Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 12/Géométrie transcendante, article 1

ANNALES
DE MATHÉMATIQUES
PURES ET APPLIQUÉES.

GÉOMÉTRIE TRANSCENDANTE.

Mémoire sur le parallélisme des lignes et surfaces courbes ;

M. Crelle, docteur en philosophie, membre
du conseil supérieur des bâtimens de la Prusse.
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1.

Si, par tous les points d’une ligne droite ou d’un plan, et d’un même côté, on lui élève des perpendiculaires de même longueur, le lieu des extrémités supérieures de ces perpendiculaires sera, comme l’on sait, une autre ligne droite ou un autre plan, parallèle à la droite ou au plan donné.

Si pareillement, par tous les points d’une courbe plane ou d’une surface courbe, on lui élève, d’un même côté, des normales de même longueur, le lieu géométrique des extrémités supérieures de ces normales sera une autre courbe plane ou une autre surface courbe que, par analogie, on sera conduit à considérer comme parallèle à la courbe ou à la surface donnée ; et l’analogie conduira également à considérer la relation de parallélisme comme une des plus simples qui puisse exister entre deux courbes et deux surfaces courbes, puisque celle même relation est la plus simple que l’on puisse concevoir entre deux lignes droites ou deux plans.

Cependant la théorie du parallélisme des lignes et surfaces courbes a été jusqu’ici peu approfondie. On connaît les équations différentielles qui expriment le rapport mutuel des coordonnées d’une ligne courbe, parallèle à une autre courbe proposée ; et l’on peut trouver, à l’aide de ces équations, l’équation de la parallèle même, dans tous les cas. On a fait aussi des applications de ces équations générales à plusieurs courbes ; mais la théorie générale des courbes parallèles dans un plan et celle des surfaces parallèles, soit entre elles, soit à des lignes à double courbure, théorie qui doit embrasser le contact, l’osculation, la rectification, le calcul des aires, etc., reste encore à compléter.

Je viens de trouver quelques théorèmes relatifs à cette théorie, et qui m’ont paru remarquables par leur élégance et leur généralité absolue. Je me propose de les présenter brièvement ici, en abandonnant au lecteur le soin des développemens ultérieurs.

2.

Mais, avant d’entrer en matière, qu’il me soit permis de placer ici une observation.

On n’ignore pas que c’est le calcul différentiel ordinaire, le calcul aux différences partielles, leur système de signe et l’art de les appliquer à la géométrie, qui servent de base aux recherches de la nature de celles que j’ai en vue. Cependant, j’ai la ferme persuasion que l’application de ce calcul à la géométrie, d’après la considération de l’infini, est mal fondée, et que les signes adoptés pour ce même calcul ne sont pas bien choisis. Non seulement je partage ces opinions avec les illustres géomètres qui les ont développées d’une manière si lumineuse, mais j’ai prouvé en outre, dans mon Essai sur le calcul des quantités variables (Vandenhoek et Ruprecht ; Göttingue, 1813, tom. I), qu’on n’a pas le droit de choisir arbitrairement les signes ultérieurs, dès qu’une fois les signes primordiaux ont été établis ; et, dans un autre petit Traité sur l’application du calcul des variables à la géométrie et à la mécanique, j’ai montré que toutes les applications du calcul se font, sans le moindre secours de l’idée des quantités infinies, avec la même rigueur que les anciens exigeaient dans la géométrie, et que Lagrange a mise dans sa théorie des contacts. Je suis encore revenu sur cette matière dans le premier volume de mon Recueil de traités sur divers sujets mathématiques qui va paraître. Si donc, malgré tout cela, je me sers ici des signes vulgaires et des quantités infinitésimales, ce n’est de ma part ni contradiction ni désaveu tacite de mes principes ; mais, ne pouvant présumer que les divers traités que je viens de citer, tous publiés en allemand, soient fort connus en France, en adoptant ici les doctrines qui y sont exposées, je n’aurais pu être compris de la plupart des lecteurs, à moins de faire précéder le présent mémoire d’une introduction qui lui aurait fait excéder de beaucoup les bornes dans lesquelles je dois m’efforcer de le renfermer.

Après cette courte explication, j’entre en matière.

Du parallélisme des courbes dans un plan.
3.

