Œuvres diverses de J.-B. Say/Correspondance avec John Cowell

À M. JOHN COWELL JUNr.


SECRÉTAIRE DE LA SOCIÉTÉ POLITICO-ÉCONOMIQUE DE LONDRES.


(Inédite.)
Paris, 22 avril 1822.


Monsieur,


J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 7 du mois de mars au nom de la Société politico-économique de Londres qui a eu la bonté de m’admettre comme associé étranger. Je vous prie de transmettre à la société l’expression de ma vive reconnaissance. Je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour concourir à l’honorable but qu’elle se propose, et pour rendre mon nom digne de paraître à côté de ceux des membres que j’ai le bonheur de connaître.

Tous les amis de l’humanité doivent s’applaudir de la formation d’une telle société. Elle sera éminemment propre à discerner les vérités qui méritent d’être défendues et propagées. Elle parviendra à les faire adopter par l’opinion ; et c’est alors seulement que ces vérités deviendront influentes dans la pratique.

Je conviens qu’au point où sont parvenues plusieurs nations une vérité trouvée ou démontrée, finira toujours par faire son chemin et par obtenir l’ascendant qu’elle mérite. Mais ses progrès peuvent être lents. La partie la plus nombreuse des nations est incapable de porter par elle-même un jugement qui exige et des études préalables et une grande capacité de réflexion. Elle n’adopte une opinion, que lorsque la réputation de son auteur est consacrée par le temps et confirmée par l’assentiment de plusieurs écrivains successifs, qui eux-mêmes n’acquièrent de l’autorité qu’avec le temps. Plusieurs générations peuvent ainsi s’écouler avant qu’une vérité soit reconnue et consacrée ; tandis que l’assentiment d’une société éminente en intentions, en jugement, et en savoir, peut, en moins de temps, lui assurer une prépondérance désirable.

Vous avez la complaisance, Monsieur, de me faire part des sujets dont la discussion a occupé ou va occuper la société. Je n’ai pas la présomption de me croire capable d’ajouter de nouvelles lumières à celles qui sortiront de son sein ; je suis d’ailleurs trop incertain du moment où cette lettre pourra vous parvenir, pour me flatter que mes vues sur les questions déjà élevées arrivassent avant le moment de ces intéressantes discussions.

D’un autre côté, ignorant les statuts de la Société et les bornes prescrites aux sujets dont elle doit s’occuper, il m’est difficile de lui suggérer de nouvelles questions. Néanmoins je me hasarderai à en joindre une ou deux à la présente.

Je me permettrai encore, si la proposition n’en a pas déjà été faite, de solliciter de la part de la Société un témoignage éclatant de vénération et de reconnaissance pour Adam Smith, dont les écrits nous ont montré la vraie manière de considérer les choses en économie politique, et qui nous a fourni par là les moyens de découvrir même les imperfections de son immortel ouvrage.

Agréez, Monsieur, les assurances de ma considération distinguée et de mon sincère dévouement,

J.-B. Say