Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 03/Analise élémentaire, article 5

QUESTIONS RÉSOLUES.

Solutions du problème d’alliage proposé à la page
du deuxième volume des
Annales.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

Énoncé. Deux vases et dont les capacités sont respectivement et sont remplis, l’un et l’autre, d’un mélange d’eau et de vin dont la proportion est connue pour chaque vase. On a deux mesures égales, dont la contenance commune est et que l’on plonge en même temps dans les deux vases pour les remplir ; après quoi on verse dans chaque vase le liquide tiré de l’autre. On réitère la même opération fois successivement. On demande quelle sera alors la proportion de l’eau et du vin dans chaque vase ?

Première solution ;
Par M. Lhuilier, professeur de mathématiques à l’académie
impériale de Genève.

Soient les quantités d’eau qui se trouvent rester dans le vase après trois opérations consécutives quelconques, et les quantités d’eau correspondantes qui se trouvent dans le vase

Par l’opération qui fait passer les quantités d’eau des deux vases de et à et on extrait, savoir :

de une quantité d’eau exprimée par

de B une quantité d’eau exprimée par

on aura donc

et on aura pareillement

on a d’ailleurs

éliminant donc et entre ces trois équations, il viendra

partant, les quantités d’eau successives contenues dans le premier vase forment une suite récurrente du second ordre, dont l’échelle de relation est

cette suite récurrente provient donc du développement d’une fraction dont le dénominateur est

c’est-à-dire,

ou, ce qui revient au même, du développement de la somme de deux fractions de la forme

or, les termes généraux correspondans de ces développemens sont

et

partant

et étant deux constantes qu’il s’agit présentement de déterminer d’après l’état initial du mélange dans les deux vases.

Soient et les quantités d’eau qui se trouvaient respectivement dans les deux vases et avant la première opération ; après cette première opération il se trouvera dans le vase une quantité d’eau exprimée par

ainsi il faut qu’en faisant successivement

on ait

ce qui donne

de là

et partant

De là on déterminera le moment (s’il est possible) ou les quantités d’eau contenues dans les deux vases seront entre elles dans un rapport donné, où celui auquel la quantité d’eau contenue dans l’un de ces vases sera égale à une quantité donnée.

Si, dans l’état initial du mélange, les quantités d’eau contenues dans les deux vases sont respectivement proportionnelles aux capacités de ces vases, on a de là et partant

Ainsi, dans ce cas particulier, quelque multipliées que soient les opérations, l’état des deux mélanges demeure invariable.

Deuxième solution ;
Par M. Tédenat, correspondant de la première classe de
l’Institut, recteur de l’académie de Nismes.

Soient après opérations, la quantité d’eau qui se trouve dans le vase et la quantité d’eau qui se trouve dans le vase À la fin de l’opération suivante, ces deux quantités seront devenues respectivement et  ; or, il est clair que la quantité d’eau qui se trouvera alors dans le vase sera égale à celle qui s’y trouvait après la opération, moins celle que la en a soustraite, plus celle qu’elle y a introduite ; ce qui donne sur-le-champ l’équation

Mais, d’un autre côté, si l’on désigne par et les quantités d’eau qui se trouvaient respectivement dans les deux vases et avant la première opération, on aura

d’où

substituant donc dans l’équation ci-dessus, elle deviendra

équation du premier ordre aux différences, entre les deux variables et dont les coefficiens sont constans, et dont l’intégrale est

[1]

étant une constante arbitraire.

Or, à doit répondre  ; donc

d’où

et par conséquent

D’après cela, si l’on dénote simplement par les quantités d’eau, et par les quantités de vin contenues respectivement dans les deux vases et après la opération ; et si en outre et sont les quantités de vin que renfermaient ces deux vases, avant la première opération ; en observant que

on trouvera

Parmi une multitude de remarques auxquelles ces formules peuvent donner lieu, nous nous arrêterons aux suivantes. et étant, dans les cas, deux fractions positives, il en résulte que est toujours compris entre 0 et 2, et que conséquemment est toujours fractionnaire et compris entre et

Donc 1.o les valeurs de tendent constamment à se réduire à leurs premiers termes, à mesure que devient plus grand et elles y tendent de manière à rester toujours au-dessus ou toujours au-dessous, si l’on a ou tandis qu’au contraire elles se trouvent alternativement au-dessus et au-dessous de cette limite, si l’on a

2.o Si l’on avait exactement d’où les valeurs de atteindraient leurs limites respectives dès la première opération ; de manière que les opérations subséquentes n’y changeraient rien, et qu’alors le mélange se trouverait homogène dans les deux vases. Ainsi, en prenant la mesure on sera assuré, sans même connaître l’état initial du mélange dans chacun des deux vases, que ce mélange est exactement le même dans l’un et dans l’autre après une seule opération. Et il est de plus aisé de voir que la chose aurait lieu également, lors même que les liquides mêlés dans chacun s’y trouveraient au nombre de plus de deux.

  1. Voyez le Traité élémentaire de calcul différentiel et de calcul intégral de M. Lacroix, deuxième édition, page 573.

    De l’équation.

    on déduit

    d’où, en retranchant et transposant

    équation du second ordre qui rentre dans celle de M. Lhuilier.

    Pour l’intégrer, on posera d’où ce qui donnera, en substituant et divisant par

    d’où

    et

    donc

    Les constantes et se détermineront tant par l’équation du premier ordre que par l’état initial du mélange.

    J. D. G.