Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Géométrie, article 21

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Démonstrations du théorème de géométrie énoncé à la
page 196 de ce volume ;
Par MM. Encontre, Ferriot, Legrand, Pouzin, Penjon,
Lehault, Bret, Labrousse
et Rochat.
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Énoncé. Dans tout quadrilatère, plan ou gauche, la somme des quarrés des deux diagonales est double de la somme des quarrés des deux droites qui joignent les milieux des côtés opposés.

Les démonstrations de cette proposition données par MM. Encontre, professeur doyen de la faculté des sciences de l’académie de Montpellier ; Ferriot ; professeur au lycée de Besançon ; Legrand, professeur de mathématiques à Saint-Brieux, et Pouzin, de Montpellier, se réduisent également à ce qui suit.

On sait[1] qu’un quadrilatère, plan ou gauche, étant donné, si l’on en construit un autre dont les sommets soient les milieux des côtés du premier, ce dernier sera un parallélogramme dont les côtés opposés seront parallèles aux diagonales du quadrilatère donné, et en seront respectivement les moitiés.

Il est connu d’ailleurs[2] que, dans tout parallélogramme, la somme des quarrés des deux diagonales est égale à la somme des quarrés des quatre côtés.

Soit donc (fig. 15) un quadrilatère, plan ou gauche, et soient les milieux respectifs de et  ; par la première proposition on aura

on aura donc, en quarrant, ajoutant et divisant par 2,

mais, par la seconde proposition, on a

donc

M. Encontre remarque, à ce sujet, que tout parallélogramme inscriptible au cercle est nécessairement un rectangle, puisque les deux diagonales se coupant en deux parties égales sont nécessairement des diamètres et qu’ainsi ses angles se trouvent inscrits au demi-cercle.

M. Ferriot observe que, si l’on conçoit une suite de parallélogrammes tels que les sommets de chacun soient les milieux des côtés du précédent, et qu’on désigne par 1 l’aire du premier, la somme de leurs aires sera celle de la progression décroissante il remarque que la même proposition a encore lieu si la première figure, au lieu d’être un parallélogramme, est un quadrilatère quelconque.

M. Legrand remarque d’abord qu’en prenant le mot quadrilatère dans le sens le plus général, on peut, dans un quadrilatère plan ou gauche, considérer les deux diagonales comme deux côtés opposés, et vice versa ; si donc et sont les milieux des diagonales et (fig. 17) on devra avoir, en vertu du théorème démontré,

ce qui donne, en ajoutant,

c’est-à-dire : Dans tout quadrilatère, plan ou gauche, la somme de quarrés tant des côtés que des diagonales est quadruple de la somme des quarrés des droites qui joignent tant les milieux des côtés opposés que ceux des diagonales.

Ou autrement : Dans tout tétraèdre, la somme des quarrés des six arêtes est quadruple de la somme des quarrés des trois droites qui joignent les milieux des arêtes opposées.[3]

Si de la somme des deux dernières équations on retranche la première, il vient, en transposant

c’est-à-dire : Dans tout quadrilatère, plan ou gauche, la somme des quarrés des quatre côtés est égale à la somme des quarrés des deux diagonales, plus le quadruple du quarré de la droite qui joint les milieux de ces diagonales.[4]

Supposant ensuite que le quadrilatère est plan, formant le quadrilatère complet, et appliquait le théorème à chacun des quadrilatères simples qui le composent, M. Legrand parvient aux deux théorèmes que voici :

1.o Dans tout quadrilatère complet, la somme des quarrés des trois diagonales est égale à la somme des quarrés des six droites qui joignent les milieux des côtés opposés, dans les trois quadrilatères simples qui le composent.

2.o Dans tout quadrilatère complet, la somme des quarrés des douze côtés des trois quadrilatères simples qui le composent est égale au double de la somme des quarrés des trois diagonales, plus le quadruple de la somme des quarrés des trois distances des milieux de ces diagonales, pris deux à deux.

M. Penjon, professeur au lycée d’Angers, a démontré la proposition comme il suit :

Tout étant d’ailleurs dans la figure 16 comme dans la figure 15, soient menées et  ; par un théorème connu[5] les triangles donneront

Ajoutant les deux dernières équations au double de la première, il viendra, en réduisant, transposant et divisant par 2

c’est-à-dire : Dans tout quadrilatère, plan ou gauche, la somme des quarrés des deux diagonales est égale à quatre fois le quarré de la droite qui joint les milieux de deux côtés opposés quelconques, plus la somme des quarrés de ces mêmes côtés, moins la somme des quarrés des deux autres ; proposition qui rentre au surplus dans l’une de celles de M. Legrand.

On aura donc pareillement

prenant la demi-différence de ces équations, il viendra, en transposant,

c’est-à-dire : Dans tout quadrilatère, plan ou gauche, la somme des quarrés de deux côtés opposés, plus le double du quarré de la droite qui joint leurs milieux, est égale à la somme des quarrés des deux autres côtés, plus le double du quarré de la droite qui joint les milieux de ces derniers.

