... le Cœur populaire (1920)/Les Monte-en-l’air
- Les Monte-en-l’air
- (L’Apprenti)
- — « Vas-y Julot, vas-y vieux frère,
- faut m’ mett’ dedans c’te lourde-là ;
- la carouble a peut pas y faire,
- on va n’être encor chocolat !
- Magn’-toi magn’-toi, prends l’ suc de pomme,
- yà nib de pant’s dans le log’teau,
- y vienn’nt de call’ter en auto
- avec les lardons et la bonne.
- Quand qu’y rentiff’ront, minc’ de blair !
- Beuh !... c’est kif-kif, el’ mêm’ méquier ;
- gn’en a les z’uns qu’il est banquiers
- et les aut’s qu’il est monte-en-l’air.
- Seul’ment, nous aut’s, on a pus d’ risques,
- tandis qu’euss aut’s, y z’ont pus d’ frais ;
- avant qu’y soyent bons pour êt’ faits,
- faut qu’y z’ayent raflé l’Obélisque....
- Stop !..... Un p’tit moment si you plaît ?
- Non : j’ croyais d’ n’avoir entendu
- que l’ môm’ Nu-Patt’s au bout d’ la rue
- nous balançait son coup d’ sifflet.
- Grouill’ Julot, c’est l’Hiver, les pègres
- à la faridon sont ben maigres ;
- moi d’pis deux r’luits j’ai pus d’ tabac,
- mais tantôt ça s’ra la nouba.
- L’ monde est h’en deux compartiments :
- les poir’s sont à gauch’ de la boîte.
- Mon vieux..., faut toujours t’nir sa douâte
- et tout l’ rest’ c’est des boniments.
- À preuv’ que moi qu’ j’ai essploré
- de Cayenne à... Philadelphie,
- la Société d’ Géographie,
- a m’a seul’ment pas décoré !
- Qui d’main s’ra à la ribouldingue ?
- Qui jett’ra d’ l’huile aux pus huileux ?
- Qui n’aura l’ flac et l’ gros morlingue ?
- C’est les gas qu’il est pas frileux.
- Les gas d’altèqu’..., les rigolos,
- les pénars, les marl’s, les macaires,
- qu’ estim’nt qu’y sont pas su’ la Terre
- pour marner avec les boulots.
- Et qui mêm’, quand y pass’nt à planche,
- z’yeut’nt les chats-fourrés dans la poire,
- car c’est qu’ par marlouse et fortanche
- qu’y sont d’ l’aut’ côté du comptoir !
- Seul’ment vieux, laiss’ ça,... c’est rouillé,
- tu t’ mets pour peau d’ zèbe en quarante ;
- r’gard’ comment que j’ vas travailler....
- Rrrran !... Minc’ de pesée ! Minc’ de fente !
- Hein ? C’est pas du boulot d’ gingeole !
- Enquill’ Julot, pousse el’ verrou...
- sans charrier..., nous voilà chez nous....
- Ben... quéqu’ t’ as Juju, tu flageoles ?
- S’pèc’ de schnock, tu vas pas flancher !
- T’es-t’y un pote ou eun’ feignasse ?
- À preusent que j’ t’ai embauché,
- tu veux chier du poivre à mon gniasse ?
- Tu sais,... méfie-toi..., l’est moins deux ;
- pas d’ giries ou... j’ te capahute ;
- et pis après j’ me mets les flûtes,
- tant pir’ pour les canards boiteux.
- Quiens, tette un coup..., v’là eun’ bouteille,
- attends..., c’est d’ la fin’ « Grand Marnier » ;
- allons Julot, voyons ma vieille,
- hardi ! du cœur et du pognet.
- Na ! maint’nant trott’ su’ la carpette
- en douce,... enlève tes... escarpins ;
- pas par là, c’est la sall’ de bains,
- où qu’ tu crois qu’y carr’nt leurs pépettes,
- Avance, y va falloir gratter,
- on n’en est encor qu’au prologue ;
- pas par là non pus, c’est les gogues !
- Ben mon pot’, t’ es rien effronté !
- Non ! Allum’-moi leur gueulard’rie
- (ah ! on n’est pas chez des biffins !)
- Les vach’s ! ça croût’ dans l’argent’rie
- pendant qu’ l’ Ovréier meurt de faim !
- À gauch’ vieill’, fouin’ dans les tiroirs,
- sûr y a là d’ quoi effaroucher ;
- moi j’ vas dans la chambe à coucher,
- faut que j’ dis’ deux mots à l’ormoire.
- Ah ! j’ te r’command’,... fais pas d’ paquets,
- n’ chauff’ que c’ qu’on peut tasser en fouilles,
- voyez brocquans, talbins, monouilles,
- en sortant on s’ f’rait remarquer !
- Cré tas d’ sans-soins ! Y laiss’nt traîner
- leur toquant’ su’ la cheminée,
- étouffons, étouffons toujours....
- Marie vous aurez vos huit jours !
- Voyons leur linge. Il est coquet :
- allons, aboul’-toi su’ l’ parquet,
- (ça m’ rappell’ quand j’étais en Chine
- cabot fantabosse ed’ marine.)
- Phalzars brodanchés ? Beau travail.
- Zou ! j’en carre un pour ma congaï.
- Quand a n’aura ça su’ les fesses,
- a mettra pus d’ cœur au bizness.
- Preusent viv’ment, cherrons l’ mat’las !
- Aign’ donc, à nous deux Nicolas !...
- Ohé Julot, pas tant d’ bouzin,
- tu vas fair’ tiquer les voisins !
- Qué qu’ tu jabot’s ? On sonne ? On cogne ?
- Bien bien, j’ rappliqu’..., fais dall’, tais-toi....
- Merde ! on est visés ! C’est les cognes.
- Allez !... faut s’ barrer par les toits.
- Hop ! su’ l’ balcon, plaqu’ tout, au trot...
- Qu’est-c’ qu’y t’ prend ? Encore eun’ faiblesse !
- Ah ! ben mon vieux, cett’ fois j’ te laisse ;
- pour t’emm’ner j’ai pas d’aéro.
- Salaud ! Y tourne des mirettes !
- Ah ! on m’y r’prendra eune aut’ fois
- à voyager comme eun’ galette
- avec un garçon qu’ a les foies !
- Bon Dieu ! Y en a du trêpe en bas.
- Cassez la lourde, allez, cassez !
- Quiens, l’ Môm’ Nu-Patt’s il est coincé,
- mais Sézig y l’ont h’encor pas.
- Voui, tas d’ truff’s, app’lez les pompiers ;
- j’ n’ai ni I’ vertigo ni la trouille,
- moi j’ grimpe ou j’ dévale eun’ gargouille,
- six étag’s, blavin dans les pieds !
- J’ suis bon, j’ m’envole..., arr’moir’ Julotte !
- t’t’ à l’heure au quart, d’main à la Tour,
- tâch’ de n’ pas m’ donner au Gerbier
- ou ben j’ t’arr’trouv’rai un d’ ces jours...
- t’ entends coquine, emmanché, fiotte,
- hé, Apprenti ! Hé, gât’-métier !