La première recherche qui doit nous occuper ici est celle d’une courbe parallèle à une courbe donnée qui en soit distante d’une quantité donnée.

Soient les coordonnées de la courbe donnée, celle de la courbe cherchée, et à la longueur commune des normales à la première terminées à la seconde. Soit un point de la première courbe ; et soit le point correspondant de la seconde ; l’équation de la normale à la première courbe, au point particulier que l’on considère sera, comme l’on sait,

puis donc que le point est sur cette normale, et à une distance de son point de départ, on doit avoir, à la fois,

ou, en supprimant les accens, désormais inutiles,

équations qui résolvent le problème.

Si, en effet, on veut mener à une courbe, donnée par une équation en et une courbe parallèle qui en soit distante de la quantité de la différentielle de l’équation donnée, on tirera la valeur de pour la substituer dans l’équation (1), ce qui donnera une première équation finie entre l’équation (2) en sera une seconde, et la proposée sera la troisième. Éliminant donc entre ces trois équations, l’équation résultante en et sera celle de la courbe cherchée.

Pour premier exemple ; supposons que la ligne donnée, à laquelle on veut mener une parallèle à la distance soit une droite déterminée par l’équation

on en tirera, par différentiation,

substituant cette valeur dans l’équation (1), elle deviendra

d’un autre côté, l’équation de la droite donnée peut être écrite ainsi :

De ces deux dernières équations, on tire

valeurs qui, substituées dans l’équation (2), donnent, après l’extraction de la racine quarrée, pour l’équation de la parallèle cherchée à la droite donnée,

Cette équation est double, parce qu’en effet à une droite donnée dans un plan, on peut mener deux parallèles qui en soient distantes d’une quantité donnée.

Donnons encore un exemple, et soit, la ligne donnée, un cercle rapporté à des coordonnées que, pour plus de simplicité, nous supposerons rectangulaires et ayant son centre à l’origine ; soit l’équation de ce cercle

on en tirera, par différentiation

au moyen de quoi l’équation (1) deviendra

qui, combinée avec l’équation (2), donnera

c’est-à-dire,

d’où

en substituant donc ces valeurs dans l’équation du cercle donné, on obtient pour celle de la courbe cherchée

équation d’un autre cercle, concentrique au premier, et ayant un rayon égal au sien, augmenté ou diminué de la longueur donnée

4.

On voit donc que le parallélisme des droites et celui des cercles sont réciproques ; c’est-à-dire que, si l’une de ces deux lignes est parallèle à une autre ligne de même dénomination, celle-ci sera, à l’inverse, parallèle à la première ; mais rien ne prouve, à priori, qu’il en doive être de même pour toutes les courbes, du moins en général ; c’est-à-dire que nous ne savons pas encore si, en élevant des normales égales d’un même côté par tous les points d’une courbe donnée quelconques, ces normales le seront aussi à la courbe qui joindra leurs extrémités, ou, ce qui revient au même, si les tangentes aux points correspondans des deux courbes seront parallèles.

Tout se réduit évidemment à comparer l’un à l’autre les deux coefficiens différentiels

qui déterminent l’inclinaison de ces tangentes sur l’axe des et ce serait une chose très-facile, si l’on avait les équations des deux courbes ; mais on ne peut les avoir que pour des cas particuliers ; et, en se tenant dans les généralités, on n’a, entre les points correspondans des deux courbes, que les seules relations (1, 2). Voici comment on peut facilement parvenir à éluder cette difficulté.

Quelle que soit la courbe donnée, par le seul fait de l’existence de cette courbe, se trouve être une fonction de mais, par la relation constante entre les points correspondans des deux courbes, et sont, l’un et l’autre, fonctions de et donc peuvent être considérés tous trois comme des fonctions de

En différentiant sous ce point de vue l’équation (2), on trouve

en élimment entre celle-ci et l’équation (1) disparaîtra de lui-même et il viendra, en réduisant

d’où

(3)

donc le parallélisme est généralement réciproque pour toutes les courbes.

Au moyen de l’équation (3), les équations (1, 2) peuvent être mises sous cette forme

et elles ne différent alors de celles-là qu’en ce que et s’y trouvent respectivement changés en et et réciproquement ; on déterminera donc la première courbe au moyen de la seconde par un calcul tout pareil à celui qui sert à déterminer la seconde à l’aide de la première.

