Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 12/Géométrie analitique, article 1

GÉOMÉTRIE ANALITIQUE.

Recherches sur le nombre, la grandeur et la situation
des systèmes de diamètres conjugués égaux, dans l’ellipsoïde ;

Par M. Gergonne.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

On sait que, parmi les systèmes de diamètres conjugués, en nombre infini, que peut fournir une même ellipse, il en est un, et un seul où ces deux diamètres sont égaux, et que ces deux-là sont dirigés suivant les diagonales du rectangle formé par les tangentes aux quatre sommets de la courbe. Mais personne ne s’est jamais demandé, du moins que je sache, si, dans l’ellipsoïde, il y avait un ou plusieurs systèmes de diamètres conjugués égaux, ni quelle était leur situation par rapport à cette surface ; c’est cette question que nous nous proposons de traiter ici ; mais, afin de trouver dans l’analogie un modèle de la manière de procéder, nous nous occuperons d’abord de l’ellipse, et afin d’élargir un peu la question, nous y comprendrons la théorie des diamètres conjugués en général. Soient les deux diamètres principaux d’une ellipse ; prenons-les pour axes des coordonnées, et adoptons pour symboles des coordonnées courantes ; l’équation de la courbe sera ainsi

Soient deux points de la courbe, dont les distances à son centre soient respectivement nous aurons

De plus, en désignant par l’angle des deux demi-diamètres nous aurons

Si l’on veut que soient des diamètres conjugués, il sera nécessaire et suffisant pour cela que le diamètre parallèle à la tangente en contienne or, l’équation de ce diamètre est

puis donc que cette équation doit être satisfaite par on aura

ou(7)

Or, par la théorie de la transformation des coordonnées, il est connu que trois relations telles que (1, 2, 7) peuvent être remplacées par les trois suivantes :

lesquelles reviennent à

Cela posé, en prenant la somme des équations (8, 9) et ayant égard aux équations (3, 4), il vient

Et, si du produit des équations (8, 9) on retranche le quarré de l’équation (10), on trouvera, en ayant égard à l’équation (5) et extrayant la racine quarrée

ce sont les relations connues entre les diamètres principaux et deux diamètres conjugués quelconques ; et c’est là, à ce qu’il nous paraît, la manière la plus simple de les obtenir.

Si, connaissant les coordonnées de l’extrémité d’un diamètre, on voulait obtenir celles de l’extrémité de son conjugué, on y parviendrait au moyen des équations (8 ; 9), qui donnent

quantités faciles à construire.

Si l’on veut que les diamètres conjugués soient égaux, il faudra écrire

mettant pour dans cette équation les valeurs données par les équations (8, 9), elle deviendra

c’est le quarré de la moitié de l’un de ces diamètres. En combinant cette équation avec l’équation (1), on en tirera

de sorte que l’équation du diamètre qui, en général, est

deviendra

équation que l’on reconnaît facilement pour être celle de l’une ou de l’autre des deux diagonales du rectangle formé par les tangentes aux quatre sommets de la courbe.

En mettant pour dans l’équation (7), les valeurs que nous venons de trouver ; on en tire de sorte que l’équation du conjugué de notre diamètre qui serait, en général,

devient, dans le cas actuel,

ainsi, les diamètres dirigés suivant les deux diagonales du rectangle dont il vient d’être question, sont à la fois conjugués l’un à l’autre et égaux entre eux ; et ce sont les seuls qui jouissent de cette double propriété.

Soient les trois diamètres principaux d’une ellipsoïde ; prenons-les pour axes des coordonnées, et adoptons pour symboles des coordonnées courantes, l’équation de la surface sera ainsi

Soient trois points de cette surface, dont les distances respectives au centre de l’ellipsoïde soient nous aurons

De plus, en désignant par les angles que forment deux à deux les demi-diamètres nous aurons

Si l’on veut que forment un système de diamètres conjugués, il sera nécessaire et suffisant pour cela que le plan diamétral parallèle au plan tangent en chacun des trois points contienne les deux autres points ; or, les équations des trois plans diamétraux sont

Si donc l’on se donne arbitrairement, sur l’ellipsoïde, le point l’on n’aura, pour déterminer les six coordonnées des deux autres que les cinq équations (2, 3, 13, 14, 15) ; d’où l’on voit que, tandis qu’à chaque diamètre de l’ellipse, il en répond un autre qui lui est conjugué, il arrive, au contraire, qu’à chaque diamètre de l’ellipsoïde peuvent répondre, d’une infinité de manières, deux autres diamètres qui lui soient conjugués ; attendu que ces derniers sont uniquement assujettis à être deux diamètres conjugués quelconques de la section faite par le centre parallèlement au plan tangent à l’extrémité du diamètre donné.

