Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Astronomie, article 2

ASTRONOMIE.

Examen d’une nouvelle théorie du mouvement de la
terre, proposée par le docteur WOOD ;
Par M. D. Encontre, professeur, doyen de la faculté des
sciences de l’académie de Montpellier.
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Le n.o 372 de la Bibliothèque Britannique, et le n.o 118 du journal de Nicholson annoncent « une nouvelle théorie de la rotation diurne de la terre, démontrée d’après les principes mathématiques, et fondée sur les propriétés de la cycloïde et de l’épicycloïde ; avec une application de cette théorie aux phénomènes des vents, des marées. et des concrétions pierreuses et métalliques qui tombent des cieux sur la terre. »

La théorie dont il s’agit se trouve amplement développée dans un grand ouvrage publié à Richmond, en Virginie, par le docteur Wood ; mais, les libraires de ce pays-là n’ayant pas de communications bien régulières avec les nôtres, on ne connaît guère cet ouvrage en France que par l’extrait qu’en ont donné les auteurs de la Bibliothèque britannique ; extrait qui, bien que peu étendu, renferme heureusement tout ce qu’il faut pour éclairer l’opinion des physiciens géomètres. Nous pouvons, en effet, nous passer des raisonnement du docteur Wood, pourvu que nous ayons une idée bien nette des principes sur lesquels il les établit. Ce sont ces principes, tels du moins que la Bibliothèque britannique nous les donne, que je me propose de soumettre ici à une analise rigoureuse. Il est d’autant plus nécessaire de les bien discuter que les conséquences en sont tout-à-fait alarmantes, et ne tendent à rien moins qu’à renverser entièrement le magnifique édifice de la Mécanique céleste.

Le premier principe posé par le docteur Wood est que, lorsqu’un cercle roule sur une ligne droite ou courbe, la partie supérieure de ce cercle est animée d’une vitesse plus grande que celle de sa partie inférieure.

Le second est que, la vitesse variant dans les différens points de la même circonférence, il est absolument nécessaire que la force centrifuge y varie aussi. Le docteur Wood regarde ce second principe comme une conséquence mathématique et rigoureuse du premier. Examinons, avec quelque détail, jusqu’à quel point et dans quel sens son opinion peut être admise.

§. 1.
QUESTION. Lorsque la roue d’un char, ou tout autre cercle solide, roule sur une ligne droite, la partie supérieure de la circonférence a-t-elle plus de vitesse que n’en a sa partie inférieure ?

1. Cette question qui fut, dit-on, le sujet d’un pari considérable, entre quelques savans Anglo-Américains, n’est pas bien difficile à résoudre. On conçoit, en effet, qu’au point le plus élevé de la roue, le mouvement de rotation et le mouvement de translation s’exécutent dans le même sens, tandis qu’au point le plus bas, qui est aussi le point tangent, ils ont lieu en sens contraire. La vitesse absolue du point le plus élevé est donc la somme des vitesses de rotation et de translation, tandis que la vitesse absolue du point le plus bas en est la différence : ces deux vitesses sont donc essentiellement inégales. La première peut même être infiniment plus grande que la seconde ; et c’est ce qui arrive, lorsque la vitesse de translation est égale à la vitesse de rotation ; car alors la vitesse absolue du point le plus bas est sensiblement nulle, tandis que celle du point le plus haut est double de celle du centre.

§. 2.
Généralisation de la question précédente.

2. Ces expressions : partie supérieure, partie inférieure, point le plus haut, point le plus bas, ont quelque chose d’équivoque et peuvent induire en erreur, sur-tout lorsqu’on en fait usage en astronomie et qu’on dit, avec le docteur Wood, qu’un même point de la terre est plus haut, quand on y compte midi, qu’il ne l’est quand on y compte minuit.

D’un autre côté, la roue qui roule sur une droite et qui applique successivement chacun de ses points sur cette droite, de manière que la longueur parcourue, pendant le temps que dure une révolution entière, soit exactement égale à la circonférence de la roue, ne nous présente qu’un cas très-particulier de la génération des cycloïdes.

