Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 03/Géométrie élémentaire, article 3

QUESTIONS RÉSOLUES.

Démonstrations du théorème énoncé à la page 384 du
deuxième volume des
Annales.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈
Première solution ;
Par M. Peschier, inspecteur et professeur de philosophie
à l’académie impériale de Genève.

Énoncé. Si à une ellipse on circonscrit un quadrilatère quelconque, le point d’intersection des deux droites qui joindront les points de contact de l’ellipse avec les côtés opposés de ce quadrilatère, coïncidera ave le point d’intersection de ses deux diagonales.

Comme toute ellipse est la projection orthogonale d’un cercle, sur un plan non parallèle à celui d’un cercle, et que, dans cette espèce de projection, les points d’intersection et de contingence sont les projections des points d’intersection et de contingence de la figure projetée ; et les droites qui les joignent, projections de celles qui joignent les points correspondans de cette figure ; il suffira, pour établir le théorème, par rapport à l’ellipse, de l’avoir démontré dans le cercle.

LEMME. Un angle quelconque, aigu ou obtus étant donné, il peut toujours être divisé en deux parties dont les sinus aient entre eux un rapport donné ; et il ne peut être ainsi divisé que d’une manière unique.

Cela est évident, lorsque les deux parties de l’angle sont des angles aïgus ; et, quand l’une d’elles est un angle obtus, on démontrera que les parties dont les sinus ont le rapport assigné ne peuvent varier, sans que le rapport des sinus ne varie aussi ; mais une construction simple et facile démontre à la fois la possibilité et l’unité de division de l’angle, suivant la condition demandée.

Soit donc (fig. 4 et 5) un angle quelconque, partagé en deux parties par le rayon soit tirée coupant en et soient menés les sinus respectifs des angles  ; la similitude des triangles donnera

ou

or, peut toujours être divisée de façon que le rapport de à soit un rapport donné, et ne peut l’être que d’une seule manière ; donc l’angle peut toujours être divisé en sorte que les sinus de ses parties soient en rapport donné, et ne peut l’être que d’une manière unique.

Démonstration du théorème. Soit (fig. 6) le centre d’un cercle auquel soit circonscrit un quadrilatère de telle sorte que soient respectivement les points de contact du cercle avec ses côtés Soient tirées les cordes joignant les points de contact opposés (ou alternatifs) et et lesquelles se coupent en  ; enfin, de ce point soient menées à deux sommets alternatifs quelconques du quadrilatère circonscrit, les droites  ; je dis que ces deux droites n’en feront qu’une.

En effet,

mais  ; donc

Pareillement,

mais  ; donc

De plus,

donc

mais  ; donc (Lemme) donc sont en ligne droite ; c’est-à-dire, que les diagonales du quadrilatère circonscrit passent par l’intersection des droites qui joignent les points de contact opposés. C. Q. F. D.[1]

Deuxième démonstration ;
Par M. Rochat, professeur de navigation à St-Brieux.

Le théorème dont il s’agit n’est qu’un cas particulier du suivant, dont nous allons donner la démonstration.

THÉORÈME. Si, à une ligne quelconque du second ordre, on circonscrit un quadrilatère complet quelconque ; le point d’intersection de deux quelconques des trois diagonales de ce quadrilatère, sera aussi le point d’intersection des deux droites qui joindront les points où les côtés opposés du quadrilatère simple, auquel ces diagonales appartiennent, sont touchés par la courbe.

Démonstration, Soient prises pour axes des coordonnées deux droites, dont l’une passe par deux quelconques des points de contact, et dont l’autre passe par les deux autres ; la courbe, rapportée à ces deux axes, aura une équation de la forme

(A)

On en déduira la situation de ces points, en y faisant successivement et égal à zéro et résolvant l’équation résultante.

Soient donc désignés par les deux points de contact qui sont situés sur l’axe des et par ceux qui sont situés sur l’axe des en posant, pour abréger,

on trouvera les coordonnées de ces points ainsi qu’il suit :


Cela posé, on sait que l’équation de la tangente menée à la courbe par un point dont les coordonnées sont peut être mise sous cette forme

mettant donc successivement, pour dans cette équation, les valeurs déterminées ci-dessus, désignant les tangentes par leur point de contact, et posant encore, pour abréger,

on trouvera les équations de ces tangentes ainsi qu’il suit :

Si l’on combine entre elles la première et la troisième équations, puis la seconde et la quatrième, puis la première et la quatrième, puis enfin la seconde et la troisième, on obtiendra les coordonnées des sommets du quadrilatère circonscrit ; d’où il sera facile de conclure les équations des diagonales de ce quadrilatère et de s’assurer conséquemment si ces diagonales passent en effet par l’origine.

Mais on peut parvenir plus simplement au but, en procédant comme il suit. Soit designé par le sommet du quadrilatère, formé par la rencontre des tangentes dont les points de contact sont et soient adoptées des notations analogues pour les autres sommets. Soit en outre désignée par la diagonale qui joint les sommets et soit adoptée une notation analogue pour l’autre diagonale.

