui manie avec aisance le vers romantique, reconnaît comme ses maîtres Victor Hugo, Lamartine, Alfred de Musset. Il s’inspire de la poésie allemande, — principalement de Gœthe et de Schiller, — et de l’antiquité romaine, grecque, assyrienne, éthiopienne. Il a la vision historique.



VOYAGEUSES DES CIEUX


Vers le soir, quelquefois, à nos pauvres yeux d’homme,
Douce et mystérieuse, une étoile, un atome,
Apparaît dans les cieux profonds ;
Et l’étoile grandit, et rayonne, et s’égrène,
Et dans les plis flottants de sa robe de reine,
Illumine en passant nos fronts.

Voyageuses des cieux aux longues chevelures,
Telles vous paraissez, lorsque vos aventures
Vous égarent dans nos déserts ;
Astres qu’on voit passer à l’horizon des mondes,
Comme on voit les vaisseaux aux grandes voiles blondes
Passer à l’horizon des mers !

Telles vous paraissez, d brillantes comètes,
Secouant dans l’éther les flammes de vos têtes
Comme un flambeau triomphateur ;
Et poursuivant toujours votre route sublime,
Votre front éclatant dans les mers de l’abîme
Va s’enfoncer comme un plongeur !

O vous qui contemplez tant de brillantes choses,
O vous qui traversez tant d’effets et de causes
Et de mystères inconnus,
Combien de faits obscurs, combien de grands problèmes
Où nos faibles esprits désespèrent d’eux-mêmes,
Qui pour vos yeux n’existent plus !

Jusqu’où donc allez-vous, mes belles voyageuses ?
Ne dépassez-vous point nos planètes poudreuses,
Odalisques du vieux soleil ?
Et, touchant aux confins du domaine solaire,
Craignez-vous d’échauffer l’espace solitaire
Aux feux de votre front vermeil ?

Non, non ! Je veux le croire, et je le crois, mes reines.
Vous ne demeurez pas en de honteuses chaînes
Dans ce petit recoin des cieux ;
Il en est parmi vous à l’humeur vagabonde,

Qui voyagent toujours, toujours, de monde en monde,
Dans l’Infini silencieux !

Et comme au sein des mers vogue un léger navire,
Qui d’îlots en îlots, au souffle du zéphire,
Poursuit toujours son cours uni ;
Telles, vaisseaux des cieux, d’étoiles en étoiles,
Vous allez fièrement, voguant à pleines voiles
Sur l’océan de l’Infini !

Oui, je crois fermement qu’une course éternelle
Vous emporte toujours dans une aire nouvelle,
O filles de l’Immensité !
Et lorsque vous passez, radieuses et fières,
Je crois voir miroiter sur l’or de vos crinières
Un reflet de l’Eternité.

Je crois que vous venez, ô belles voyageuses,
D’au delà des brouillards des pâles nébuleuses,
Ces univers au cœur de feu,
Des mondes étoilés sentinelles perdues,
Qui veillent aux confins des plaines inconnues
Où règne seul l’Eternel Dieu.

C’est pourquoi je vous aime, astres aux chevelures ;
J’aime vos fronts altiers et vos fières allures ;
J’aime vos longs panaches d’or.
Vous élevez mon âme au-dessus de la terre,
Et pendant un instant, aux champs de la lumière,
Avec vous, je prends mon essor.


(Poésies.)


LE CHANT DE MÉROÉ


EXTRAIT D’UN POÈME INTITULÉ : (I LE DÉLUGE 1)


Méroé ! Méroé ! Formons les chœurs de danse,
Et chantons les amours près des autels d’Athor !
Filles de Méroé, parmi les fers de lance,
Au rythme des sistras bondissez en cadence,
En choquant du talon vos pesants anneaux d’or !

Filles de Méroé, c’est la danse enivrante !
Secouez dans vos mains les crotals de vermeil !

Livrez au vent des cieux votre gorge brûlante,
Et tordez librement dans une ronde ardente
Vos larges flancs d’ivoire aux rayons du soleil !

Guerriers de Méroé, brandissez vos épées !
Du cliquetis des fers accompagnez vos sœurs !
Jaillissent les éclairs des lames bien trempées !
Les rois ont soif ! Du vin dans les coupes jaspées,
Du vin pour les guerriers ! Pour les femmes, des fleurs

Méroé ! Méroé ! Rois de l’Ethiopie, .
Célébrons aujourd’hui la gloire et les exploits !
Arrière les soucis, la sombre rêverie
Qui porte les regards au delà de la vie !
Nous sommes les heureux, car nous sommes les rois !

Oui, nous sommes les rois, les pasteurs de la terre !
Le monde entier gémit sous nos puissants genoux !
A nous l’espace immense et la pleine lumière,
A nous les armes d’or, à nous les chars de guerre
Qui roulent en grondant sur les sables d’Edfous !

A nous le plaisir libre et l’amour sans barrière,
A nous les aiguillons du désir indompté !
A nous la femme ardente à la folle colère,
Dont le corps onduleux, comme un corps de panthère,
Se tord sous les baisers et boit la volupté !

Méroé ! Méroé ! Formons les chœurs de danse,
Et chantons les amours près des autels d’Athor !
Filles de Méroé, parmi les fers de lance,
Au rythme des sistras bondissez en cadence,
En choquant du talon vos pesants anneaux d’or !