Annales de pomologie belge et étrangère/Pommes Court-Pendus



Court-Pendu.
1o  Rosat. 2o  Vert. 3o  Blanc. 4o  De Tournay.

Pommes Court-Pendus.


Nous présentons ici, en un même groupe, les principales variétés de l’intéressante famille des Court-pendus ; et bien que nous y fassions figurer un plus grand nombre de variétés qu’on n’en trouve généralement dans de riches pépinières, la liste aurait pu être bien plus nombreuse encore ; c’est un cadre appelé, croyons-nous, à prendre de plus en plus amples proportions. Chaque jour cette espèce est mieux appréciée, propagée dans nos vergers sur une plus grande échelle ; et les semis sont continués avec un intérêt toujours croissant.

Il convient d’abord de s’entendre sur les caractères qui la distinguent : tâche nouvelle et délicate, mais utile, nécessaire même ; ce qui nous impose l’obligation de l’essayer.

Un pédoncule très-court, — une forme obronde déprimée aux deux pôles, — une chair fine, ferme, cassante et plus ou moins acidulée ; tels sont, à nos yeux, les traits essentiels qui impriment un cachet spécial à ce groupe.

Le type, c’est l’ancien Capendu de la Quintinie et de Duhamel, que l’on désigne assez généralement aujourd’hui du nom de Court-pendu plat ou rouge, nom qu’il doit bien évidemment à son pédoncule si court, qu’il dépasse à peine la cavité qui le renferme. On le trouve encore dans plus d’un verger, où il se reconnaît aisément à sa forme globuleuse, aplatie, à son œil ouvert et cave, à sa chair ferme et acidule, aux teintes rouges ou rougeâtres, et enfin aux tiquetures fauves de sa peau, que le soleil colore d’un rouge plus intense.

Duhamel, qui ne mentionne que cette variété ancienne, ainsi que Noisette, Couverchel et autres, n’a pu se procurer, à ce qu’il semble, qu’un spécimen assez imparfait. Il la représente comme petite, à queue assez longue, tandis que ce fruit, on le sait, est de grosseur moyenne et à pédoncule toujours très-court. Il ne lui accorde aussi qu’une assez médiocre estime. C’était justice peut-être pour la pomme défectueuse, dégénérée, qu’il a pu connaître, mais le fruit qui porte le nom de court-pendu rouge dans nos provinces méridionales, y jouit encore d’une haute faveur, quelquefois d’une prédilection presque exclusive dans certains vergers. Quels sont donc ses titres de recommandation ? Sa facile et très-longue conservation, et surtout sa constante fertilité, due à sa floraison plus tardive, qui lui permet d’affronter les intempéries si souvent funestes aux autres variétés. Toutefois, l’ancien type tend à disparaître dans nos provinces wallonnes pour faire place à des variétés dues à un hasard heureux ou à des semis intelligents et persévérants.

Le consciencieux pomologue hollandais Knoop, qui écrivait vers le milieu du siècle dernier, et que l’on consulte souvent encore avec profit, surtout en matière de pommes, connaissait déjà trois sortes de court-pendus, le rouge, le gris et le blanc. Nous en possédons aujourd’hui un nombre plus considérable ; mais, comme le sol, la culture, l’exposition influent très-notablement sur la qualité, le volume et le coloris des divers court-pendus, leur classement présente quelques difficultés et demande un peu de circonspection.

L’ancien court-pendu, régénéré, perfectionné par le semis, a donné naissance au

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I. — Court-pendu Rosat.
Synonymie : Court-pendu rose.

Ce beau fruit, d’une grosseur au-dessus de la moyenne (6 centimètres de hauteur sur 8 de diamètre), ressemble au précédent par sa forme sphéroïdale, déprimée aux deux extrémités.

Le calice, ouvert, à divisions courtes, caduques d’ordinaire, est placé dans une cavité cupuliforme profonde, spacieuse, d’une déclivité assez régulière.

Le pédoncule est parfois charnu, toujours fort court ; il est implanté dans un enfoncement infundibuliforme, profond et ombré de roux-clair.

La chair est blanche, fine, dense, juteuse, d’une saveur sucrée, vineuse, agréablement acidulée, et relevée d’un léger parfum de rose.

Les loges sont fort étroites et contiennent un petit nombre de pepins ovoïdes, d’un brun foncé.

L’épiderme, d’abord vert-clair, jaunit vers la maturité ; il est marqué de points gris, de forme stellulée ou triangulaire pour la plupart ; il est ombré de roux-clair autour du pédoncule ; la face, exposée aux rayons solaires, est comme vernissée de rouge-vif bariolé de rouge plus foncé, et finement striée, vers l’œil, de lignes transversales nombreuses.