Il importe donc de se faire un langage plus géométrique, et de considérer la question sous un point de vue plus général et plus simple à la fois, en concevant toutes les cycloïdes, tant communes qu’allongées et raccourcies, engendrées par un point pris sur la circonférence d’un cercle qui tourne autour de son centre, tandis que ce centre est lui-même emporté, d’un mouvement uniforme, le long d’une droite située dans le plan du cercle tournant.

3. Soient (fig. 1) deux diamètres d’un même cercle se coupant à angles droits. Soient deux droites qui touchent le cercle aux points , et qui par conséquent sont parallèles l’une à l’autre et au diamètre . Que le cercle tourne uniformément autour de son centre, tandis que ce centre lui-même se meut uniformément le long de . Chaque point de la circonférence du cercle décrira une cycloïde, laquelle sera commune, accourcie ou allongée, suivant que l’espace parcouru par le centre du cercle, pendant une révolution, sera égal à sa circonférence, moindre que cette circonférence ou plus grand qu’elle.

4. Dans cette hypothèse, les droites paraissent être semblablement placées relativement au cercle tournant, et, si pour éviter toute difficulté, on suppose le plan de ce cercle horizontal, il n’existera absolument aucune raison, soit physique soit géométrique, de regarder l’une de ces deux lignes comme supérieure et l’autre comme inférieure ; mais, dès qu’on aura déterminé le sens de la rotation du cercle, et le sens de la translation de son centre, on reconnaitra sans peine que le mouvement du point tangent à l’une des deux droites dont il s’agit, est très-différent du mouvement du point tangent à l’autre. Concevons, par exemple, que le centre se meuve dans le sens , et que le cercle tourne dans le sens  ; le point , par le seul effet de son mouvement de rotation, doit décrire, au premier instant une petite droite suivant , et, par le seul effet de son mouvement de translation, une autre petite droite, dans le même sens. Il est donc évident que le point , par l’effet simultané de ces deux mouvemens, doit décrire suivant , au premier instant où il se meut, un espace égal à la somme des espaces que ces deux mouvemens lui feraient séparément parcourir.

Le point , au contraire, est sollicité par la rotation dans le sens et par la translation dans le sens , directement opposé. La vitesse réelle de ce point , en vertu des deux mouvemens dont il est animé, n’est donc que la différence des vitesses que chacun de ces mouvemens tend à lui imprimer.

5. On voit donc clairement que, si un cercle tourne sur son centre, et se meut en même temps d’un mouvement rectiligne et uniforme, entre deux parallèles qu’il touche continuellement, les vitesses absolues des deux points tangens sont très inégales : l’un se mouvant avec la somme et l’autre avec la différence des vitesses de rotation et de translation. Il a plu au docteur Wood d’appeler demi-circonférence supérieure, celle qui contient le point tangent qui a la plus grande vitesse, et demi-circonférence inférieure, celle qui contient le point tangent qui a la moindre vitesse. Ainsi, dans notre hypothèse et dans son langage, est la demi-conférence supérieure, et est l’inférieure ; mais si, le cercle continuant à tourner dans le même sens, son centre, au lieu d’aller de vers , allait dans le sens , la demi-circonférence devrait être regardée comme inférieure, et la demi-circonférence comme supérieure. Ceci suffira, sans doute, pour prévenir toute équivoque à cet égard.

§. 3.
Recherche de la vitesse absolue dans la cycloïde.

6. Quoi qu’il en soit du langage adopté par le docteur Wood, sa première proposition n’en est pas moins certaine, et, le point se mouvant plus vite que le point , nous sommes en droit d’affirmer que les différens points d’une même circonférence roulant sur une droite, ne sont pas tous animés d’une même vitesse absolue. Toute courbe d’ailleurs pouvant être regardée comme formée d’une infinité de petites droites, et tout mouvement comme une suite de petits mouvemens uniformes, la même proposition s’étend généralement à toute circonférence de cercle roulant d’un mouvement quelconque sur une courbe quelconque.

