Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 15/Statique, article 3

§. II.

Avant d’aller plus loin, nous tirerons des équations (2) quelques conséquences relatives à la statique.

Et d’abord : Si des forces respectivement parallèles aux côtés d’un polygone rectiligne fermé, plan ou gauche, et proportionnelles aux longueurs de ces côtés, sont appliquées à un même point de l’espace, elles se feront équilibres. En effet, si plusieurs forces proportionnelles aux longueurs et dont les directions sont déterminées par les angles sont appliquées à un même point de l’espace, les conditions connues de leur équilibre ne seront autres que les équations (2).

Il résulte de ce théorème que, des forces d’intensité et de directions quelconques étant appliquées à un même point de l’espace, si l’on décrit, dans l’espace, un polygone ouvert dont les côtés soient respectivement parallèles et proportionnels à ces forces, la droite qui fermera le polygone sera parallèle et proportionnelle à leur résultante.

Et, comme les mêmes forces appliquées à un même point ne sauraient avoir qu’une seule et même résultante, dans quelque ordre d’ailleurs qu’on les combine, il faut en conclure que, si deux polygones ouverts ont un même nombre de côtés égaux et parallèles chacun à chacun ; dans quelque ordre d’ailleurs que se succèdent ces côtés, dans les deux polygones, les droites qui les formeront seront égales et parallèles.

On voit, par ce qui précède, que la plupart des théorèmes que nous démontrerons, sur les polygones rectilignes, pourront s’appliquer immédiatement à la composition et à la décomposition des forces autour d’un même point.

Par des points pris à volonté dans l’espace, en nombre égal à celui des sommets du polygone, soient menées des droites respectivement parallèles et proportionnelles à ses côtés Soient les extrémités de ces droites ; en représentant par le rapport donné, on aura

d’où, en ajoutant les équations d’une même colonne et ayant égard aux équations (2),

Ces équations signifient que le centre commun de gravité des points coïncide avec celui des points

Donc, Si par des points pris à volonté, dans l’espace, on mène des droites respectivement parallèles et proportionnelles aux côtés d’un polygone rectiligne fermé quelconque, plan ou gauche ; le centre de gravité d’un système de poids égaux sera le même, soit que ces poids se trouvent situés aux points où ces droites se terminant ou qu’on les place à leurs points de départ.

En supposant que les points de départ sont pris respectivement sur les directions des côtés du polygone, on conclura de là que, Si des poids égaux, placés d’abord arbitrairement sur les directions des côtés d’un polygone rectiligne fermé quelconque, plan ou gauche, parcourent simultanément et dans le même sens, sur ces directions, des longueurs respectivement proportionnelles à celles de ces mêmes côtés ; leur centre commun de gravité demeurera immobile[1].

Si l’on suppose, au contraire, que toutes ces droites émanent d’un même point quelconque de l’espace ; comme ce point sera à lui-même son centre de gravité, on conclura de la même proposition générale que, Si, par un point quelconque de l’espace, on conduit des droites parallèles et proportionnelles aux côtés d’un polygone rectiligne fermé quelconque, plan ou gauche, ce point sera à centre commun de gravité d’un système de masses égales placées aux extrémités de ces droites.

Cette dernière proposition, combinée avec la première du présent §., donne la suivante : Un point autour duquel des forces dirigées d’une manière quelconque dans l’espace se font équilibre est le centre commun de gravité de masses égales placées aux extrémités des droites qui, partant de ce point, représentent ces forces en intensité et en direction.

Et comme, lorsque des forces ne se font pas équilibre autour d’un point, il suffit, pour établir l’équilibre dans le système, d’y introduire une force égale et directement opposée à leur résultante, il en faut conclure que, Lorsque des forces agissent dans des directions quelconques sur un même point de l’espace, 1.o le centre des moyennes distances des extrémités des droites qui représentent ces forces en intensité et en direction est un point de la direction de leur résultante ; 2.o cette résultante est représentée en intensité par autant de fois la distance de ce centre au point d’application des forces qu’il y a de composantes dans le système[2].

Maintenant, par les mêmes points menons encore des droites respectivement parallèles aux côtés du polygone, mais d’une même longueur quelconque  ; en désignant leurs extrémités respectives par nous aurons

Prenant successivement la somme des produits respectifs des équations de chaque colonne par en ayant égard aux équations (2), il viendra

d’où on conclut ce théorème : Si, par des points pris à volonté dans l’espace, on mène des droites d’une même longueur quelconque, respectivement parallèles aux côtés d’un polygone rectiligne fermé quelconque, plan ou gauche, le centre de gravité d’un système de poids respectivement parallèle aux longueurs de ces côtés sera le même, soit que ces poids soient situés aux points où ces droites se terminant, ou qu’on les place à leurs points de départ.

En supposant que les points de départ soient pris respectivement sur les directions des côtés du polygone, on conclura de là que, Si des poids respectivement proportionnels aux longueurs des côtés d’un polygone rectiligne fermé quelconque, plan ou gauche, et placés arbitrairement sur les directions de ces côtés, y parcourent simultanément et dans le même sens des longueurs égales quelconques, leur centre commun de gravité demeurera immobile[3].

Si l’on suppose, au contraire, que toutes ces droites émanent d’un même point quelconque de l’espace, comme ce point sera à lui-même son centre de gravité, on conclura de la même proposition générale que, Si, dans une sphère, on mène des rayons parallèles aux côtés d’un polygone rectiligne fermé quelconque, plan ou gauche, et qu’on place aux extrémités de ces rayons des poids respectivement proportionnels aux longueurs des côtés auxquels ils sont parallèles ; leur centre commun de gravité coïncidera avec le centre de la sphère.

  1. C’est là l’un des deux théorèmes de statique énoncés à la page 391 du XlV.e volume des Annales, et déjà démontré à la page 129 du présent volume.
    J. D. G.
  2. C’est le théorème énoncé à la page 372 du présent volume. M. Gerono remarque qu’il en résulte que, si plusieurs systèmes de forces, concourant en divers points de l’espace, sont composés de forces représentées en intensité et en direction par les distances de ces points à un certain nombre de points fixes, les résultantes de ces systèmes se croiseront toutes au centre des moyennes distances de ces derniers points.

    Si l’on suppose ensuite que ces points de concours des composantes sont infiniment éloignés, on retombe sur le théorème relatif au centre des forces parallèles, du moins pour le cas où ces forces sont égales.

    J. D. G.
  3. C’est l’autre théorème de statique de l’endroit déjà cité.
    J. D. G.