Conseil colonial de la Guadeloupe
Imprimerie de Giraudet et Jouaust (p. 15-17).

LETTRE DE M. LE GÉNÉRAL AMBERT

AUX DÉLÉGUÉS DE LA GUADELOUPE,
ACCOMPAGNANT l’ENVOI DES ADHÉSIONS DES COMMUNES DE LA COLONIE À LA RÉSOLUTION DU CONSEIL COLONIAL.


Basse-Terre, le 11 août 1847.


Messieurs les Délégués,


Je suis heureux de pouvoir vous transmettre la manifestation éclatante des colons de la Guadeloupe en faveur de l’acte par lequel le conseil Colonial, partageant l’opinion de ses délégués, a pris l’initiative des graves mesures qui seules peuvent sauver les colonies d’une perte imminente.

Vous trouverez sous ce pli une copie authentique des actes d’adhésion qui me sont déjà parvenus, au nombre de 19. À la Grande-Terre, les communes de Sainte-Anne et du Petit-Canal sont les seules qui n’aient pas encore exprimé leur sentiment ; mais, à l’exception d’un très petit nombre de personnes, l’opinion y est la même que dans les autres communes. À la Guadeloupe, il manque la Goyave, le Petit-Bourg et la Baie-Mahault. Les adhésions des deux premières me sont annoncées. Ainsi, si l’on considère que les autres communes de la colonie, telles que les Saintes, la Pointe-Noire, Deshayes, sont de peu d’importance, parce qu’elles ne possèdent que peu d’esclaves, et si l’on met de côté Saint-Martin, dont l’opinion est déjà connue depuis longtemps, on peut dire que le pays est unanime dans l’expression de la pensée qui a dicté les déterminations du conseil colonial, et que son concours est irrévocablement acquis aux mesures qui auront pour objet la représentation directe et l’émancipation simultanée, précédée de l’indemnité et de l’organisation du travail libre sur le principe de l’association. En provoquant ces adhésions j’ai eu pour but de lier les principaux propriétaires d’esclaves dans la colonie au vote du conseil et à l’opinion des délégués exprimée dans leur lettre du 30 mai.

J’ai voulu aussi vous donner les moyens de répondre victorieusement aux personnes qui pensaient que les colons de la Guadeloupe n’adopteraient pas franchement la nouvelle situation, et qu’ils en laisseraient la responsabilité à ceux qui étaient entrés les premiers dans cette voie.

J’ai voulu enfin mettre un terme à des doutes injurieux sur la sincérité des colons, et donner un démenti à ceux qui nous accusent de n’avoir d’autre but que d’éluder par tous les moyens les mesures qui doivent conduire à l’émancipation.

Vous voyez que mon attente n’a pas été trompée. Les manifestations authentiques des grands propriétaires sont un éclatant démenti donné aux insinuations de l’auteur de l’article qui cherche à représenter les habitants de la campagne comme animés de peu de sympathie pour les actes du conseil. Tout est rompu maintenant avec le passé, et les regrets ou les effets tardifs de quelques hommes isolés dont l’intelligence et la résolution n’ont pu s’élever à la hauteur de la nouvelle situation demeureront impuissants en présence de la conviction ferme et éclairée du pays.

Ayons donc confiance en l’avenir et cherchons-y des garanties d’ordre et de sécurité que le présent nous refuse. Les tristes effets de la loi désorganisatrice du 18 juillet, dans son exécution incomplète, ne se sont déjà que trop fait sentir. L’esprit de désaffection se propage avec rapidité : les plaintes, accueillies avec une nouvelle faveur, se multiplient chaque jour ; une injuste partialité préside aux actes d’une magistrature placée dans cette cruelle alternative, de faillir à ses devoirs ou de perdre ses fonctions.

Espérons que l’opinion, si longtemps abusée sur le compte des colons, reviendra à de plus justes appréciations devant leurs loyales et courageuses manifestations. Peut-être qu’à la haine succédera la sympathie ; peut être que les calomnies et les persécutions dont ils sont depuis longtemps l’objet disparaîtront, quand on ne verra plus en eux les défenseurs systématiques de l’esclavage.

Votre tâche sera plus facile maintenant, messieurs les délégués, sur le terrain où vous vous trouvez placés ; votre influence doit grandir de toute celle des hommes élevés auxquels vous avez maintenant le droit et le pouvoir de faire appel. Nous espérons tous que les heureux résultats de cette situation ne tarderont pas à se produire.

Agréez, messieurs les délégués, la nouvelle assurance de ma considération distinguée.


Le Président du Conseil colonial,
Signé Ambert.



Séparateur