5.

Occupons-nous présentement de la relation entre les rayons de courbure des points correspondans des deux courbes. Mais cherchons d’abord la relation entre les coefficiens différentiels du second ordre.

Dans l’hypothèse actuelle, on a, en vertu de l’équation (3),

mais, en différentiant l’équation (1), il vient

nous avons d’ailleurs trouvé tout à l’heure

ce qui donnera en substituant

d’où

substituant cette valeur dans celle de elle deviendra

et telle est la relation cherchée.

Cela posé, en élimment entre les équations (1, 2), on a

en conséquence de quoi la valeur de devient

donc, en vertu de l’équation (3),

ou encore

mais, en représentant par le rayon de courbure de la courbe dont les coordonnées sont et par celui de la courbe dont les coordonnées sont et on a

donc finalement

(4)

c’est-à-dire, que la différence des rayons de courbure des points correspondans de deux courbes parallèles est constante et égale à la longueur du segment de la normale commune interceptée entre les deux courbes ; d’où il est facile de conclure que les points correspondans de deux courbes parallèles ont le même centre de courbure.

6.

Les propositions établies dans les deux articles précédens auraient pu, au surplus, être facilement déduites de la théorie connue des développées. Lorsqu’en effet une courbe est donnée, sa développée l’est aussi ; et, en supposant un fil qui la développe, l’un des points de ce fil décrira la courbe proposée, et la direction de ce même fil sera normale à cette courbe dans tout le mouvement. Que, si l’on considère sur ce fil un second point éloigné du premier de la quantité il est clair, suivant les définitions que nous avons adoptées, que ce point décrira une courbe parallèle à la première.

Or, on voit, 1.o que les normales seront communes aux deux courbes ; 2.o qu’elles auront en leurs points correspondans le même centre de courbure ; 3.o que par conséquent leurs rayons de courbure en ces mêmes points différeront constamment de la quantité mais il pouvait n'être pas sans intérêt de montrer comment l’analise conduit à tous ces résultats, sans rien emprunter de la théorie des développées.

7.

Passons à la considération des longueurs des arcs correspondant des deux courbes. Soient un arc quelconque de la première, et l’arc correspondant de la seconde ; nous aurons

et nous aurions pareillement

si nous considérions comme fonction de variable indépendante ; mais, en considérant et comme fonctions de et nous rappelant en outre de la relation (3), il faudra écrire

or, nous venons de trouver tout-à-l’heure

donc, en substituant,

mais


donc finalement

En intégrant cette équation, il viendra

dans cette intégrale, est l’angle que fait la tangente à la courbe avec l’axe des de sorte qu’en désignant par l’arc qui le mesure, et dont Le rayon est égal à l’unité, on aura

Si donc on désigne par et les valeurs de qui répondent aux deux extrémités de l’arc que l’on considère en particulier, on aura pour l’intégrale, prise entre ces limites,

(5)

C’est l’expression de l’arc d’une parallèle à une courbe donnée, si la longueur de l’arc, correspondant de cette dernière, est et si est la distance entre l’une et l’autre.

Dans cette formule, qui est la différence des angles que forment avec l’axe des les tangentes aux deux extrémités de l’arc, est en même temps la différence des angles que forment les normales à ces mêmes extrémités avec la même droite ; t’est donc l’angle que forment entre elles ces deux normales ; d’où il suit que est la longueur de l’arc de cercle qui, ayant pour rayon, mesurerait l’angle de ces normales ; on a donc cet élégant théorème :

La différence des longueurs de deux arcs de courbes parallèles, compris entre les deux mêmes normales est égale à la longueur d’un arc de cercle compris entre ces mêmes normales, décrit de leur point de concours comme centre avec un rayon égal à la distance constante entre les deux courbes.

Si l’une des courbes était fermée, à la manière des ellipses, l’autre le serait également ; et, si l’on voulait les considérer dans toute leur étendue, l’angle des normales extrêmes serait alors égal à quatre angles droits ; donc la différence des longueurs de deux courbes parallèles fermées est égale à la circonférence d’un cercle qui aurait pour rayon la distance constante entre les deux courbes.