Cela posé, soient éliminés les termes tout connus, entre les équations en réduisant ces termes à l’unité, dans l’une et dans l’autre, et prenant ensuite la différence des deux équations. En employant toujours les abréviations ci-dessus, et posant en outre

il viendra ainsi,

Cette équation, ayant lieu en même temps que les équations et et n’ayant point de terme constant, doit être celle d’une droite menée de l’origine au point Or, par les substitutions, il est aisé de se convaincre que

donc aussi

donc l’équation de la droite qui joint l’origine au point est simplement

(I)

Le système des équations n’étant autre chose que celui des équations dans lequel on aurait changé à la fois les signes de et  ; on obtiendra l’équation de la droite qui joint l’origine au point en opérant un pareil changement dans l’équation (I) ; et, comme alors elle reste la même, il en faut conclure que cette équation est celle d’une droite qui passe à la fois par l’origine et par les deux points qui sont ainsi en ligne droite avec cette origine.

Un semblable raisonnement prouvera que les sommets sont, avec l’origine, sur une même ligne droite, dont l’équation est

(II)

Ainsi les deux diagonales du quadrilatère dont les côtés opposés touchent la courbe aux points où elle coupe les axes ; peuvent être exprimées par l’équation unique

et il est digne de remarque que la direction de ces diagonales est indépendante de la grandeur et du signe du coefficient

Troisième démonstration ;
Par M. Ferriot, docteur ès sciences, professeur de mathématiques
au lycée de Besançon.

Soit un quadrilatère, inscrit arbitrairement à une section conique ; et soit formé un quadrilatère circonscrit, dont les côtés touchent la courbe aux sommets du quadrilatère inscrit. Il s’agit de prouver que l’intersection des diagonales de l’un des quadrilatères doit coïncider avec l’intersection des diagonales de l’autre.

Il est connu que, pour une situation convenable de l’œil et du tableau, un quadrilatère quelconque peut toujours, et même d’une infinité de manières, avoir pour perspective un parallélogramme. Ainsi on peut toujours placer l’œil et le tableau de telle sorte que la perspective de la figure dont il s’agit ici, soit une section conique à laquelle un parallélogramme est circonscrit, et à laquelle, de plus, est inscrit un quadrilatère dont les sommets sont les points de contact de ce parallélogramme avec la courbe.

Or, lorsqu’un parallélogramme est circonscrit à une section conique, les droites qui joignent les points de contact opposés, sont des diamètres de la courbe, et se coupent conséquemment en deux parties égales, à son centre ; et, puisque ces droites sont les diagonales du quadrilatère inscrit, il en résulte que ce quadrilatère est aussi un parallélogramme. Ainsi la perspective de la figure dont il s’agit, est une section conique à laquelle sont inscrits et circonscrits deux parallélogrammes qui sont en même temps inscrits l’un à l’autre ; et il est évident que, si l’intersection des deux diagonales de l’un de ces parallélogrammes coïncide avec l’intersection des deux diagonales de l’autre, il devra en être de même pour les deux quadrilatères dont ces parallélogrammes sont les perspectives.

La question est donc ramenée à prouver que, lorsque deux parallélogrammes sont inscrits l’un à l’autre, l’intersection des diagonales de l’un coïncide avec l’intersection des diagonales de l’autre ; et cette proposition est trop facile à établir, par les éîémens, pour qu’il soit nécessaire d’en développer ici la démonstration.

Quatrième démonstration ;
Par M. G. Fornier, élève du lycée de Nismes.

Deux quadrilatères étant supposés l’un inscrit et l’autre circonscrit à une même section conique, de telle sorte que les sommets de l’inscrit soient les points où les côtés du circonscrit touchent la courbe, je me propose de démontrer 1.o que les quatre diagonales des deux quadrilatères passent par le même point ; 2.o que les quatre points de concours des côtés opposés de ces deux mêmes quadrilatères sont sur une même droite.

I. Tout quadrilatère circonscrit à une section conique peut être considéré comme un hexagone circonscrit, dont deux angles, devenus chacun égal à deux angles droits, ont leurs sommets à deux quelconques des points de contact des côtés de ce quadrilatère avec la courbe.

II. Pareillement, tout quadrilatère inscrit à une section conique, peut être considéré comme un hexagone inscrit, dont deux côtés, d’une longueur nulle, sont dirigés suivant les tangentes à deux quelconques des sommets de ce quadrilatère.

III. En particulier, on peut prendre l’une des diagonales du quadrilatère inscrit pour une diagonale joignant deux sommets opposés de l’hexagone circonscrit, auquel cas les deux diagonales du quadrilatère circonscrit seront aussi des diagonales joignant des sommets opposés du même hexagone ; et, comme il est connu que les diagonales qui joignent les sommets opposés de tout hexagone circonscrit à une section conique se coupent en un même point, il s’ensuit que les quatre diagonales des deux quadrilatères doivent passer par un même point.

IV. Pareillement, on peut, en particulier, prendre deux côtés opposés du quadrilatère circonscrit pour côtés opposés de l’hexagone inscrit, auquel cas les côtés opposés du quadrilatère inscrit seront aussi des côtés opposés du même hexagone ; et, comme il est connu que les points de concours des directions des côtés opposés de tout hexagone inscrit à une section conique sont situés sur une même ligne droite, il s’ensuit que les quatre points de concours des directions des côtés opposés des deux quadrilatères doivent être en ligne droite.

V. Ce tour de démonstration, qui s’étend également aux trois quadrilatères simples dont tout quadrilatère complet est composé, est en même temps propre à faire apercevoir beaucoup d’autres droites qui passent par les mêmes points, et beaucoup d’autres points qui appartiennent aux mêmes lignes droites.

  1. La proposition étant ainsi démontrée pour le cercle, se trouve l’être aussi pour toute section conique, qui peut toujours être considérée comme la perspective d’un certain cercle.
    J. D. G.