ANALISE TRANSCENDANTE.
Mémoire sur les maxima et minima des fonctions à
un nombre quelconque de variables ;
Présenté à la 1.re classe de l’institut, le 15 avril 1811 ;
Par M. J. F. Français, professeur à l’école impériale
de l’artillerie et du génie.
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M. Lagrange a fait voir que les conditions assignées par Euler,
pour l’existence des maxima et minima des fonctions à deux variables,
étaient insuffisantes, et y a ajouté une nouvelle condition ; de plus,
il a étendu cette théorie aux fonctions d’un nombre quelconque de
variables. Je me propose de faire voir, dans ce mémoire, 1.o que
la nouvelle condition introduite par M. Lagrange exige trop ; 2.o qu’outre les maxima et minima déterminés qu’on a considérés jusqu’à présent, il peut exister une infinité de maxima et minima, liés
entre eux par une ou plusieurs relations entre les variables de la fonction proposée, et que ce cas a précisément lieu, lorsque les
nouvelles conditions assignées par M. Lagrange sont en défaut.
1. Si devient un maximum ou un minimum pour les valeurs ; on
pourra représenter un état voisin de cette fonction par
Pour que le maximum
ou minimum ait lieu, il faut que le
second terme du second membre de cette équation soit nul, indépendamment des valeurs des accroissemens qui
n’y entrent qu’à la première puissance. De plus, il faut, pour le
minimum, que le troisième terme, qui contient les combinaisons
deux à deux de ces accroissemens, soit toujours positif ; il doit
toujours être négatif pour le maximum.
2. En représentant ce troisième terme par on peut mettre
sous la forme
[1]
[2]
Les coefficiens des accroissemens dans finissent par devenir très-compliqués ; mais, comme ils sont tous très-symétriques, il est aisé d’en assigner la loi, et de les représenter par des symboles indiquant leur génération et pouvant servir à calculer leurs valeurs. En représentant le coefficient de dans par ceux de deviennent et se déduisent d’une manière très-simple de il suffit, pour cela, de changer le 2, après la virgule en 3, 4,… n, et de ne faire ce changement dans le second terme que pour un de ses facteurs ; de sorte qu’on aura On obtient ainsi
Au moyen de cette notation, devient
c’est-à-dire, de la même forme que exprimé en On pourra donc représenter les coefficiens de cette formule par et ces quantités se déduiront de comme se déduisent de de sorte qu’on aura
En continuant ce raisonnement de la même manière, on démontrera aisément que les termes
peuvent être mis sous la forme suivante
où chaque espèce de symbole dérive de la précédente, comme les
dérivent des et ceux-ci des
En faisant les substitutions successives de ces quantités dans
on obtient,
3. En faisant, pour abréger
les conditions, pour le minimum, se réduisent à
et celles, pour le maximum, à
le tout indépendamment des valeurs particulières que peuvent recevoir
les accroissemens On conclut de là les deux séries
de conditions suivantes :
le signe supérieur de ayant lieu pour le minimum, et le signe
inférieur pour le maximum.
4. Les conditions (4) sont toujours nécessaires, pour l’existence
du maximum ou minimum, et ne peuvent être remplacées par
une autre série de conditions ; mais il n’en est pas de même des
conditions (5), qui dépendent entièrement de la manière d’ordonner
les accroissemens entre eux. peut être remplacé par et recevoir autant de valeurs différentes
qu’il y a de variables ; peut recevoir autant de valeurs différentes qu’on peut faire de combinaisons deux à deux entre les
variables ; le nombre des valeurs différentes de est égal à celui
de leurs combinaisons trois à trois ; et ainsi de suite.
Examinons, d’après cela, les différentes circonstances qui peuvent avoir lieu, dans ces deux séries de conditions.
5. Jusqu’à présent, on n’avait considéré les équations (4) que comme ayant lieu indépendamment les unes des autres, de manière que les valeurs des variables correspondant au maximum ou minimum
étaient entièrement déterminées ; mais il s’en faut de beaucoup que cet état déterminé des variables soit nécessaire pour l’existence du
maximum ou minimum ; nous allons voir, au contraire, qu’il peut avoir lieu, avec la plus grande indétermination possible entre les variables ; et nous examinerons comment le plus ou le moins d’indétermination entre elles influe sur les conditions (5).
6. Les équations (4) sont évidemment satisfaites par chacun des systèmes suivans
où peuvent être des fonctions quelconques des variables qui entrent dans la fonction proposée.
Si l’on différentie les équations (6), pour en tirer les valeurs de
on trouve, entre ces quantités, les relations et par conséquent tous les s’évanouissent aussi. L’équation (2) se réduit donc à son premier terme, et les conditions (5) à Les conditions du minimum ou maximum seront donc, dans ce cas,}}
et toutes les valeurs des variables satisfaisant à l’équation donnent un maximum ou un minimum, selon que est négatif ou positif.