Donc, en particulier, la différence des circonférences de deux cercles concentriques est une autre circonférence qui aurait pour rayon la différence des leurs. C’est, en effet, ce qui se vérifie facilement, puisqu’en désignant par et les rayons des deux cercles, on a Il est, au surplus, facile de voir qu’il en serait de même pour des arcs des deux cercles compris entre les mêmes rayons ; c’est-à-dire, que leur différence serait l’arc du troisième cercle compris entre ces rayons.

En considérant donc les deux courbes comme engendrées par leur développée commune, ceci pourra servir à démontrer, sans calcul, le théorème ci-dessus. On voit, en effet, que les deux points décrivans du fil développant tracent, à chaque instant, de petite arcs de cercles semblables et concentriques, dont la différence est un troisième arc semblable et concentrique, ayant pour rayon la différence des leurs ; d’où il suit que la différence entre la somme des uns et celle des autres ; c’est-à-dire, la différence entre les arcs correspondans des deux courbes, doit être telle que l’annonce le théorème.

On peut encore observer, d’après ce qui précède, que si, entre nos deux courbes parallèles, on en décrit une troisième qui passe par les milieux des portions de normales interceptées entre elles, cette courbe que, pour cela, nous nommerons la courbe aux centres ; sera nécessairement parallèle à l’une et à l’autre ; en outre, sa longueur sera moyenne arithmétique entre les leurs, puisque les différences de cette longueur, avec celles des deux autres courbes, seront deux arcs de cercles égaux. Ainsi, la longueur de la courbe aux centres, entre les normales qui terminent deux arcs de courbes parallèles, est égale à la demi-somme de ces arcs.

8.

Occupons-nous présentement de la mesure de la surface comprise entre les arcs correspondans de deux courbes parallèles et les normales à leurs extrémités, surface que nous désignerons par

Considérons l’élément de cette surface compris entre deux normales infiniment voisines ; cet élément est la différence entre deux secteurs circulaires concentriques ayant et pour bases et dont les rayons respectifs sont et d’où il suit qu’on doit avoir

ou plutôt

mais, en supposant nous avons trouvé

substituant donc et réduisant, on aura

mais

en substituant donc, nous aurons

ce qui donne, en intégrant,

en faisant, comme ci-dessus, il viendra

Si, de plus, on désigne par et les valeurs de aux extrémités de l’arc on aura, entre ces limites,

(6)

or, il est aisé de voir que exprime l’aire du secteur circulaire qui, ayant son centre au point de concours des normales extrême, et étant compris entre ces normales, aurait pour rayon la distance constante entre les deux courbes, tandis que exprime l’aire d’un rectangle qui, ayant pour base la courbe extérieure, aurait pour hauteur cette même distance constante ; on a donc ce théorème :

L’aire du trapèze mixtiligne compris entre les arcs correspond dans de deux courbes parallèles et les normales à leurs extrémités est égale à faire d’un rectangle qui, ayant pour base l’arc extérieur, aurait pour hauteur la distance constante entre les deux courbes, moins l’aire d’un secteur circulaire qui, ayant son centre au point de concours des normales extrêmes, et étant compris entre ces normales, aurait son rayon égal à cette même distance constante.

Ayant trouvé ci-dessus

il en résulte

ce qui donne, en substituant et réduisant,

(7)

c’est-à-dire,

L’aire du trapèze mixtiligne compris entre les arcs correspondans de deux courbes parallèles et les normales à leurs extrémités est égale à l’aire d’un rectangle qui, ayant pour base l’arc intérieur, aurait pour hauteur la distance constante entre les deux courbes, plus l’aire d’un secteur circulaire qui, ayant son centre au point de concours des normales extrêmes, et étant compris entre ces normales, aurait son rayon égal à cette même distance constante.

En prenant la demi-somme de ces deux expressions de il vient

mais, est la longueur de la courbe aux centres ; donc aussi

L’aire du trapèze mixtiligne compris entre les arcs correspondans de deux courbes parallèles et les normales à leurs extrémités, est égale à l’aire du rectangle qui, ayant pour base la longueur de l’arc de la courbe aux centres compris entre les mêmes normales, aurait pour hauteur la distance constante entre les deux courbes extrêmes.

