Abrégé de l’histoire générale des voyages/Tome XXI/Cinquième partie/Introduction

CINQUIÈME PARTIE.

VOYAGES AUTOUR DU MONDE ET
DANS LE GRAND OCÉAN


INTRODUCTION.

Christophe Colomb ayant découvert, en 1498, le continent de l’Amérique méridionale, les Espagnols essayèrent bientôt de s’y établir ; mais ils éprouvèrent beaucoup de résistance d’une partie des naturels de la partie la plus occidentale de cette région, baignée par la mer des Caraïbes. Ce ne fut que vers la fin de l’année 1510 qu’ils apprirent qu’à l’ouest du pays montagneux où ils étaient on trouvait une grande mer. Vasco Nugnez de Balboa la découvrit le 25 septembre 1513.

On ne sait pas précisément pourquoi elle reçut le nom de Mer au Sud ; était-ce parce que l’on appelait l’Océan atlantique Mer du Nord, et que l’on regarda la nouvelle mer comme plus méridionale ? mais ces deux dénominations sont absurdes et ne peuvent subsister en géographie ; car, ainsi que l’a très justement observé Fleurieu, en passant de l’ancien Océan dans le nouveau, quelque route que l’on prenne, on ne change pas de latitude ; la partie de la mer où l’on entre n’est pas la mer du Sud relativement à l’autre ; elle est même moins méridionale, si l’on en double l’extrémité sud de l’Amérique, que la partie de la mer d’où l’on sort.

Le nom de grand Océan est donc celui qui convient le mieux à cette vaste étendue d’eau qui se répand de l’est à l’ouest entre l’Amérique, l’Asie et l’Afrique, sur un espace de trois mille quatre cents lieues marines, à peu près la demi-circonférence du globe.

Quant à la partie de mer la plus anciennement connue qui baigne les côtes occidentales de l’Europe et de l’Afrique, et les côtes orientales de l’Amérique, le nom d’Océan atlantique, consacré par l’antiquité, employé long-temps par les historiens et les cosmographes, et remis en honneur par quelque géographes modernes, mérite d’être conservé[1].

L’on n’emploîra donc que ces dénominations dans l’Histoire des Voyages que l’on va lire, excepté lorsque l’on citera les propres expressions des navigateurs ou des narrateurs.

La nouvelle de la découverte d’une mer à l’occident de l’Amérique fit beaucoup de bruit en Europe, et inspira à plusieurs navigateurs le désir d’essayer une expédition dans cet océan inconnu. Mais, dit un historien espagnol, communiquait-il avec la mer du Nord (Océan atlantique) ? Cette question, qui piquait la curiosité de tous les savans, demeurait sans solution ; aucun d’eux ne s’offrait pour aller constater l’existence de ce passage incertain. On ne pénétrait dans cette mer nouvelle que par l’isthme du haut duquel on l’avait découverte ; on ne songeait à y naviguer que pour faire des excursions sur les côtes de l’Amérique qu’elle baigne, afin de ravir de l’or aux habitans de ces contrées.

L’ardeur de participer aux riches productions des Moluques donna lieu à une découverte que le désir d’étendre les connaissances géographiques n’avait pu décider à entreprendre. Magellan eut la gloire de trouver la route qui conduisait par l’ouest à cet archipel, auquel jusqu’alors on n’allait que par l’est. Le succès de sa tentative ouvrit la voie à d’autres navigateurs. Depuis son temps jusqu’à nos jours le grand Océan a constamment été parcouru par les vaisseaux européens. Les uns ont fait le tour du globe, d’autres ont simplement parcouru des parties plus ou moins considérables de cette vaste mer. L’on a pensé que, pour bien faire connaître les découvertes qui ont successivement eu lieu, il était à propos de retracer l’histoire de toutes ces expéditions, dont la plupart offrent des particularités intéressantes et instructives. On les a disposées dans l’ordre chronologique, comme le plus convenable pour donner une idée claire et exacte des faits. L’on a supprimé les circonstances peu importantes, et l’on a, autant qu’on l’a pu en parlant des découvertes des premiers navigateurs, indiqué si les modernes se les sont appropriées, parce qu’ils les ignoraient ou les connaissaient mal.


  1. Observations sur la division hydrographique du globe, etc.