1914-1916 : poésies
Mercure de France (p. 73-74).

MORS


« Je suis toujours pareille au spectre de moi-même :
Voici ma faulx d’argent et mon sablier d’or ;
Nul Destin ne résiste à mon poing qui le tord ;
Ma seule royauté porte un vrai diadème.

« Contre ceux que je hais et contre ceux que j’aime
Mon bras impitoyable est également fort ;
En mon règne éternel je suis toujours la Mort,
Et la Douleur me suit toujours, farouche et blême.


« Sur les champs de bataille où gronde l’air en feu
Avec le sang qui coule et le bronze qui pleut,
J’ajoute du néant à ma sinistre histoire.

« Et ceux que je détruis regardent sans effroi
Mystérieusement grandir derrière moi
Mon ombre qui s’allonge au soleil de la gloire. »


16 juin 1915.