Amours et Haines (1869)/Tristesse (Pailleron, 1869)
TRISTESSE.
Le temps de ma jeunesse a passé. — De mes ans
La source chaque jour plus lentement s’épanche,
Et toujours plus épaisse en ses flots plus pesans
Croît l’herbe qui s’enroule au roseau qui se penche.
De grands ronds paresseux, qu’irise de son fard
Un soleil moins brûlant dans un azur plus pâle,
Étirent mollement leurs volutes d’opale
Sur cette onde assoupie où dort le nénufar.
Bientôt… demain, cette eau qui faiblement murmure
N’aura plus une plainte et n’aura plus un pli,
Et sur le flot stagnant, comme une moisissure,
S’étendront tristement le silence et l’oubli.