Agriculture et conservation de l’environnement/Substances nutritives

Direction générale des communications chez Agriculture Canada (p. 12-14).

Substances nutritives


L’application chaque année de substances nutritives dans le sol devient indispensable pour une grande partie des terres cultivées du Canada. Les variétés agricoles à haut rendement actuellement sur le marché ainsi que l’amélioration des techniques culturales ont fait tellement augmenter la production qu’elle épuise les ressources nutritives naturelles du sol. Cet appauvrissement peut être en partie compensé par l’addition d’engrais. Toutefois, l’application d’engrais peut nuire à la qualité de l’eau si le sol reçoit une quantité excessive de substances nutritives. Des méthodes d’application inadéquates peuvent aussi favoriser l’entraînement des substances nutritives dans les eaux superficielles et souterraines.

Le phosphore appliqué en surface et non incorporé au sol a tendance à être emporté par les eaux de ruissellement, soit fixé à des particules de sol, soit dissous. Cette perte de phosphore se produit d’ordinaire sur les terres situées à proximité de cours d’eau et de fossés de drainage ou sur les sols à grain fin.

L’azote peut être entraîné par les eaux de ruissellement ou s’infiltrer dans le sol hors de la zone atteinte par les racines. L’azote qui n’est pas absorbé par les plantes ou qui n’est pas dénitrifié en azote gazeux peut contaminer les eaux souterraines ou quitter la mince couche de terre arable par les tuyaux de drainage. Ces tuyaux sont utilisés dans un grand nombre d’exploitations agricoles des régions humides du Canada. Ils court-circuitent le système naturel de distribution et d’évacuation des eaux souterraines de sorte que les substances nutritives peuvent moins être éliminées des eaux d’infiltration par des processus comme la dénitrification de l’azote et la fixation des phosphates. Aussi les concentrations de ces deux substances sont-elles en général un peu plus fortes dans les eaux des bassins où se produit un drainage souterrain intensif. Cependant, les sols ainsi drainés produisent en général moins de ruissellement superficiel et de sédiments.

En plus de provoquer l’eutrophisation, la pollution par les substances nutritives peut réduire la qualité de l’eau au point de la rendre impropre à la consommation par l’homme et le bétail. Les nitrates, importants engrais et substances nutritives pour les plantes aquatiques, ne limitent qu’occasionnellement l’eutrophisation. Mais une fois qu’ils se trouvent dans l’eau, ils peuvent causer des problèmes de santé tout aussi bien à l’homme qu’aux animaux. Si la teneur en nitrates dépasse la norme de 10 mg/L d’azote (sous forme de nitrates et de nitrites) fixée pour l’eau potable, elle peut nuire au transport de l’oxygène dans l’organisme. Les enfants de moins d’un an ainsi que le bétail et les jeunes animaux sont surtout vulnérables sur ce point. Dans certaines exploitations agricoles, il arrive que la teneur excessive en nitrates de l’eau d’alimentation réduise les taux de fertilité et diminue le nombre de naissances vivantes chez les animaux de ferme. Au Canada, il n’y a eu que quelques cas isolés de pollution de l’eau potable. La majorité d’entre eux étaient dus au tubage défectueux de puits situés à proximité de la zone de stockage du fumier. Néanmoins, il faut prendre le maximum de précautions pour atténuer la migration de l’azote vers les eaux souterraines et prévenir un problème plus grave.

Le phosphore ne semble pas toxique même aux fortes concentrations que contiennent parfois les eaux libres. Néanmoins, il suffit souvent d’une faible quantité de phosphore dans une étendue d’eau pour stimuler la croissance des cyanophycées (algues bleues) et d’autres organismes au point d’empêcher l’utilisation de l’eau par l’homme. Certains lacs sont naturellement eutrophes (très productifs) et reçoivent assez de phosphore et d’autres substances nutritives de sources naturelles pour produire des algues nuisibles. La pollution du ruissellement aggrave le problème. La croissance excessive de plantes aquatiques cause des problèmes multiples. Par exemple : elles sont inesthétiques et gâchent les plages ; elles épuisent les concentrations d’oxygène lorsqu’elles se décomposent, éliminant ainsi les poissons et organismes aérobies ; elles produisent des odeurs et des goûts désagréables et bouchent le filtre des prises d’eau aux stations de traitement.

La pollution par les substances nutritives utilisées en agriculture varie selon les bassins versants, le climat et les fluctuations annuelles du temps. Ainsi, les études effectuées dans la section inférieure de la vallée du Fraser, en 1976, montrent que les techniques culturales ne constituaient pas pour le fleuve même une source importante de pollution par les substances nutritives. Cependant, la même année, dans le bassin canadien des Grands Lacs, des recherches ont indiqué que 40 à 60 % de tout le phosphore qui avait pénétré dans les lacs par les affluents étaient d’origine agricole. Il semble que les applications d’engrais à base de phosphore supérieures aux proportions recommandées soient en partie la cause des fortes teneurs en phosphore soluble décelées dans certains cours d’eau.

Plusieurs méthodes peuvent réduire la pollution par les substances nutritives résultant de l’activité agricole. Un programme régulier de vérification du sol constitue le meilleur moyen de déterminer la quantité de phosphore nécessaire à un rendement optimal. Toutefois, les applications de phosphore conformes aux doses recommandées ne sauraient avoir un effet immédiat sur les charges de phosphore des cours d’eau, étant donné qu’au Canada, beaucoup de sols ont une teneur élevée en phosphore naturel ou accumulé. Il n’existe pas encore de méthodes satisfaisantes d’analyse du sol qui permettent de déterminer la proportion d’azote accessible aux plantes dans le sol des régions humides du Canada. Les doses d’engrais azotés recommandées pour une culture particulière dans une région donnée ne devraient pas être dépassées. Ces doses sont basées sur les besoins de la plante de même que sur le type de sol et le rendement escompté. Il est rare que des doses supérieures à celles recommandées augmentent le rendement des récoltes. Par contre, une application excessive d’azote accroît la quantité de nitrates qui peut s’infiltrer dans les eaux souterraines ou être entraînée par le ruissellement vers les cours d’eau.

Pour limiter la pollution par les substances nutritives qui proviennent des terres agricoles, les pratiques suivantes peuvent être efficaces :

  • mélanger l’engrais et le fumier à la terre le plus rapidement possible après leur application ;
  • réduire ou supprimer les applications d’engrais et de fumier sur les champs situés à proximité de cours d’eau et facilement inondables ;
  • disposer du fumier selon les règles (voir section suivante) ;
  • réduire l’érosion du sol, le ruissellement et le transport des sédiments ;
  • appliquer les engrais aux meilleurs moment et endroit pour leur absorption optimale par les plantes ;
  • planter des cultures de couverture d’hiver qui prélèvent les nitrates à l’automne et au début du printemps avant qu’ils s’infiltrent au-delà de la rhizosphère (les racines) des espèces printanières.


L’utilisation judicieuse des engrais et du fumier devrait permettre aux agriculteurs de tirer le maximum d’avantages des substances nutritives, tout en favorisant la protection de la qualité de l’eau.