Ajoutons que l’arbre a une croissance vigoureuse, devient fort grand, et fructifie de bonne heure et régulièrement. Faut-il, après cela, s’étonner de la haute faveur dont jouit chez nous cet excellent fruit ? Son nom est en effet des plus populaires parmi nos amateurs de vergers, d’autant que son débit avantageux sur nos marchés, procure à bon nombre d’entre eux un notable accroissement de revenu.

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II. — Court-pendu vert.
Synonymie : Pomme d’Anjou.

Cette pomme, de moyenne grosseur (7 centimètres de diamètre sur 5 de hauteur), irrégulièrement arrondie, déprimée aux deux pôles, se distingue aisément de ses congénères par son épicarpe vert-herbacé, devenant d’un jaune-verdâtre à la maturité, ponctué de gris-roux, parfois très-légèrement panaché de rouge-sanglant, et ombré de gris autour du pédoncule.

Le calice large, ouvert, à divisions verdâtres, cotonneuses, est placé dans une cavité très-profonde, évasée et bosselée à son orifice, où elle mesure 25 à 30 millimètres de diamètre.

Le pédoncule est grêle et court.

La chair, d’un blanc un peu verdâtre, est ferme, cassante d’abord, mais devient plus tard, à l’époque d’une complète maturité, tendre et moelleuse.

Ce fruit, moins bon, plus aigrelet que les précédents, a le précieux mérite de se conserver fort avant dans la saison, et de supporter impunément les longs transports que sa rusticité lui fait aisément braver. Il a donc des titres incontestables à figurer honorablement dans tous les vergers.

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III. — Court-pendu gris.

Fruit assez gros, mesurant 5 centimètres de hauteur sur 7 à 8 de diamètre, irrégulièrement arrondi, fortement bosselé et déprimé aux deux pôles, où se dessinent des éminences plus ou moins prononcées, vers la base en particulier.

Calice ouvert, à divisions brunâtres, cotonneuses, placé dans une spacieuse cavité cupuliforme.

Pédoncule, fort court, implanté dans une sorte d’entonnoir étroit et profond.

Épiderme mince, d’abord vert-clair, plus tard gris-jaunâtre et finalement jaune-terne. Il est ombré de roux autour du pédoncule, et stellulé, — non uniformément, mais par groupes, — de points gris-roux et brun-violacé.

Chair blanche, fine, ferme, d’un goût sucré-acidulé, qui rappelle assez celui de la Reinette grise.

Cette pomme, dans les circonstances les plus favorables de terrain et d’insolation, a dû à sa belle couleur jaune le nom de Court-pendu doré, qu’on lui donne quelquefois.

Elle mûrit en décembre, se garde fort tard, et convient parfaitement à tous les emplois économiques.

L’arbre, qui est vigoureux, touffu, d’une grande fertilité, ne prospère que dans un bon sol qui ne soit pas trop humide.

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IV. — Court-pendu de Tournay.

Cette pomme est réputée en Belgique l’un des plus heureux gains des habiles horticulteurs tournaisiens. Sans pouvoir garantir cette origine, nous osons du moins la proclamer sans rivale parmi les court-pendus. Aussi a-t-elle été placée au rang des meilleures Reinettes par nos voisins de l’est et du midi, qui la connaissent sous le nom de Reinette d’Orléans.

Cueillie le plus tard possible et conservée dans un lieu frais, elle ne se fane que vers le printemps. Elle peut donc, toujours assurée d’un accueil distingué, figurer sur nos tables jusque fort avant dans la saison.

De plus, l’arbre est sain, vigoureux, fertile sans alternance, et plaît à l’œil par ses belles proportions.

Le court-pendu de Tournay a beaucoup de ressemblance avec le précédent, toutefois avec plus de variations dans la forme, qui se rétrécit vers le sommet, tandis que la base présente un renflement prononcé.

Le calice, ouvert, à divisions en partie caduques, est placé dans une cavité moyenne, dont le diamètre ordinaire est de 22 millimètres, et dont le fond reste d’un beau vert, même quand le fruit est bien mûr.

Le pédoncule, court et assez fort, est planté dans une cavité infundibuliforme régulière, étroite à sa base, laquelle s’élargit assez brusquement.

La chair est d’un blanc-crémeux, tendre, fine, mi-cassante, juteuse, d’un goût sucré, suave, aromatique, relevé d’un léger acide-citron superfin.

Ce pommier doit trouver place dans tous les jardins, mais, autant que possible, dans un sol riche et à une bonne exposition.

Nous nous occuperons ultérieurement du court-pendu dit Royal. Selon quelques pomologues, il mériterait ce nom à raison de sa grosseur et de sa rare distinction. M. Dittrich, qui le croit originaire de Hollande, lui attribue une certaine ressemblance avec le fromage bien connu de ce même pays.

Quant à l’excellente pomme qu’on nomme assez fréquemment Court-pendu Bardin, nous y voyons, avec la Quintinie, un véritable Fenouillet, et nous nous réservons d’en traiter sous le nom de Fenouillet rouge.

C. Aug. Hennau.