Ou autrement : Dans tout tétraèdre, la somme des quarrés de deux arêtes opposées quelconques, plus le double du quarré de la droite qui joint leurs milieux, est une quantité constante.[6]

Si au contraire, on prend la demi-somme de ces équations, il viendra

ce qui démontre la proposition annoncée.

Voici la démonstration de M. Lehault, élève du lycée d’Angers.

Soient (fig. 17) les milieux respectifs des deux diagonales et et soient menées les droites  ; on sait[7] que ces huit droites, moitiés des côtés du quadrilatère sont les côtés de deux parallélogrammes dont est une diagonale commune ; on aura donc, par le théorème déjà rappelé,

ou

ou

on aura pareillement

En prenant la différence de ces équations, on retomberait sur l’un des théorèmes de M. Penjon ; mais si l’on en prend au contraire la somme, il viendra

c’est-à-dire : Dans tout quadrilatère, plan ou gauche, la somme des quarrés des quatre côtés est égale au double de la somme des quarrés des deux droites qui joignent les milieux des côtés opposés, augmenté du quadruple du quarré de celle qui joint les milieux des deux diagonales.

Or, on a, par un théorème connu,[8]

donc, en retranchant et transposant,

ce qui démontre la proposition annoncée.

MM. Bret, professeur à la faculté des sciences de l’académie de Grenoble, Labrousse, professeur de mathématiques à Montélimart, et Rochat, professeur de navigation à St-Brieux, ont démontré le théorème par l’analise. Nous indiquerons seulement la démonstration de M. Bret, qui nous a paru remarquable par sa généralité et son élégante brièveté. Soient tant de points qu’on voudra, disposés d’une manière quelconque dans l’espace et rapportés à trois axes rectangulaires quelconques ; soient les coordonnées du point  ; celles du point  ; et ainsi des autres. Soit designé par le milieu de la droite qui joint les points et et soient adoptées des notations analogues pour les milieux des droites qui joignent les autres points deux à deux ; les coordonnées du point seront, comme l’on sait, celles du point seront, comme l’on sait, et il en sera de même pour les autres.

Soient enfin adoptées, pour abréger, les notations que voici :

en observant que, quelles que soient deux quantités on a l’équation identique

on aura

c’est-à-dire,

ce qui démontre la proposition annoncée.

Loin que la proposition ainsi démontrée en présuppose aucune antre, on peut au contraire en déduire facilement, comme corollaires, toutes celles sur lesquelles on s’est appuyé dans les démonstrations précédentes, et un grand nombre d’autres. M. Bret se contente d’en donner les exemples qui suivent.

On peut d’abord supposer que le quadrilatère est un parallélogramme ; alors la droite qui joint les milieux de deux côtés apposés devient égale à chacun des deux autres côtés ; le théorème devient donc alors la propriété du parallélogramme sur laquelle se sont appuyés MM. Encontre, Ferriot, Legrand et Pouzin.

Dans la formule

on peut permuter à volonté les lettres entre elles ; on peut donc écrira

Si, laissant la dernière de ces trois équations, on ajoute seulement entre elles les deux premières, il viendra

ce qui est un théorème de M. Penjon ; mais, en vertu de la propriété du parallélogramme qui vient d’être démontré, on a

donc

ce qui est le théorème d’Euler sur lequel s’est appuyé M. Lehault.

En prenant la somme des trois équations on obtient

propriété du tétraèdre démontré par M, Legrand.

Si, dans cette dernière formule, on suppose que le point se confond avec le point on aura

elle deviendra donc

mais, par la propriété des parallèles, on a

d’où

substituant donc, il viendra, en réduisant,

c’est la propriété du triangle, sur laquelle s’est appuyé M. Penjon.

M. Bret termine en observant que cette propriété du triangle donne lieu à un théorème assez remarquable que voici :

La somme des quarrés des distances d’un point fixe aux deux extrémités d’un même diamètre quelconque d’une sphère est une quantité constante, égale au double du quarré du rayon de la sphère, augmenté du quadruple du quarré de la distance du point fixe au centre de cette sphère.

La même propriété a évidemment lieu pour le cercle, soit que le point fixe se trouve sur son plan ou qu’il soit hors de ce plan.

  1. Voyez le tome 1.er des Annales, page 353.
  2. Voyez le corollaire de la proposition xiv du livre iii de la Géométrie de M. Legendre.
  3. Voyez la page 358 du tome 1.er des Annales.
  4. Voyez le tome 1.er des Annales, page 358.
  5. Voyez la même page.
  6. Voyez le tome 1.er des Annales, page 360.
  7. Voyez le tome 1.er des Annales, pages 313 et 353.
  8. Voyez le tome 1.er des Annales, pages 313 et 353.