7. Mais il ne suffit pas de savoir que les différens points de la circonférence sont animés de vitesses inégales, il faut encore être en état de comparer la vitesse absolue d’un point avec celle d’un autre point quelconque, pris sur la même circonférence. Wood, en s’occupant de cette recherche, ne paraît pas avoir embrassé la question dans toute sa généralité, si du moins nous jugeons de son travail par l’extrait qu’en a donné la Bibliothèque britannique, où l’on ne trouve d’ailleurs qu’une formule algébrique, sans aucune trace de l’analise que l’auteur a pu suivre pour y parvenir. Il ne sera donc pas inutile de donner ici une solution directe et complette de ce problème intéressant.

8. Proposons-nous donc de trouver, dans l’hypothèse d’un cercle tournant uniformément sur son centre, avec une vitesse donnée, pendant que ce centre se meut d’un mouvement rectiligne et uniforme avec une vitesse aussi donnée ; proposons-nous, dis-je, de déterminer la vitesse d’un point quelconque de la circonférence, laquelle est aussi la vitesse, au point correspondant de la cycloïde décrite. Soit ce point, et soit sa position déterminée par le nombre de degrés de l’arc  : le point , que nous appellerons aussi l’origine, étant supposé celui des deux points tangens dont le mouvement de rotation est dirigé dans le sens du mouvement de translation.

Menons la tangente , et concevons qu’en vertu du mouvement de rotation, si lui seul avait lieu, le point dût parcourir, pendant l’élément du temps, l’arc élémentaire , se confondant avec le prolongement de la tangente ; et que le même point , soumis au seul mouvement de translation, dût, dans le même temps, parcourir la petite droite , parallèle à . Soient et les quotiens respectifs de et par l’élément du temps ; et seront ainsi les vitesses de rotation et de translation.

Achevons le parallélogramme  ; sa dianogale sera l’espace parcouru par le point , pendant l’élément du temps, en vertu des mouvemens combinés de rotation et de translation ; soit le quotient de la division de par l’élément du temps ; sera conséquemment la vitesse absolue cherchée.

Soit prolongée jusqu’à la rencontre du diamètre en , et soit mené le rayon  ; nous aurons  ; de plus, à cause des angles égaux et , le dernier de ces angles sera supplément de , en sorte qu’on aura

or, par un des théorèmes fondamentaux de la trigonométrie, le triangle donne

substituant donc, il viendra,

ou enfin, en divisant par le quarré de l’élément du temps

Ainsi la vitesse de translation ou, ce qui revient au même, la vitesse du centre est à la vitesse absolue d’un point quelconque de la circonférence, comme est à  ; étant l’arc compris entre ce point et celui dont la vitesse est la plus grande.

9. Si l’on suppose successivement que le point devient chacun des points , l’arc deviendra successivement  ; son cosinus deviendra donc successivement on aura donc

le premier et le dernier de ces résultats sont, comme l’on voit, exactement conformes à ce que nous avions trouvé (1 et 4).

10. Si l’on observe que et sont tous deux positifs, et que est positif ou négatif, suivant que le point se trouve entre et ou entre et , il sera facile d’en conclure que tout point situé entre le point et le diamètre a plus de vitesse absolue que le point , et qu’au contraire tout point situé entre le point et le même diamètre a moins de vitesse absolue que le point  ; de manière que la vitesse absolue croit sans cesse de en où elle atteint son maximum, tandis qu’au contraire elle décroit sans cesse de en où elle atteint son minimum.

11. Déterminons présentement les composantes de la vitesse absolue du point , dans le sens des axes . Si nous abaissons perpendiculaire sur , cette droite exprimera la vitesse dans le sens , tandis que exprimera la vitesse dans le sens  ; or

12. Si le point , se détachant de la circonférence, se mouvait uniformément, dans la direction , avec la vitesse absolue que nous lui avons trouvée, et parvenait, au bout d’un certain temps , au point , en abaissant de ce point une perpendiculaire sur le prolongement de , on aurait

§. 4.
Détermination de la vitesse absolue dans les hélices. Relation curieuse
entre les hélices et les cycloïdes.

13. Si, tandis que le cercle tourne uniformément autour de son centre ; ce centre, au lieu de parcourir une droite située dans le plan du cercle, se meut uniformément sur une droite dirigée d’une manière quelconque dans l’espace, en sorte que cependant le plan du cercle reste constamment parallèle à un plan invariable ; chaque point de la circonférence décrira une sorte d’hélice.