Cela posé, il est connu, par la théorie de la transformation des coordonnées, que les six relations (1, 2, 3, 13, 14, 15) peuvent être remplacées par les suivantes :






c’est-à-dire, en simplifiant,

Or, 1.o en prenant la somme des équations (16, 17, 18), et ayant égard aux équations (4, 5, 6), on aura

2.o En prenant la somme des produits de ces mêmes équations deux à deux, et retranchant de cette somme la somme des quarrés des équations (19, 20,21), il viendra, en ayant égard aux équations (4, 5, 6, 7, 8, 9),

3.o Si, enfin, du produit des équations (16, 17, 18), on retranche le produit des équations (19, 20, 21), en ayant égard aux équations (4, 5, 6, 10, 11, 12), il viendra

Ce sont là les trois relations entre les diamètres principaux de l’ellipsoïde et trois autres diamètres conjugués quelconques, telles qu’elles ont été données par M. Bérard, dans le présent recueil (tom. III, pag. 113).

Si l’on veut présentement que les trois diamètres soient de même longueur, il faudra poser en outre la double équation

(22)

qui, jointe aux six précédentes, ne portera leur nombre total qu’à huit seulement, nombre insuffisant pour déterminer les neuf coordonnées de sorte qu’en éliminant les six dernières, on parviendra aux deux équations en d’une ligne courbe sur laquelle devra se trouver le point pour que le diamètre, passant par ce point, puisse faire partie d’un système de diamètres conjugués égaux. Ainsi, tandis que le problème de la recherche des diamètres conjugués égaux est déterminé pour l’ellipse, ce problème est indéterminé pour l’ellipsoïde.

Rien n’est plus facile, que d’obtenir les deux équations de la courbe dont il vient d’être question. D’abord, le point étant sur l’ellipsoïde, on peut prendre pour l’une d’elles l’équation (1), c’est-à-dire,

En second lieu, si l’on prend la somme des équations (16, 17, 18), en ayant égard à la double équation (22), on aura pour la deuxième équation cherchée

c’est celle d’une sphère concentrique à l’ellipsoïde et dont l’intersection avec elle sera le lien de tous les points de cette surface ou l’on peut placer l’extrémité d’un diamètre pour que ce diamètre puisse faire partie d’un système de diamètres conjugués égaux. Il y a donc cette analogie entre l’ellipse et l’ellipsoïde que, tandis que dans l’ellipse, les extrémités des diamètres conjugués égaux sont aux intersections de la courbe avec un cercle qui lui est concentrique, les extrémités des diamètres conjugués égaux dans l’ellipsoïde se trouvent à l’intersection de cette surface avec celle d’une sphère qui lui est concentrique. On voit par là que, bien qu’il y ait dans l’ellipsoïde, quant à la direction, une infinité de systèmes de diamètres conjugués égaux, les diamètres, dans tous ces systèmes, ont néanmoins une même longueur constante.

On voit que le lieu géométrique de la totalité des diamètres qui appartiennent aux systèmes de diamètres conjugués égaux est une surface conique qui a son centre au centre de l’ellipsoïde. Il est très-aisé d’ailleurs d’obtenir l’équation de cette surface. Soient, en effet,

les deux équations d’une droite quelconque partant du centre, en la combinant d’une part avec celle de l’ellipsoïde et d’une autre avec celle de la sphère, pour en éliminer et il viendra


Pour que cette droite soit la génératrice de la surface conique dans l’une de ses positions, il faut que ces deux équations donnent une même valeur pour éliminant donc entre elles, on obtiendra pour la condition cherchée

en y mettant donc pour et leurs valeurs il viendra pour l’équation de la surface conique dont il s’agit

Si donc on trace arbitrairement une droite sur cette surface et que, par le centre, on mène un plan parallèle au plan tangent au point ou elle rencontre la surface de l’ellipsoïde, ce plan coupera la surface conique suivant deux droites qui, avec la première, composeront un système de diamètres conjugués égaux.

Cette équation est évidemment satisfaite en posant

de quelque manière d’ailleurs que l’on combine les signes ou devant ces valeurs ; donc la surface conique dont il s’agit passe par les huit sommets du parallélipipède rectangle formé par les plans tangens aux extrémités des diamètres principaux de l’ellipsoïde. Ainsi, de même que, dans l’ellipse, les diagonales du rectangle construit sur les axes sont des diamètres conjugués égaux, les diagonales du parallélipipède construit sur les axes de l’ellipsoïde en sont aussi, quant à leur direction, des diamètres conjugués égaux ; mais, tandis que les deux diagonales sont conjuguées l’une à l’autre dans l’ellipse, chacune des quatre diagonales, dans l’ellipsoïde, a ses deux conjuguées étrangères aux trois autres.


Séparateur