Anthélia Mélincourt/Les Montagnes
Béchet, (2, p. 144-148).
LES MONTAGNES.
Le lendemain les voyageurs se mirent en route. Ils suivirent le chemin des montagnes jusqu’à l’endroit où il se divisait en plusieurs branches, et prirent celui que le vicaire leur indiqua, comme n’ayant pas été parcouru. Une pente rapide de plusieurs milles, les conduisit au plus haut des monts, où l’on n’apercevait aucune trace de végétation, où le bruit de leurs pas était le seul qui se fit entendre.
C’est un sujet digue d’examen, dit sir Fax, que le rapport qui se trouve entre les scènes que nous avons sous les yeux, et le génie de la liberté. Combien l’habitant des montagnes a plus d’indépendance dans l’esprit, que le cultivateur des plaines.
— Un poëte moderne, répondit sir Forester, a observé que la mer et les montagnes, sont les deux voies de la liberté. Ce nom et celui de montagnes sont si étroitement associés, que je n’ai jamais trouvé personne qui les sépara. Dans le temps où nous vivons, les meilleurs compagnons sont les vieux livres, et on les étudie mieux dans la solitude, en présence des scènes énergiques de la nature ; que lorsque l’on a sous les yeux, les fripons qui encombrent nos villes.
— Dans mes idées, reprit sir Fax, les
connaissances ne sont utiles que par leur
résultat et leur tendance à la propagation
générale des vérités morales et politiques.
Vous ne me direz pas, sans doute, que
la solitude est ce qu’il y a de plus propre à
leur dévelopement.
— Les témoignages historiques, nous apprennent que la solitude a produis les effets les plus salutaires sur l’esprit de quelques-uns des grandshommes qui on honoré l’humanité.
— La pureté de l’air de la campagne,
la verdure, et le soleil ont la plus heureuse
influence sur les facultés morales et intellectuelles.
Je suis très-loin de vouloir le
nier ; mais il y a une très-grande différence
entr’elles et l’association du génie
de la liberté, avec la solitude des montagnes.
Cherchez dans le monde ce que
les montagnards ont fait pour la liberté ?
En quels lieux leur voix s’est-elle poétiquement
élevée pour s’opposer aux oppresseurs ?
Les montagnards sont, pour
la plupart, stupides et ignorans. La stupidité
est voisine de la superstition, et
l’ignorance est toujours punie par l’esclavage.
— Vous me direz, sans doute, reprit Forester, que les noms d’Hampden et de Milton, sont associés aux plaines de Buckinghamshire, et je ne puis pas me rappeler maintenant, les noms des vrais amis de la liberté qui sont associés aux rochers escarpés du Cumberland. Nous avons vu des hordes de poëtes faire raisonner, dans les montagnes, les cordes de leur harpes, en l’honneur de la liberté et de la vérité ; et maintenant ces harpes vendues à l’orgueil du luxe et du pouvoir, sentent frémir leurs cordes sous les doigts des apôtres de la superstition.
— Tout ce que je puis dire, répondit sir Fax, c’est qu’il n’y a rien dans la nature des montagnards, qui sente la liberté ; les ignorans sont esclaves mêmes, s’ils habitent les andes, et les sages seront toujours libres, en cultivant des savannes. Qu’y a-t-il de plus stupide et de plus servile, que le suisse que vous trouvez, comme un meuble, à la porte de tous les hommes riches.
— Il y a quelque justice dans votre observation ; néanmoins, il faut convenir que la vue des montagnes inspire des sentimens d’énergie et de liberté à ceux qui en ressentent la magie ; bien plus que l’air corrompu que nous respirons.