Almageste/Livre I/04

Almageste
Traduction par Nicolas Halma.
Librairie scientifique J. Hermann (1p. 99-101).

CHAPITRE  IV.

LA TERRE OCCUPE LE CENTRE DU CIEL.

De la question de la figure de la terre, si l’on passe à celle de sa situation on reconnoîtra que ce qui paroît arriver autour d’elle, ne peut paraître ainsi, qu’en la supposant au milieu du ciel, comme au centre d’une sphère. En effet, si cela n’étoit pas il faudroit, ou qu’elle fût hors de l’axe à égale distance de chaque pole ; ou que, si elle étoit dans l’axe, elle fût plus proche de l’un des pôles, ou enfin, qu’elle ne fût ni dans l’axe, ni à égale distance de l’un ou de l’autre pole.

Ce qui prouve que la première de ces trois suppositions n’est pas vraie, c’est que, si la terre étoit placée de l’un ou de l’autre côté de l’axe, ensorte que certains points de la surface terrestre fussent au-dessus ou au-dessous de cet axe, ces points n’auroient jamais d’équinoxes, s’ils avoient la sphère droite, parce qu’alors l’horizon couperoit toujours le ciel en deux parties inégales, l’une au-dessus et l’autre au-dessous de la terre. Dans la sphère oblique, ou il n’y auroit pas d’équinoxes, ou bien ils n’arriveroient pas au milieu du passage d’un tropique à l’autre, ces distances étant nécessairement inégales, dans cette hypothèse. Car ce ne seroit plus le cercle équinoxial le plus grand des cercles parallèles décrits par la révolution autour des pôles, qui seroit coupé en deux parties égales par l’horizon mais un des cercles qui lui sont parallèles, soit boréaux, soit méridionaux. Cependant, tout le monde convient unanimement que ces distances sont égales pour tous les lieux (a), en ce que les accroissemens des jours comparés à celui de l’équinoxe, jusqu’au plus long dans les conversions (points tropiques, solstices) d’été, sont égaux à leurs diminutions jusqu’au plus court dans les points tropiques d’hiver. Si la terre étoit plus avancée vers l’orient ou vers l’occident, les grandeurs et les distances des astres dans l’horizon ne paroîtroient, à aucun point de sa surface, ni les mêmes, ni égales, le soir et le matin ; et le temps, depuis le lever de ces astres jusqu’à leur arrivée au méridien, ne seroit pas pour ces points égal à celui que ces mêmes astres emploieroient à aller du méridien à leur coucher. Cependant il n’est personne qui ne voie combien cela est contraire à l’expérience journalière.

Quant à la seconde hypothèse, qui place la terre dans l’axe du monde, mais plus avancée vers un pole que vers l’autre, on pourroit lui objecter que, dans ce cas, le plan de l’horison couperoit en chaque climat le ciel en deux parties inégales, l’une au-dessus, et l’autre au-dessous de la terre ; en raison de l’excentricité, il couperoit le ciel en deux parties égales, dans la sphère droite seulement. Mais dans la sphère oblique, où le pole le plus proche est toujours visible, la partie du ciel supérieure à la terre seroit plus petite, et l’inférieure plus grande en raison de la plus grande obliquité de la sphère. Ensorte que le grand cercle qui passe par le milieu des animaux (signes), seroit coupé en deux parties inégales par l’horizon. Toutefois, cela ne se voit nulle part : par-tout, six de ses douze divisions égales (dodécatémories) paroissent toujours au-dessus de la terre, les six autres étant invisibles ; et quand ces six dernières paraissent au-dessus, les six autres sont invisibles à leur tour. Ce qui prouve que les divisions du zodiaque sont coupées en deux moitiés par l’horizon, en ce que les mêmes demi-cercles sont entièrement, tantôt supérieurs tantôt inférieurs à la terre.

Et, généralement, si la terre n’étoit pas située dans le cercle équinoxial, mais qu’elle fût plus avancée vers l’un ou l’autre pole, soit boréal, soit austral, il arriveroit que, même sensiblement, les ombres projetées de l’orient par les gnomons, ne feroient plus, dans les équinoxes, une même ligne droite avec leurs correspondantes venant de l’occident, sur des plans parallèles à l’horizon. Cependant on voit constamment le contraire ; preuve évidente que la troisième supposition est inadmissible, puisque les raisons qui montrent l’absurdité des deux premières, se rencontrent également dans celle-ci pour la combattre et la détruire.

En un mot, si la terre n’occupoit pas le centre du monde l’ordre que nous voyons s’observer dans les accroissemens et décroissemens des jours et des nuits, seroit troublé et confondu. Outre que les éclipses de lune ne pourroient pas se faire pour toutes les parties du ciel, dans l’opposition diamétrale au soleil ; parce que souvent la terre ne seroit pas interposée entre les points où ces astres sont diamétralement opposés, mais dans des distances moindres que le demi-cercle.