14. Concevons d’abord que la droite directrice du centre soit perpendiculaire au plan du cercle générateur ; la courbe engendrée par un point quelconque de la circonférence sera l’hélice droite ou vulgaire, celle dont il s’agit dans la statique élémentaire, lorsqu’on y traite de l’équilibre de la vis.

Soit toujours la vitesse de rotation ; soit la vitesse de translation, perpendiculaire au plan du cercle générateur, il est aisé de voir, sans recourir à une nouvelle figure, que la vitesse absolue d’un point quelconque de la circonférence génératrice est Cette vitesse absolue est alors évidemment la même pour tous les points de la circonférence.

15. Concevons, en second lieu, que la droite directrice du centre soit oblique au plan du cercle générateur, il en résultera une hélice oblique qui, bien qu’elle ait lieu dans la nature, n’a été encore, jusqu’ici, d’aucun usage dans les arts.

Concevons, par la directrice, un plan perpendiculaire à celui du cercle générateur et, dans ce cercle, soit mené un diamètre perpendiculaire à l’intersection des deux plans ; menons encore deux droites qui touchent le cercle générateur aux extrémités de ce diamètre. La projection du cercle, emporté le long de la directrice, en quelque point qu’on le suppose arrêté, sera constamment un cercle égal au premier et tangent à ces deux mêmes droites.

Décomposons le mouvement du centre en deux autres, l’un perpendiculaire au plan du cercle générateur et l’autre dirigé dans ce plan, parallèlement aux deux tangentes. Chaque point de la circonférence pourra être considéré comme étant animé de trois vitesses : savoir 1.o la vitesse de rotation ; 2.o la vitesse de translation parallèle aux tangentes ; 3.o enfin la vitesse de translation, perpendiculaire au plan du cercle.

Soit toujours la vitesse du point décrivant, dans le plan du cercle mobile, et soit sa vitesse absolue dans l’espace ; les deux vitesses et étant perpendiculaires l’une à l’autre, et se composant dans la vitesse unique , on aura mais on a (8) donc

Telle est l’expression générale de la vitesse absolue dans les hélices.

16. On voit, par ce qui précède, qu’il existe entre les hélices et les cycloïdes une relation très-remarquable ; ou plutôt que les cycloïdes ne sont que des hélices d’une espèce particulière. Si la directrice du centre du cercle générateur est perpendiculaire au plan de ce cercle, on obtient l’hélice droite, ainsi que nous l’avons déjà observé. Si l’on donne à la directrice différent degrés d’inclinaison, on obtiendra les différentes sortes d’hélices obliques. Si enfin, en inclinant de plus en plus la directrice, on finit par la coucher dans le plan même du cercle générateur, les hélices dégénéreront en cycloïdes.

17. Aussi la formule du n.o 15 embrasse-t-elle tous les cas. Si la directrice est perpendiculaire au plan du cercle générateur, on a et par conséquent comme nous l’avons trouvé (14) pour l’hélice droite. Si, au contraire, cette directrice est dans le plan même du cercle générateur, on a et par conséquent comme nous l’avons trouvé (8) pour la cycloïde.

18. Si la vitesse du centre du cercle générateur sur la directrice rectiligne, au lieu d’être constante, variait d’une manière quelconque, et seraient variables, et on déterminerait la vitesse absolue d’un point de la circonférence, pour une époque quelconque, en substituant pour et , dans la formule générale, les valeurs qui répondraient à cette époque.

19. Si, au contraire, le mouvement du centre du cercle générateur était uniforme, mais curviligne, il faudrait considérer ce centre, à chaque instant, comme étant mu sur la tangente à la courbe ; ce qui, déterminant la situation du point et conséquemment la grandeur de l’arc , permettrait de faire encore usage de la même formule.

20. Enfin le mouvement du centre du cercle générateur pourrait être en même temps varié et curviligne, et il est aisé de voir, d’après ce qui précède, comment, dans ce cas, on ferait usage de la formule générale[1].