Tous ces résultats peuvent, au surplus, être obtenus sans le moindre calcul. En considérant le trapèze élémentaire compris entre deux normales infiniment voisines, on voit que son aire est la parallèle à ses deux bases également distante de l’une et de l’autre, c’est-à-dire l’arc de la courbe aux centres intercepté, multiplié par sa hauteur, c’est-à-dire, par la distance constante entre les deux courbes extrêmes ; prenant donc la somme de tous les produits de cette sorte, à cause du second facteur qui est constant, on tombera sur notre dernier théorème, d’où il sera facile ensuite de déduire les deux qui le précèdent.

Dans le cas de deux courbes parallèles entièrement fermées, comme seraient deux ellipses, l’angle des normales extrêmes étant égal à deux angles droits, on voit que l’espace compris entre elles a pour mesure le rectangle qui, ayant pour base la courbe enveloppante, aurait pour hauteur la distance entre les deux courbes, moins le cercle qui aurait cette même distance pour rayon ; ou bien le rectangle qui, ayant pour base la courbe enveloppée et même hauteur que le premier, augmenté de ce même cercle.

Du parallélisme des surfaces courbes.
9.

Pour suivre la même marche que nous avons observée dans la théorie des courbes planes parallèles, voyons, en premier lieu, comment nous déterminerons une surface parallèle à une surface donnée qui en soit distante d’une quantité donnée. Soient les coordonnées de la surface donnée, celles de la surface cherchée, et la longueur commune des normales à la première terminées à la seconde. Soit un point de la première courbe ; et soit le point correspondant de la seconde ; les équations de la normale à la première courbe, au point particulier que l’on considère seront, comme l’on sait,

puis donc que le point doit être sur cette normale, et à une distance de son point de départ, on doit avoir, à la fois,


ou, en supprimant les accens, désormais inutiles,


équations qui résolvent le problème.

Si, en effet, une surface est donnée, par une équation en en différentiant successivement cette équation, par rapport aux deux variables indépendantes et on en tirera les valeurs de et qui pourront être substituées dans les équations (1, 2) ; joignant les équations résultantes à l’équation (3) et à l’équation de la surface proposée, on aura en tout quatre équations, entre lesquelles élimment l’équation résultante, en sera celle de la surface demandée.

Pour premier exemple, supposons que la surface à laquelle on veut mener une surface parallèle à la distance soit un plan donné par l’équation

on en tirera, par différentiation,

au moyen de quoi les équations (1, 2) deviendront

mais l’équation du plan donné peut être mise sous cette forme

de celle-ci et des deux qui la précède, on tire

substituant donc, dans l’équation (3), on obtiendra, pour l’équation de la surface parallèle cherchée

équation commune à deux plans, comme on pouvait bien s’y attendre.

Soit encore la surface donnée une sphère, rapportée à des coordonnées rectangulaires, et ayant son centre à l’origine ; son équation sera

d’où

au moyen de quoi les équations (1, 2) deviennent

et donnent, en les combinant avec l’équation (3),

c’est-à-dire,

d’où

en substituant donc ces valeurs dans l’équation de la sphère donnée, ou obtient, pour celle de la surface cherchée

équation d’une autre sphère, concentrique à la première, et ayant un rayon égal au sien, augmenté ou diminué de la longueur k.

10.

Le parallélisme est donc réciproque, pour les plans et les sphères, et nous sommes naturellement conduits à chercher s’il en est de même pour toutes les surfaces. Observons auparavant qu’en vertu des équations (1, 2, 3) et de l’équation de la surface donnée, quatre quelconques des six variables, peuvent être considérées, comme fonctions des deux autres. Dans tout ce qui va suivre, nous considérerons comme fonctions de et qui seront ainsi les deux variables indépendantes.

