(p. 44-47).

NOVEMBRE

LES SAINTS




Dreling, dreling,
c’est la fête de tous les Saints.

On en connaît qui sont venus,
— dites, de quels pays d’or et d’ivoire ! —
depuis des temps que nul n’a retenus,
dans ma contrée, en sa mémoire.
On en connaît qui sont venus de Trébizonde,
Dieu sait par quels chemins,
n’ayant pour seuls trésors au monde
que deux lys clairs entre leurs mains.

Dreling, dreling,
c’est la fête de tous les Saints.



Les plus hyperboliques
portent un sceptre écussonné ;
ils dominent, aux basiliques,
leur reliquaire illuminé ;
mais ceux dont plus personne
n’ose porter le nom transi
ont leur fête qu’on sonne
dans leur chapelle aussi.

Dreling, dreling,
c’est la fête de tous les Saints.

J’en sais de très pauvres, mais très honnêtes,
là-bas, au fond d’un bourg flamand,
Bernard, Corneille, Amand,
qui font le bien aux bêtes,
et quelques-uns laissés pour compte
aux gens pieux qui vous le content,
en Campine, dans le pays amer,
par des hommes qu’hallucinait la mer.



Dreling, dreling,
c’est la fête de tous les Saints.

Ceux-ci sont les patrons des carrefours,
où les commères les injurient,
à poings tendus, avec furie,
dès qu’ils ajournent leurs secours ;
et tels sont gras et tels sont maigres,
les uns bossus, les autres droits,
mais tous avec des ors, comme autrefois
les mages blancs et les rois nègres.

Dreling, dreling,
c’est la fête de tous les Saints.

Il en est dont la pauvre image
orne le môle d’un vieux port
et que l’orage en ses doigts tord
sur leur petit socle à ramages ;
d’autres sont là, au fond d’un bois,
dans une niche en porcelaine,
d’où leur tête d’un trop gros poids
a chu dans l’eau de leur fontaine.



Dreling, dreling,
c’est la fête de tous les Saints.

Mais qu’importe qu’ils soient grandis
ou rabaissés sur cette terre,
saints de la pluie ou du tonnerre
ne sont-ils pas au paradis ?
Aussi, pour ne froisser personne, ont-ils choisi
leur fête en or, au temps précis
où les vents d’ouest par les champs cornent,
le premier jour du grand mois morne.