21. On pourrait aussi supposer que le rayon du cercle générateur varie, pendant le mouvement, suivant une loi quelconque ; ce qui donnerait naissance à des espèces de spirales ou volutes planes, ou à double courbure, ou que la vitesse de rotation est elle-même variable, ou enfin que la direction du plan du cercle générateur varie dans l’espace suivant une loi connue ; mais toutes ces recherches, d’ailleurs très curieuses, ne paraissent guère susceptibles d’une utile application.

§. 5.
QUESTION. La vitesse absolue étant variable, la force centrifuge le
sera-t-elle aussi ?

22. Après avoir suffisamment éclairci tout ce qui concerne la variation de la vitesse absolue, il nous reste à examiner le second principe posé par le docteur Wood, savoir : que, la vitesse absolue variant à chaque point de la circonférence, la force centrifuge varie aussi. Or, la première chose à faire pour se mettre en état de décider cette question, c’est de bien déterminer le sens qu’on attache au mot force centrifuge.

Un grand nombre de physiciens l’emploient comme synonyme de force tangentielle ou projectile ; voyez entre autres la Physique méchanique de Fischer, sec. II, chap. XIII, §. VI, pag. 49. Mais Huyghens, Newton, Jean Bernoulli, et une foule d’autres illustres géomètres entendent, par force centrifuge, la force avec laquelle un point contraint de décrire une courbe, tend à s’en écarter à chaque instant suivant la direction de la normale.

Ici même, c’est-à-dire, dans le cas d’un cercle tournant autour de son centre, pendant que ce centre est emporté dans l’espace d’une manière quelconque, on peut établir une distinction qui donne lieu, à considérer quatre sortes de forces centrifuges : on peut, en effet, considérer la force centrifuge ou par rapport à la trajectoire réellement décrite dans l’espace par un point de la circonférence, ou considérer cette force centrifuge par rapport à la circonférence ; et, dans chaque cas, cette même force centrifuge peut être envisagée sous les deux points de vue que nous venons d’expliquer.

On aura donc ainsi à considérer 1.o la force suivant une direction tangente à la trajectoire, laquelle sera variable comme la vitesse absolue ; 2.o la force suivant la direction tangente à la circonférence sur laquelle se meut le point décrivant ; 3.o la force normale à la trajectoire ; 4o enfin la force normale à la circonférence, ou dirigée suivant le prolongement du rayon mené au point décrivant.

Or, de ces quatre sortes de forces centrifuges, dont les trois premières varient de grandeur suivant le point que l’on considère, il n’y aurait proprement que la dernière qui, si elle variait aussi, pourrait détruire l’équilibre entre les parties d’un cercle tournant sur son centre. Il est clair, en effet, que, si les points de la circonférence sont également poussés vers le centre par la force d’attraction qu’on suppose la même pour tous ces points, et inégalement sollicités dans le sens opposé par la force centrifuge, qu’on suppose varier d’un point à l’autre, l’équilibre sera nécessairement détruit, et sa destruction exercera vraisemblablement une influence sensible sur les phénomènes des vents et des marées ; mais si, au contraire, tous les points de la circonférence sont, en même temps, également attirés et également repoussés, l’équilibre devra nécessairement être maintenu.

Prouvons donc que, dans le cas de la cycloïde, qui paraît être celui duquel Wood s’est principalement occupé, le point et un autre point quelconque , s’ils cessaient d’être retenus sur la circonférence, en conservant d’ailleurs leurs vitesses acquises, s’éloigneraient également du centre dans des temps égaux.

23. Concevons, pour cela, que le point qui, comme nous l’avons vu, est animé de la vitesse absolue suivant , parvienne en au bout du temps , nous aurons ainsi Or, dans le même temps que le point parcourt , le centre parcourt aussi une certaine longueur , laquelle est nécessairement égale à  ; si donc nous abaissons sur la perpendiculaire , coupant en le prolongement de , nous aurons

Nommant donc, le rayon , nous aurons

D’un autre côté le point , devenu libre, sera mu dans la direction avec une vitesse et parviendra, au bout du temps , en un point du prolongement de cette droite tellement situé qu’en abaissant de ce point, sur le prolongement de la perpendiculaire coupant en le prolongement de on aura (12)

d’où

donc

on a de plus, à cause de

on aura donc

ou, en développant et réduisant,

ainsi, au bout du temps , le point et le point quelconque , devenus libres, pendant que le cercle continuera à se mouvoir, se seront également écartés de son centre ; d’où l’on voit que la force centrifuge, proprement dite, la seule qui puisse troubler l’équilibre, est la même pour tous les points de la circonférence[2].