Cela, posé, en différentiant successivement l’équation (3) par rapport à et on trouve


en mettant, dans ces équations, pour les valeurs données par les équations (1, 2) et réduisant, il viendra,

En posant

ces équations deviennent d’abord

on a d’un autre côté

c’est à-dire,

d’où

valeurs qui, comparées à celles ci-dessus, s’accocdent à donner

c’est à-dire,

(4)

or, ces coefficiens fixent la direction des plans tangens aux points correspondans des deux surfaces ; ces plans sont donc parallèles ; la normale à l’un d’eux est donc aussi normale à l’autre ; on a donc ce théorème général :

Si les normales à une surface courbe, terminées à une autre surface courbe, sont de même longueur, elles seront également normales à celle-ci ; de sorte que les normales à cette dernière, terminées à la première, seront aussi de même longueur, et que les deux surfaces seront exactement et réciproquement parallèles.

11

L’aire d’une surface courbe étant, pour cette surface, ce qu’est, pour une ligne courbe, la longueur de cette ligne ; et le volume compris entre deux surfaces courbes parallèles et la surface formée par une suite de normales communes à l’une et à l’autre étant, dans l’espace, ce qu’est, sur un plan, la surface comprise entre deux courbes parallèles et deux quelconques de leurs normales, on devrait s’attendre à rencontrer ici des théorèmes analogues à ceux que nous avons trouvés par rapport aux courbes planes parallèles ; c’est-à-dire qu’on serait fondé à soupçonner que la différence des aires des portions correspondantes de deux pareilles surfaces ne dépend uniquement que de leur distance constante et de la nature de la surface formée par les normales communes à leurs contours ; et que l’espace compris entre elles et cette même surface ne dépend également que de l’intervalle qui les sépare et de l’aire de la portion correspondante de la surface des centres ; mais il est facile de s’assurer que cette analogie n’existe pas. Si, en effet, elle existait, elle devrait encore avoir lieu pour des cas particuliers, et conséquemment pour deux sphères concentriques.

Or, soient les rayons de ces deux sphères ; leurs surfaces seront et dont la différence n’est point indépendante du rayon . Leurs volumes sont et dont la différence est . Or, en désignant par la surface des centres dont le rayon est on aura . En chassant de l’expression ci-dessus, au-moyen de cette équation, elle devient, toutes réductions faites,

ce qui montre que l’espace compris entre deux sphères concentriques n’est pas seulement égal au produit de la surface des centres par la distance entre les deux sphères, mais à ce produit augmenté du double du volume d’une sphère qui aurait cette distance pour diamètre.

12.

Si l’on désigne par l’aire d’une portion quelconque de la surface dont les coordonnées sont et par l’aire de la portion correspondante de celle dont les coordonnées sont on aura, comme l’on sait,

donc, en vertu des relations (4),

mais, en considérant comme fonctions de on aura

or, dans la même hypothèse,

d’où


ce qui donnera, en substituant

Cette équation différentielle contient implicitement l’expression cherchée de en On pourra la résoudre dans des cas particuliers.

13.

Ayant trouvé les expressions des élémens

en on aura aussi celle de l’élément du volume compris entre les deux surfaces parallèles ; car cet élément peut être considéré comme une pyramide tronquée, dont nos deux surfaces élémentaires sont les deux bases parallèles et dont la hauteur est Il serait intéressant d’appliquer ces formules aux surfaces développables.

Du parallélisme des courbes à double courbure.
14.

Si l’on applique aux courbes à double courbure la définition que nous avons donnée tant des lignes parallèles, dans un plan, que des surfaces parallèles, dans l’espace, on verra aisément qu’il n’y a pas seulement ici une ou deux lignes parallèles et également distantes d’une ligne donnée ; mais que ces parallèles sont en nombre infini et forment, par leur ensemble, une sorte de tuyau ou de cylindre courbe, dont la ligne à double courbure donnée peut être considérée comme l’axe.

On peut remarquer, en effet, que, par le point de contact de chaque tangente à une courbe à double courbure, on peut lui mener une infinité de perpendiculaires, toutes comprises dans le plan normal à ce point, et qu’en prenant toutes ces perpendiculaires d’une même longueur leurs extrémités appartiendront à une circonférence ayant le point de contact pour centre et cette longueur pour rayon ; et il répondra un pareil cercle à chacun des points de la courbe donnée. Puis donc que la parallèle à cette courbe n’est assujettie qu’à passer par les extrémités d’une suite de normales d’une longueur constante il est visible qu’ici le nombre des parallèles sera infini, et qu’elles seront toutes tracées sur le tuyau ou sur la surface annulaire dont il vient d’être question, et dont toutes les sections normales à son axe sont des cercles égaux, mais non parallèles.

