Agriculture et conservation de l’environnement/Érosion du sol, ruissellement et transport des sédiments

Direction générale des communications chez Agriculture Canada (p. 6-11).

Érosion du sol, ruissellement et transport des sédiments


L’érosion du sol, le ruissellement et le transport des sédiments sont des phénomènes naturels. Cependant, en maints endroits, l’homme par ses activités en a accéléré la vitesse. En outre, certaines régions du Canada se heurtent aussi aux problèmes qui surgissent lorsque trop de terre arable riche en matières nutritives atteint les cours d’eau et les lacs (fig. 1).

L’érosion du sol se produit à des degrés divers sur toutes les terres cultivées, y compris les terres irriguées si les arrosages sont excessifs ou mal faits. L’eau de pluie et de fonte des neiges s’infiltre plus lentement lorsque le sol est devenu compact, ce qui a tendance à intensifier le ruissellement et l’érosion. Cette situation se produit en général sur les terres fréquemment utilisées pour la culture comme celle du maïs qui exige un labourage intensif. La détérioration de la structure du sol imputable à certaines pratiques culturales augmente les risques de pollution par le ruissellement et le transport des sédiments.

L’entraînement du sol par les eaux de ruissellement peut résulter de l’érosion en nappe ou en rigoles ou du ravinement. L’érosion par l’eau est souvent difficile à déceler lorsque les rigoles ne sont pas visibles. L’érosion en nappe uniforme sous l’action du vent ou de l’eau peut passer inaperçue. Une perte aussi importante que 22 t/ha (tonnes par hectare) causée par l’érosion du sol n’enlèverait en moyenne que 0,17 cm de la couche arable également



Fig. 1 Il est facile de discerner sur cette photo aérienne l’endroit où l’eau de la rivière chargée de sédiments se mélange avec l’eau plus claire du lac. Photographie du ministère de l’Environnement de l’Ontario.

répartie sur toute la surface (une tonne de terre répartie uniformément sur un hectare ne serait pas plus épaisse qu’une seule page de ce rapport).

La recherche effectuée dans plusieurs régions du Canada montre qu’environ 75 à 80 % de la charge sédimentaire annuelle en suspension dans les cours d’eau est transporté en février, mars et avril. Ces mois sont généralement caractérisés par le ruissellement de la neige fondue, un faible impact de la pluie et un sol dont les couches supérieures sont gelées ou saturées. À cette époque de l’année, le sol est donc facilement érodable et les techniques culturales qui le laissent sans protection viennent aggraver cette situation (fig. 2). Les risques d’érosion du sol sont en général réduits lorsque la couverture végétale augmente.

Il a été démontré que les caractéristiques des terrains comme le type de sol, les formations superficielles, la pente et le drainage influencent autant que l’utilisation des terres et l’entraînement du sol dans les cours d’eau. Par exemple, la qualité des eaux superficielles dans les zones à sol sableux est d’ordinaire bonne tandis que celle des bassins versants argileux est d’habitude inférieure, même si l’utilisation des terres est semblable.

Quoique les terres agricoles ne contribuent que faiblement à l’apport de sédiments par unité de surface, la charge sédimentaire totale qui provient de toutes les terres agricoles est en général importante. Les sédiments altèrent la qualité tant physique que chimique de l’eau. Une fois qu’elles ont gagné les cours d’eau, les particules sédimentaires causent des problèmes comme :

  • l’envasement, la diminution du débit maximal ;
  • la détérioration ou destruction des habitats aquatiques ;
  • l’accroissement de la turbidité (eaux troubles) ;



Fig. 2 Le ruissellement nival sur un terrain dénudé peut causer une érosion considérable avant que le sol ait pu dégeler suffisamment pour permettre l’infiltration. En outre, le sol souvent très mouillé et instable lorsque la surface dégèle devient très vulnérable à l’érosion. Une grande partie des sédiments a été retenue dans la zone ensemencée d’herbages, réduisant ainsi la quantité de sédiments qui atteindront le cours d’eau.