On voit donc que le système du docteur Wood n’est absolument pas soutenable. Son premier principe est vrai ; quand au second, il est vrai dans un sens et faux dans un autre, et c’est dans ce dernier sens qu’il en a prétendu pouvoir faire l’application à la rotation diurne de la planète que nous habitons.

  1. Soit, en général, un cercle tournant uniformément sur lui-même ; que le plan de ce cercle demeure constamment parallèle à un plan fixe, pendant que son centre est emporté d’un mouvement varié d’une manière quelconque, sur une courbe à double courbure, et proposons-nous de déterminer la grandeur et la direction de la vitesse absolue de l’un quelconque des points de la circonférence.

    Soit le rayon du cercle générateur et soit la vitesse de rotation commune à tous les points de sa circonférence. Soit pris un point quelconque de l’espace pour origine des coordonnées rectangulaires, et soit prise pour axe des une perpendiculaire au plan fixe auquel celui du cercle générateur est constamment parallèle. Enfin soient

    les coordonnées du centre ; les coordonnées du point décrivant.

    Supposons que les équations du mouvement du centre soient

    en sorte que l’élimination de , entre ces équations, conduise à celles de la directrice. On en tirera, par la différentiation,

    étant, ou du moins pouvant toujours devenir des fonctions de seulement, et représentant les vitesses du centre parallèlement aux axes.

    Soit l’angle variable que forme avec l’axe des la projection sur le plan des du rayon mené au point décrivant, en sorte qu’on ait

    on aura évidemment

    et l’élimination des variables entre les sept équations conduira à l’équation de la trajectoire décrite. Si au contraire on n’en élimine que les trois équations qu’on obtiendra seront celles du mouvement du point décrivant.

    Cela posé, dans les équations tout, excepté , étant variable et fonction de , en les différentiant sous ce point de vue, elles deviendront

    équations d’où on tirera, en ayant égard aux équations et observant que l’équation donne

    Désignant donc par la vitesse absolue du point décrivant, il viendra

    c’est-à-dire,

    Quant aux équations de la direction de cette vitesse, et conséquemment celle de la tangente à la trajectoire, en désignant maintenant par non pas les coordonnées du centre, mais celles du point de contact, elles seront

    L’axe des , et conséquemment l’angle , étant arbitraire par rapport à la directrice ; substituons à cet angle un autre angle , dépendant de la nature de cette directrice et de la manière dont elle est parcourue par le centre du cercle générateur. Prenons, par exemple, pour cet angle , l’angle que forme la projection, sur le plan des , du rayon mené au point décrivant, avec la normale à la projection de la directrice sur le même plan. Les équations de ces deux droites étant

    on aura

    d’où

    en désignant par la vitesse estimée dans le sens du plan du cercle générateur. Substituant donc, dans la valeur de , elle deviendra

    formule générale, de laquelle on déduira facilement tous les cas particuliers discutés dans le texte.

    (Note des éditeurs.)
  2. En conservant les notations et conventions de la note précédente, le centre du cercle est sollicité, à l’époque , parallèlement aux axes par des forces qui sont respectivement

    et le point décrivant est sollicité, au même instant, parallèlement aux mêmes axes, par des forces qui sont

    mais les axes faisant, avec le rayon mené au point décrivant, des angles dont les cosinus sont respectivement,

    les forces de la première sorte, estimées suivant ce rayon, seront

    et les forces de la seconde sorte, estimées suivant ce même rayon, seront

    Ainsi le rayon mené au point décrivant sera sollicité, suivant sa direction, savoir ; à l’une de ses extrémités, par une force unique égale à

    et, à son autre extrémité, par une force unique égale à

    la force centrifuge, proprement dite, évidemment égale à la différence de ces deux-là, sera donc simplement c’est-à-dire ; exactement la même que si le centre était fixe, et tout à fait indépendante de la situation du point décrivant sur la circonférence.

    (Note des éditeurs.)