15.

Si, par la tangente en l’un des points d’une courbe à double courbure, on conduit un plan arbitraire, et par le point de contact une normale perpendiculaire à ce plan, prolongée jusqu’à la rencontre de la surface parallèle ; le plan tangent à cette surface, par l’extrémité de la normale sera parallèle au plan arbitraire.

Imaginons, en effet, une seconde surface parallèle à la même courbe ; et par conséquent concentrique à la première ; il est clair que ces deux surfaces seront parallèles, que les points où elles seront percées par la normale dont il s’agit en seront des points correspondans, et qu’ainsi leurs plans tangens en ces points seront parallèles.

Supposons que, la seconde surface étant intérieure à la première, son rayon diminue sans cesse, les deux plans tangens ne cesseront point d’être parallèles ; or, il est clair que, lorsque ce rayon sera devenu nul, la seconde surface se trouvant réduite à la courbe donnée, son plan tangent se confondra avec notre plan arbitraire, auquel conséquemment l’autre doit être parallèle.

16.

Voyons présentement de quelle manière, une courbe à double courbure étant donnée, on pourra trouver une surface qui, lui étant parallèle, en soit distante d’une quantité donnée.

Soient les coordonnées de la courbe à double courbure, que nous supposons donnée par deux équations entre ces trois variables. Soient les coordonnées de la surface cherchée, et soit enfin la distance constante à laquelle cette surface doit se trouver de la courbe proposée.

Considérons, en particulier, un point de notre courbe, et soit le point correspondant de la surface cherchée. Le plan normal au point aura, comme l’on sait, pour équation

il faudra donc exprimer à la fois que le point est sur ce plan, et qu’il est à une distance du premier ; ce qui donnera les deux équations


ou, en supprimant les accens désormais inutiles,

équations qui résolvent le problème.

La courbe donnée étant, en effet, exprimée par deux équations en on tirera de ces deux équations, par la différentiation, les valeurs de pour les mettre dans l’équation (1) ; en joignant l’équation résultante à l’équation (2) et aux deux équations de la courbe proposée, on se trouvera avoir en tout quatre équations entre lesquelles éliminant l’équation résultante en sera celle de la surface cherchée.

Pour premier exemple de l’application de cette méthode, supposons que la ligne donnée soit une droite exprimée par la double équation

nous aurons, par différentiation,

au moyen de quoi l’équation (1) deviendra

de celle-ci et de la double équation de notre droite on tirera

et, par suite

substituant donc ces valeurs dans l’équation (2), nous aurons, pour l’équation de la courbe cherchée,

Soit encore, pour exemple, le cercle donné par le système des deux équations

on aura ici

valeurs qui, substituées dans l’équation (1), la changeront en celle-ci :

laquelle se réduit à

En la combinant avec les deux équations du cercle donné, et posant

ce qui est permis, on en tirera

substituant ces valeurs dans l’équation {2) on trouvera, pour l’équation de la courbe cherchée,

17.

L’aire et le volume de la surface parallèle à une courbe à double courbure donnée, l’une et l’autre étant prises entre deux plans normaux, peuvent facilement se déterminer sans calcul.

Si, en effet, on imagine deux plans normaux infiniment voisins, ils couperont la surface suivant deux cercles égaux ayant leurs centres sur la courbe à laquelle cette surface est parallèle : ces plans comprendront donc entre eux un cylindre élémentaire, dont, à la vérité, les deux bases pourront fort bien n’être point parallèles ; mais on démontre aisément que, quant à sa surface et quant à son volume, un tel cylindre est équivalent au cylindre à bases parallèles dont la hauteur serait égale à la droite qui joint les centres des deux bases du premier ; or, de là résultent évidemment les deux propositions suivantes, parfaitement analogues à celles que nous avons établies sur les courbes planes parallèles :

L’aire de la portion d’une surface parallèle à une courbe à double courbure comprise entre deux plans normaux à cette courbe, est égale à la circonférence de l’une des sections normales multipliée par la longueur de la portion de la courbe comprise entre les deux mêmes plans.

