Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 03/Analise élémentaire, article 6

ANALISE ÉLÉMENTAIRE.

Considérations propres à fournir, dans un grand
nombre de cas, des limites extrêmes, très-approchées,
des racines des équations numériques ;
Par M. de Maizière, professeur de mathématiques spéciales
au lycée de Versailles.
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I. On sait que l’emploi des dérivées successives conduit, d’une manière sure, au nombre entier immédiatement supérieur à la plus grande racine additive d’une équation ; que cette méthode est très-rapide, si cette plus grande racine est un petit nombre ; mais qu’elle devient très-pénible, et pour ainsi dire impraticable, lorsqu’au contraire la plus grande racine additive est un grand nombre, surtout si l’équation est d’un degré un peu élevé.

La méthode que je vais exposer pourra sembler moins générale ; mais elle est beaucoup plus rapide, dans le cas où la plus grande racine additive est un grand nombre. Elle est fondée sur un théorème généralement connu ; elle n’en est, en quelque sorte, que le développement ; et elle est d’ailleurs si variée qu’elle peut être considérée comme satisfaisant à tous les cas.

II. Une équation quelconque peut être représentée comme il suit :

étant son premier coefficient soustractif ; et son coefficient soustractif le plus éloigné de zéro. On sait que, dans cet état de choses, on doit avoir

Quoique la démonstration de cette proposition ne soit pas difficile, et qu’elle se trouve dans plusieurs ouvrages élémentaires ; comme on s’est quelquefois mépris sur le sens des mots, et sur la véritable interprétation du résultat ; on ne trouvera peut-être pas mauvais que je reproduise ici cette démonstration.

On aura

si, étant substituée à , dans le résultat est additif, et si les résultats ultérieurs conservent le signe +, pour tout sombre substitué Or, de la somme des additifs de (1), la plus petite valeur est et de la somme des soustractifs, la valeur la plus éloignée de zéro est

valeur qu’elle aurait, en effet, si chaque terme était soustractif depuis le premier soustractif et s’ils avaient tous pour coefficiens le coefficient plus éloigné de zéro. sera donc si, pour le nombre et pour tout nombre supérieur à on a

Dans cette relation, le polynôme est le quotient de la division de par  ; donc la condition (4) sera remplie, si la suivante est satisfaite

Cette dernière peut être mise sous cette autre forme

et l’on voit que la condition (6) sera satisfaite par et par tout nombre supérieur à si l’on a seulement

pourvu toutefois que soit trouvé  ; sans quoi la relation (7) pourrait ne pas entraîner la relation (6). La relation (7), et conséquemment toutes les précédentes seront donc satisfaites, (sauf l’exception qui vient d’être indiquée), si l’on a

ou

ou encore

or, cette dernière condition sera remplie par et, à fortiori, par tout nombre plus grand que si l’on a seulement

ou

ou enfin

Maintenant, pour et pour tout nombre la relation (10) sera satisfaite, ainsi que chacune des précédentes, jusqu’à la relation (7) ; et, parce que (13) donne les mêmes nombres qui satisferont à (10) satisferont aussi à (6), et par conséquent à la relation (4) ; donc

III. Voici présentement diverses observations propres à déduire de cette formule une limite très-approchée de la plus grande racine additive, même dans les cas qui paraissent les moins favorables.

1.o Si le premier coefficient soustractif était précédé d’un coefficient additif tel qu’on eût

comme alors le binôme serait additif, pour toute valeur de  ; on pourrait faire abstraction du signe qui procède et considérer comme premier coefficient soustractif le premier des suivans, qui ne se trouverait précédé d’aucun coefficient additif au moins aussi éloigné de zéro.

2.o Si coefficient soustractif le plus éloigné de zéro, était précédé d’un coefficient additif tel qu’on eût

on pourrait, a ce coefficient, substituer le premier des suivans, que ne précéderait pas un coefficient additif au moins aussi éloigné de zéro.

3.o Si, le second terme étant négatif, le premier trinôme mis sous la forme avait ses deux dernières racines imaginaires ; ce qui arriverait si l’on avait ce trinôme resterait additif, quelque valeur réelle qu’on donnât à  ; on pourrait donc faire abstraction du signe du second terme, et prendre tant pour premier coefficient soustractif que pour coefficient soustractif le plus éloigné de zéro, ceux des suivans qui satisferaient à ces conditions. À quoi on doit ajouter qu’on pourrait, à l’égard de ces derniers, faire usage des deux remarques précédentes.

4.o Si ou pouvaient être compris, comme seconds termes, dans des trinômes à racines imaginaires, on pourrait faire abstraction des signes qui les affectent, et les considérer comme additifs.

5.o Si l’un ou l’autre des termes peuvent être compris dans un groupe de termes rendus additifs, par une substitution très-inférieure à celle que donne l’usage de la formule, même modifiée, alors ces termes devront tous être considérés comme s’ils étaient positifs, et il faudra les remplacer par des termes choisis dans les deux parties restantes du premier membre de l’équation.

6.o Enfin, si l’on pouvait décomposer le premier membre de en plusieurs groupes rendus respectivement additifs par tous on serait sûr que devrait être inférieur au plus grand de tous les nombres

IV. EXEMPLE I. Soit l’équation

On sait que la formule indiquée par Lacroix donnerait Le premier usage de la formule donne On peut modifier cette limite en écrivant l’équation (1) comme il suit

or, comme le binôme est toujours additif, pour la formule donne ou

On peut encore écrire la proposée sous la forme

et, comme le terme est rendu additif par on a

Enfin la proposée peut être écrite comme il suit

et, comme le trinôme a ses racines imaginaires ; on a

EXEMPLE II. Soit l’équation

Le premier emploi de la formule donne Mais, en écrivant la proposée sous la forme

comme les racines du trinôme sont imaginaires, on pourra prendre ou

On peut encore écrire la proposée comme il suit :

par ce qui précède, devant être on peut faire abstraction du terme toujours additif, pour toute valeur de au-dessus de cette limite ; on pourra donc prendre pourvu que cette valeur ne soit pas inférieure à  ; elle peut donc être admise, car elle donne

EXEMPLE III. Soit l’équation

Ce cas est un des plus favorables à la méthode des dérivées successives, qui donne bientôt Le premier usage de la formule donne  ; mais, en mettant la proposée sous la forme

on trouve Ainsi, dans les cas même les plus défavorables, la méthode que je viens d’exposer ne le cède guère à celle des dérivées.

Je ne dirai rien de la limite des racines soustractives, dont la recherche peut toujours, comme l’on sait, être ramenée à ce qui précède.