  • l’accélération de la vitesse d’eutrophisation (croissance excessive des plantes et des algues) provoquée par l’augmentation de la teneur en substances nutritives ;
  • l’affaiblissement de la valeur récréative d’un lac ou d’une rivière ;
  • augmentation des concentrations de métaux lourds, de pesticides et d’autres substances toxiques ;
  • la hausse des coûts d’épuration des eaux destinées à la consommation humaine.


Les problèmes causés par les alluvions dans un cours d’eau sont bien connus, par contre on ne connaît généralement pas les coûts qu’ils entraînent pour les agriculteurs et la société. Les coûts que les agriculteurs doivent supporter directement sont ceux du nettoyage des canaux de drainage et d’irrigation (fig. 3). D’autres coûts moins évidents doivent être assumés par l’ensemble de la population. La disparition des frayères peut avoir des effets préjudiciables sur les industries halieutiques (la pêche) et touristiques environnantes. La pêche commerciale et la pêche sportive peuvent être perturbées dans les réseaux côtiers et intérieurs des lacs et des rivières. En outre, le dragage des ports, dont le coût s’élève à chaque année à plus de 100 millions de dollars dans le bassin des Grands Lacs seulement, devient nécessaire pour maintenir la navigation.

Les sédiments influent aussi sur la qualité de l’eau, à cause de leur propriété de transporter et de fixer le phosphore, les métaux lourds, les pesticides et d’autres composés toxiques. Des études effectuées sur le terrain dans le secteur canadien du bassin des Grands Lacs montrent que l’érosion et le transport des particules de sol avec le phosphore qui s’y est fixé sont à l’origine d’une grande partie de la pollution totale par le phosphore en provenance des terres agricoles.

La teneur en phosphore des sédiments est en général plus forte que celle du sol d’où ils proviennent parce que le processus d’érosion agit de manière sélective. Les matières organiques et les matières minérales à grain fin (à forte teneur en phosphore) sont très facilement érodées et transportées.

Le phosphore est l’une des principales substances nutritives lorsqu’on envisage le contrôle de l’eutrophisation des cours d’eau et des lacs. Heureusement, une importante fraction du phosphore fixé aux sédiments (de 65 à 95 % du phosphore total) n’est pas assimilable par les plantes associées à l’eutrophisation.

La pénétration dans les eaux superficielles des métaux lourds fixés aux sédiments (mercure, plomb, arsenic, cadmium et sélénium) et des matières organiques toxiques (PCB) provenant des terres agricoles est une autre conséquence de l’érosion. Du mercure et des PCB ont été trouvés dans la chair des poissons du bassin des Grands Lacs et d’autres réseaux d’eau douce du Canada. À cause de ces contaminations, certaines espèces de poissons sont considérées à l’heure actuelle comme impropres à la consommation humaine. Le plomb représente un danger possible parce qu’il peut, dans les sédiments, subir une transformation chimique et devenir très toxique (méthylation). Quoique les métaux lourds ne soient pas fréquemment utilisés en agriculture, ils pénètrent dans les champs en provenance d’émissions atmosphériques


Fig. 3 La diminution de la capacité des canaux de drainage et d’irrigation constitue l’un des indices les plus évidents d’érosion des terres agricoles.



et des boues d’égout épandues sur les terres cultivables. Ainsi, le plomb qui retombe sur le sol provient des gaz d’échappement des véhicules automobiles ainsi que des émissions urbaines et industrielles. Aucune technique culturale n’est encore utilisée pour restreindre ces dépôts. Cependant, la réduction de l’érosion des terres cultivées doit permettre de diminuer le transport des métaux lourds et des matières organiques toxiques dans les cours d’eau et les lacs.