Le volume du corps terminé par une surface parallèle à une courbe à double courbure et par deux plans normaux à cette courbe, est égal à la surface de l’une des sections normales multipliée par la longueur de la portion de la courbe comprise entre les deux mêmes plans.

18.

D’après ce que nous avons dit ci-dessus, toute courbe tracée sur la surface parallèle à une courbe à double courbure peut être considérée comme parallèle à cette courbe, en ce sens que tous ses points en sont également distans. Mais, entre toutes les courbes qui peuvent être tracées de cette manière, il en est une classe qui méritent plus particulièrement cette dénomination, et qui sont, sur la surface dont il s’agit, ce que sont sur le cylindre ordinaire les parallèles à son axe ; ce sont les courbes qui ont leurs tangentes en chaque point parallèles aux tangentes aux points carrespondans de la courbe à double courbure à laquelle la surface dont il s’agit est parallèle. Comme ces courbes sont déjà assujetties à être sur une surface qui est censée connue, il ne s’agit plus, pour déterminer l’une d’elles, que d’assigner une autre courbe sur laquelle elle se trouve également.

Soit un point de la courbe à double courbure donnée ; et soit le point correspondant de la parallèle cherchée ; les tangentes en ces deux points auront pour équations

donc, pour que les courbes soient parallèles, ou devra avoir, en supprimant les accens,

en différenciant donc les deux équations de la courbe à double courbure donnée, et en changeant, dans leurs différentielles respectivement en on se trouvera avoir quatre équations, entre lesquelles éliminant on obtiendra pour résultat l’équation différentielle totale d’une surface qui coupera la surface parallèle suivant la courbe cherchée. Ayant intégré cette équation, on déterminera la constante introduite par l’intégration en assujettissant la courbe à passer par un point déterminé de la surface parallèle.

19.

Entre toutes les courbes parallèles et également distantes d’une courbe à double courbure donnée, prises dans le sens que nous venons de dire, il en est deux qui sont particulièrement remarquables ; ce sont celles qui, dans les points qui correspondent à ceux de la courbe à double courbure donnée, ont avec elle le même plan osculateur, et se trouvent conséquemment situées avec cette courbe sur une même surface développable enveloppe de tous ses plans osculateurs.

La courbe à double courbure étant donnée, rien n’est plus facile que d’obtenir ces deux parallèles. Soit un point de la courbe à double courbure donnée, et soit le point correspondant de la parallèle cherchée ; les équations du plan normal et du plan osculateur seront


il faudra donc exprimer que le point est à la fois sur ces deux plans et à une distance du point ce qui donnera, en supprimant ensuite les accens,

Lors donc que la courbe à double courbure sera donnée, par deux équations en  ; à l’aide de deux différentiations consécutives, on en tirera les valeurs de que l’on mettra dans les équations (1, 2) ; il en résultera deux nouvelles équations qui, jointes aux deux proposées et à l’équation (3), en feront cinq en tout ; éliminant, entre elles, on obtiendra deux équations en qui seront celles de la parallèle demandée.

Si l’on développe sur un plan la surface enveloppe des plans normaux, notre courbe à double courbure et ses deux parallèles deviendront évidemment une courbe plane et ses deux parallèles à la distance tout ce que nous avons dit des parallèles aux courbes planes a donc lieu ici, pourvu qu’on entende par l’angle des normales extrêmes l’angle que feraient ces normales si la face enveloppe des plans normaux était étendue sur un plan.

20.

Nous terminerons en remarquant qu’on peut donner une extension beaucoup plus grande à ces sortes de recherches, en considérant, non pas des lignes et surfaces parallèles, mais des lignes et surfaces également inclinées les unes aux autres dans leurs points correspondans. Ainsi, à ne parler que des courbes planes, on pourrait demander quelle est la courbe qui coupe toutes les normales à une même courbe donnée sous un même angle donné ; et, de même que la considération des lignes et surfaces parallèles nous a conduit à considérer des parallélogrammes plans et gauches et des parallèlipipèdes à bases courbes, ces nouvelles questions donneraient naissance à des triangles et à des polygones plans et gauches à côtés courbes et à des pyramides et polyèdres à faces courbes ; et parmi ces nouvelles figures, quelques-unes pourraient jouir de diverses propriétés très-dignes de remarque.

Berlin, février 1821.