Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Géométrie, article 15

GÉOMÉTRIE.

Lieu aux sections coniques, relatif au problème traité
à la page 302 du premier volume des
Annales.
Par M. Lhuilier, professeur de mathématiques à l’académie
impériale de Genève.
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Le problème proposé à la page 232 du 1.er volume des Annales, relativement à deux canaux rectilignes, a été discuté, d’une manière très-intéressante par M. Tedenat, à la page 302 du même volume. Cette discussion m’a engagé à présenter la question sous un autre point de vue, et à rechercher le lieu des points de chacun desquels abaissant des perpendiculaires sur deux droites données de position, et menant une droite à un point donné, la somme de ces perpendiculaires et de cette droite soit d’une grandeur constante.

Lemme. Soient deux droites données de position, et soient, deux droites correspondantes données de grandeur. D’un point quelconque, pris sur le plan de ces droites, soient abaissées sur elles des perpendiculaires. Soient pris les rectangles de ces perpendiculaires par les droites correspondantes données de grandeur, et soit prise la somme de ces rectangles.

On peut substituer à cette somme le rectangle de la perpendiculaire abaissée du même point sur une droite à déterminer de position par une droite à déterminer de grandeur de la manière suivante :

Soient et (fig. 2) deux droites données de grandeur et de position qui se coupent en . Soit prolongée au-delà de d’une quantité soit menée , et soit coupée cette droite en deux parties égales au point  ; enfin soit menée , cette dernière droite sera la droite à déterminer de position, et son double sera la droite à déterminer de grandeur ; c’est-à-dire, que, si d’un point quelconque on abaisse sur , les perpendiculaires , on a l’équation [1]

En particulier, si les droites et sont égales entre elles, la droite coupe en deux parties égales l’angle , et elle est perpendiculaire à la droite qui coupe en deux parties égales l’angle . L’expression de est alors , et on a

Cette proposition n’est qu’un cas particulier d’une propriété générale du centre des moyennes distances, que j’ai développée dans mes Élémens d’analise, etc., pag., 52-59.

Application. Soient deux droites qui se coupent données de position, et soit un point donné de position. On propose de trouver le lieu des points de chacun desquels abaissant des perpendiculaires sur les droites données de position, et menant une droite au point donné, la somme de ces perpendiculaires et de cette droite soit donnée de grandeur.

Soient et (fig. 3) deux droites données de position, se coupant en Soit un point dpnné de position. Soit un point duquel on abaisse sur et , les perpendiculaires , et on mène la droite . Que la somme soit donnée de grandeur ; on demande le lieu du point  ?

Par le point soit menée la droite qui divise en deux parties égales l’angle de suite de l’angle . Soit aussi perpendiculaire à . Par le lemme précèdent  ; donc la somme est donnée de grandeur. Soit la droite qui divise en deux parties égales l’angle et sur soient abaissées les perpendiculaires et .

Première supposition. Que la somme donnée soit On aura d’où.

1.o Soit ou que l’angle vaille le tiers de deux droits (fig. 3) ; on aura  ; partant le lieu du point est une droite donnée de position, menée par parallèlement à celle qui divise l’angle en deux parties égales.

2.o Puisque .(fig.4) n’est pas plus petit que  ; n’est pas plus petit que l’unité, et partant l’angle ne peut pas être plus petit que le tiers de deux droits. Soit donc  ; on a Le lieu des points est donc une droite menée par et rencontrant sous un angle dont le cosinus est

Seconde supposition. Que la somme donnée soit différente de  ; soit cette somme égale à

Puisque

on aura

ou

1.o Soient on aura . Ainsi le lieu des points est alors une parabole dont est le foyer, et dont la directrice est la perpendiculaire élevée du point à la droite .

2.o Soit on aura aussi  ; et le rapport de à sera un rapport constant. Le lieu des points sera donc alors une ellipse ayant le point pour un de ses foyers et dont la directrice correspondant à ce foyer sera la perpendiculaire élevée du point à la droite .

3.o Soit enfin on aura aussi et en rapport constant. Le lieu des points sera donc une hyperbole dont le point sera l’un des foyers et dont la directrice correspondant à ce foyer sera la perpendiculaire élevée du point à la droite .

Remarque I. On peut substituer aux droites dont on prend la somme de leurs rectangles par des droites données.

Remarque II. On peut aussi généraliser cette recherche, et l’étendre à un nombre quelconque de droites données de position, qui partent ou non d’un même point ; vu que le lemme sur lequel la proposition repose, s’étend à un nombre quelconque de droites données de position sur un plan.

Remarque III. Aux droites données de position sur un plan, on peut substituer des plans donnés de position, qui se coupent ou non en un même point ; vu que le lemme sur lequel la proposition est fondée, s’étend à des plans donnés de position. (Voyez l’ouvrage déjà cité, pag. 150-155). Le lieu cherché dans l’espace est un plan ou une surface de révolution du second ordre.

Remarque IV. Comme la comparaison des méthodes est un des points les plus importans dans les sciences de raisonnement, je crois devoir ajouter ici le procédé fondé sur la doctrine des coordonnées.

Que les équations des droites données soient,

que les coordonnées du point donné soient et  ; que les coordonnées du point cherché soient et .

Les perpendiculaires abaissées du point cherché sur les droites données sont,

La distance du point donné au point cherché est

soit enfin la somme constante donnée, l’équation du lieu géométrique des points sera

Si l’on désigne par l’angle des deux droites données, cette équation deviendra

d’où on conclura, en transposant et quarrant

ou en développant et ordonnant

Remarque V. Que le point cherché doive être situé sur la circonférence d’un cercle donné dont le point donné est le centre ; la somme des perpendiculaires abaissées du point cherché sur les droites données de position sera susceptible de limites, soit en grandeur, soit en petitesse ; et on déterminera ces limites comme il suit.

Du point donné soit abaissée une perpendiculaire sur la droite qui divise en deux parties égales l’angle de suite de l’angle  ; les points dans lesquels cette perpendiculaire rencontrera la circonférence du cercle, seront les points auxquels répondront la plus grande et la plus petite valeurs des sommes de perpendiculaires abaissées sur les droites données de position.

  1. En effet, en prolongeant d’une quantité , et menant et , la figure sera un parallélogramme, et conséquemment pourra être considérée comme représentant en grandeur et en direction la résultante de deux forces, représentées en grandeur et en direction par et Alors, en considérant le point comme le centre des momens, on devra avoir en effet l’équation ci-dessus.
    (Note des éditeurs.)