Les agriculteurs peuvent adopter certaines mesures — pour un coût minime ou nul — afin de réduire les problèmes de pollution par l’érosion du sol, le ruissellement et le transport des sédiments. Par la même occasion, ils pourront bénéficier d’une réduction des coûts d’énergie, d’une diminution de leurs dépenses en engrais, et de l’amélioration des sols et des récoltes. Les techniques culturales qui consistent à protéger le sol contre l’effet dévastateur de la pluie permettent d’atténuer la désagrégation du sol à l’origine du processus d’érosion. Il est donc souhaitable de protéger les sols par des cultures sur la plus grande étendue possible ou pendant la plus longue période de l’année possible. Par exemple, les plantes fourragères et les petites céréales semées en automne protègent le sol pendant l’hiver et constituent une bonne protection contre l’érosion pour les terrains en pente. Un champ de foin (ou même une zone tampon de 3 à 4 mètres de largeur) à proximité d’un cours d’eau ou d’un fossé, ainsi que des berges ensemencées de graminées, réduisent l’érosion le long des canaux et l’entraînement des sédiments par les eaux de ruissellement.

Dans les régions où les sols cultivés sont à grain fin, les cultures en rangées espacées et les terrains inclinés travaillés dans le sens de la pente, les techniques culturales suivantes permettront aux agriculteurs de limiter l’érosion du sol, le ruissellement et la perte de sédiments et de maintenir, à très peu de frais, la qualité du sol :

  • la rotation des cultures (spécialement avec du foin) ;
  • la culture transversale plutôt que dans le sens de la pente ;
  • des méthodes de labourage qui laissent sur le sol le plus possible de résidus végétaux pendant l’hiver et au début du printemps (fig. 4) ;
  • un labourage réduit au minimum requis pour obtenir une bonne récolte.


Les moyens énumérés ci-dessous peuvent également être adoptés, mais ils entraînent en général des frais supplémentaires pour l’agriculteur :


  • l’emploi de cultures d’hiver qui peuvent être chimiquement détruites ou incorporées dans le sol au printemps ou laissées jusqu’à la récolte (fig. 5) ;
  • la culture selon les courbes de niveau ;
  • la culture en bandes selon les courbes de niveau ;
  • l’emploi de voies d’eau gazonnées pour éviter le ravinement ;
  • la plantation de foin sur des zones tampon le long des fossés ou des cours d’eau ;
  • l’installation de clôtures le long des cours d’eau et des fossés pour retenir le bétail et protéger les berges ;
  • l’emploi de tuyaux de drainage pour réduire l’écoulement de surface ;
  • l’amélioration des installations de drainage superficiel et souterrain, des fossés et des ruisseaux (fig. 6).


C’est à l’agriculteur de choisir les méthodes qui conviennent le mieux à son exploitation, car c’est lui qui connaît mieux les conditions de la région



Fig. 4 Le labourage d’automne qui laisse en surface un pourcentage élevé de résidus de culture assure une bonne protection contre l’érosion par le vent et l’eau, au cours de la saison morte.

et de ses terres. L’applicabilité, le coût et l’efficacité des différentes méthodes

dépendront dans une large mesure des types de sol, de la configuration du terrain, des pratiques d’élevage, des techniques culturales et de la situation économique de l’exploitation agricole. L’agriculteur doit aussi vérifier s’il existe un marché pour d’autres cultures. Il peut consulter les spécialistes en pédologie, en pratiques culturales ou en exploitation agricole de sa région pour qu’ils l’aident à trouver les solutions les plus appropriées.



Fig. 5 Les cultures de céréales d’hiver bien amorcées en automne assurent une excellente protection pendant l’hiver et au début du printemps contre l’érosion du sol.



Fig. 6 Le tuyau de drainage, le ponceau et les berges du fossé sans végétation représentés sur la photo de gauche contribuent aux problèmes d’érosion des terres agricoles. L’illustration de droite montre comment les risques d’érosion sont réduits lorsque le drainage et les berges sont protégés.