Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 12/Géométrie des courbes, article 1

GÉOMÉTRIE DES COURBES.

Démonstration du théorème de Newton,
sur les quadrilatères circonscrits à une même section conique ;

Par M. Poncelet, capitaine du génie, ancien élève
de l’école polytechnique.
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THÉORÈME. Les centres de toutes les sections coniques inscrites à un même quadrilatère plan quelconque sont situés sur une même droite passant par les milieux des trois diagonales de ce quadrilatère[1].

Démonstration. Soit (fig. 1) un quadrilatère simple, dont les côtés opposés concourent en et les côtés et en de sorte que et sont les deux autres sommets du quadrilatère complet ; soient les milieux respectifs des trois diagonales il est connu que ces trois points appartiennent à une même ligne droite ; et il s’agit de prouver que cette droite est le lieu des centres de toutes les sections coniques qui touchent à la fois les quatre côtés du quadrilatère dont il s’agit.

Soient les points où les diagonales qui partent des deux extrémités de l’un quelconque des côtés du quadrilatère, rencontrent la troisième diagonale Soit le point de contact de ce même côté avec l’une quelconque des sections coniques dont il s’agit ; en menant coupant les côtés adjacent en ces points seront ceux de contact de la section conique avec ces mêmes côtés[2] ; donc, si l’on divise les cordes de contact en deux parties égales, aux points et qu’on mène ensuite les droites leur point de concours sera le centre de la section conique correspondant au point de contact Tout se réduit donc à prouver que ce point est sur la droite

Or, d’après la manière dont le point vient d’être déterminé, on voit que la direction de la droite est conjuguée à celle de par rapport aux droites et ou d’où il suit que, si l’on mène la parallèle à elle sera conjuguée harmonique de c’est-à-dire que les quatre droites formeront entre elles un faisceau harmonique[3]. Pareillement, si l’on mène parallèle à les quatre droites formeront aussi un faisceau harmonique.

Il suit de là que si, par le point d’intersection des parallèles à et par le point, on mène la droite elle passera par le point car les points où la droite rencontre les droites et doivent être, à la fois, les quatrièmes harmoniques des trois points (ce dernier étant celui où coupe ) ; ce qui ne peut avoir lieu à moins que les deux points dont il s’agit ne se confondent en un seul et même point en

Il suit de là aussi que, si le point parcourait une droite, il en irait de même de son conjugué or, c’est ce qu’il est très-facile de démontrer.

Menons, en effet par la parallèle à rencontrant prolongée en les triangles et et respectivement semblables, donneront

d’où

ce qui démontre que le point est invariable, ainsi que la parallèle à qui conséquemment sera parcourue toute entière par le point lorsqu’on fera mouvoir le point sur Au surplus, on démontrerait la même chose sans proportion, au moyen de la propriété de l’hexagone inscrit à deux lignes droites.

Ainsi, le lieu des centres des coniques inscrites à un quadrilatère est une droite unique laquelle passe évidemment par le point en même temps que sa conjuguée je dis de plus qu’elle divise en deux parties égales chacune des trois diagonales de ce quadrilatère. En effet, si l’on suppose, par exemple, que se confond avec la diagonale le point et par suite le point sera confondu lui-même avec le point milieu de cette diagonale ; et il en sera de même du point pour le point milieu de la diagonale si l’on suppose que le point tombe en

De là résulte donc ce beau théorème de Newton : La droite qui contient les milieux des diagonales d’un quadrilatère circonscrit à une conique contient aussi le centre de la courbe.

COROLLAIRE. Les centres de toutes les coniques tangentes aux trois mêmes droites et passant par un même point donné, sur un plan ; sont sur une autre section conique[4].

Démonstration. En effet, soient les trois tangentes et le point dont il s’agit. Traçons une droite indéfinie quelconque, et proposons-nous de rechercher tous les points ou elle rencontre la courbe, lieu des centres des sections coniques, ou, ce qui revient au même, cherchons les coniques qui, touchant les droites et passant par le point auraient leurs centres sur cette droite.

Remarquons que, pour l’une quelconque de ces coniques, il y aura toujours une quatrième tangente qui, avec les trois autres, formera un quadrilatère par les milieux des diagonales duquel passe la droite arbitraire Or, on peut trouver, à priori, cette quatrième tangente, indépendamment de la courbe dont il s’agit ; car si, par le milieu de la distance qui sépare le point ou sommet du côté indéfini on mène une parallèle à ce côté, laquelle passera évidemment par le milieu de cette parallèle devra renfermer le milieu de la diagonale correspondant avec le sommet et par conséquent le point où elle ira rencontrer la droite donnée sera le milieu lui-même. Tirant donc son prolongement ira couper au sommet du quadrilatère cherché, lequel sommet appartiendra au quatrième côté ou à la tangente La même opération, par rapport au point et au côté indéfini donnera le point milieu de la diagonale et par suite cette diagonale et le quatrième sommet du quadrilatère qui ainsi sera complètement déterminé.

Ayant quatre tangentes à la conique que l’on considère, et cette conique passant d’ailleurs par le point donné on obtiendra aisément la position de son centre sur la droite donnée mais il existe, comme on sait, deux coniques qui résolvent le problème ; donc il y a, en général, deux centres sur la droite arbitraire en question ; et, comme il ne peut y en avoir plus de deux, la courbe des centres des coniques tangentes aux trois droites et passant par ne peut être coupée en plus de deux points par une droite arbitraire quelconque donc cette courbe est du second degré, et par conséquent une conique.

  1. Voyez, pour la démonstration analitique de ce théorème, la page 382 du XI.e volume de ce recueil.
    J. D. G.
  2. Mémoire sur les lignes du second ordre, par C. J. Brianchon, page 22, art. XIX.
  3. Voyez le même ouvrage, pag. 9, art. V.
  4. Voyez, pour la démonstration analitique de ce théorème, la page 385 du XI.e volume du présent recueil.
    J. D. G.