Cependant, dans ce cas, la valeur de peut devenir nulle, en
supposant entre les accroissemens la relation
On pourrait donc croire que la condition du maximum ou minimum n’est pas satisfaite généralement. Mais il est aisé de voir que
l’équation (10) n’est autre chose que l’équation differentielle
dans laquelle on a substitué pour
les accroissemens
elle est donc une suite nécessaire de la
supposition que nous avons faite, et fait voir que, pour toute autre
relation entre les accroissemens
la quantité devient positive pour le minimum et négative pour le maximum. Le
maximum ou minimum
a donc réellement lieu pour toutes les
valeurs des variables satisfaisant à la relation
En différentiant de même les équations (7), pour en tirer les
valeurs de
on trouvera, entre ces quantités, les relations et tous les s’évanouiront en
même temps. L'équation (2) se réduira à ses deux premiers termes,
et les conditions du minimum
ou maximum deviendront
Toutes les valeurs des variables, satisfaisant aux relations
donneront donc un minimum ou maximum, si les deux dernières conditions (11) sont satisfaites.
La valeur de peut devenir nulle, dans ce cas, et faire présumer que le minimum ou maximum n’a pas lieu généralement,
en supposant entre les accroissemens les relations simultanées
mais il n’est pas difficile de se convaincre que le système de ces deux
équations équivaut à celui des deux équations différentielles
dans lesquelles on aurait substitué les accroissemens à la place de il est donc encore une suite nécessaire de notre supposition, et fait voir que le minimum ou maximum a lieu pour toutes les valeurs des variables satisfaisant aux relations (11).
On trouverait, de la même manière, que les conditions du
minimum ou maximum, pour le système (8) deviennent
Il n’est pas difficile maintenant d’étendre ces conclusions à un
nombre quelconque de facteurs qui affecteraient les valeurs de
7. Dans ce qui précède, nous avons supposé que les facteurs affectaient tous les termes de ; ce qui a fait disparaître plusieurs quarrés en entier, dans la valeur de Mais, si
l’on suppose que ces facteurs n’affectent que quelques termes de il ne disparaîtra plus de quarrés entiers dans la valeur de mais
seulement quelques-uns de leurs termes. Ainsi, si l’on a
on trouvera
Il se présente ici une difficulté très-sérieuse, qu’il est nécessaire
de lever pour assurer notre théorie. En substituant les valeurs précédentes dans celles de tous les termes après le premier deviennent
infinis par le facteur commun ; on ne peut donc plus rien
conclure de cette valeur, pour l’existence du maximum ou minimum. Dans ce cas, il faut avoir recours à l’observation que nous
avons faite au n.o 4, et ordonner les accroissemens
entre eux, de manière que les premiers termes des quarrés qui composeront le nouveau développement de ne s’évanouissent pas ;
(ce que l’on démontre aisément être toujours possible) ; alors il
n’y a plus, dans les quarrés successifs qui forment le développement
de que quelques termes qui s’évanouissent. Les conditions (5)
que l’on tire de ce nouveau développement de subsisteront donc
en entier ; la seule différence qu’il y aura, dans ce cas, consiste
en ce que ne peuvent plus recevoir autant
de valeurs différentes que nous leur en avons assignées au n.o 4.
La réduction du nombre de ces valeurs dépend de celui des facteurs, et de celui des coefficiens de affectés par chacun d’eux.
Le même raisonnement et des conclusions analogues sont applicables au cas suivant et à tous les autres semblables.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8. Il résulte de cette théorie, 1.o qu’outre les maxima et les minima
déterminés des fonctions à plusieurs variables, qu’on a considérés
jusqu’à présent, il peut exister une infinité de maxima et minima
indéterminés, liés entre eux par une ou plusieurs relations entre les
variables de la fonction proposée ; 2.o que, pour l’existence de ces
maxima ou minima indéterminés, il faut que les coefficiens de la
valeur de s’évanouissent, soit par un ou plusieurs facteurs communs
à tous, soit par un ou plusieurs facteurs affectant seulement quelques-uns d’entre eux, tandis que les coefficiens restans peuvent
s’évanouir d’eux-mêmes ; 3.o que, pour le premier des deux cas
précédens, les conditions (5) se réduisent à la première, quand
tous les coefficiens de la valeur de s’évanouissent, par un seul facteur commun ; et qu’elles se réduisent aux deux premières, aux
trois premières, etc., quand tous les coefficiens s’évanouissent par
deux facteurs, trois facteurs, etc., communs à tous ; 4.o que, dans
le second cas, toutes les conditions (5) ont lieu, mais qu’elles ne
peuvent plus alors être remplacées par le nombre de conditions
équivalentes que nous avons indiquées au n.o 4 ; 5.o enfin, que
cette théorie est nécessaire pour compléter celle des maxima et minima
des fonctions de plusieurs variables.
9. J’ai donné, dans une note précédente, un essai de cette théori,
appliquée aux surfaces courbes[3], et j’y ai fait voir qu’il peut y avoir sur les surfaces une infinité de maxima et minima indéterminés, liés entre eux par une courbe continue. En l’appliquant à
la mécanique, on peut trouver des fonctions du temps qui deviennent
des maxima ou minima, pour tous les points d’une surface courbe
ou d’une courbe à double courbure, selon que tous les coefficiens
de s’évanouiront, par un ou par deux facteurs communs.
Metz, le 2 mai 1810.