Œuvres de Chapelle et de Bachaumont/Notice sur les pièces de Bachaumont


Notice sur les pièces de Bachaumont


Pièces de Bachaumont

Nous avons dit, après beaucoup d’autres, et tout annonce, en effet, que Bachaumont ne contribua pas peu, à former aux lettres Madame de Lambert, dont il avoit épousé la mère, Madame veuve de Courcelles, en 1665. Seulement il paroîtroit que les premiers qui ont ainsi rapproché leurs deux noms se sont exclusivement renfermés dans ce qui touchoit à la littérature, sans aller jusqu’aux rapports de beau-père à belle-fille, et surtout de pupille à tuteur. M. Ravenel, si distingué par ses propres travaux et toujours si bienveillant pour ceux des autres, nous a donné connoissance d’une pièce du temps qui, envisagée dans tous ses détails, présente plus d’un côté curieux. C’est un factum ayant pour titre : Réponses de la dame Marquise de Lambert à plusieurs faits avancés par M. Le Coigneux de Bachaumont dans les requêtes qu’il a présentées en l’instance d’entre eux. Cette pièce porte la date, mise à la main, de 1687. Si, au lieu d’être les éditeurs de Bachaumont, nous étions ceux de Madame de Lambert, peut-être, suivant les us et coutumes de tout bon éditeur, ne manquerions-nous pas, surle seul exposé de l’une des parties, de lui donner pleinement raison ; nous ne manquerions pas du moins (ce qui doit être permis, même aux éditeurs de Bachaumont) d’insister sur tout ce qu’on trouve dans ces quelques pages de verve, de finesse, d’excellente plaisanterie, et, en vérité, aussi de bon style, réunion de choses qui nous disposeroient un peu à y reconnaître la main d’une femme spirituelle, excitée encore par la lutte, plutôt que celle d’un homme de métier. Quoi qu’il en soit, l’on comprendra aisément que, toute autre considération à part, l’absence des propres dires de Bachaumont nous interdise d’être plus explicites touchant la discussion elle-même. Nous nous bornerons donc à remarquer ici, en revenant à notre point de départ, que le factum contient cette phrase textuelle : Il la maria au sieur marquis de Lambert ; et que, si Bachaumont décida ainsi de ce qu’il y eut de plus important dans l’existence de sa belle-fille, il dut bien, à plus forte raison, dans les temps de bon accord qui précédèrent et qui suivirent le mariage de madame de Lambert, car elle continua, pendant plusieurs années, d’habiter, ainsi que son mari, la maison de son beau-père ; il dut bien, dis-je, prendre plaisir à diriger lui-même ses études littéraires. Ce fait en quelque sorte de nouveau confirmé, il ne nous restera qu’à déplorer une fois de plus ces tristes divisions qu’amènent trop habituellement les affaires d’intérêt entre des parents ou des alliés qui souvent ne sont ni moins honorables les unsque les autres, ni moins honorés de ceux dont ils sont connus.

Comme s’il étoit dans la destinée des deux amis de n’être jamais séparés, nous sommes amenés à dire encore ici quelques mots de Chapelle. Il résulte de documents authentiques, dont nous devons également la communication à M. Ravenel, que la mère de notre auteur, qui est appelée partout Marie Chanut, porta aussi un autre nom. Elle est désignée dans ces pièces sous ceux de Marie Chanut, dame Musnier, titre qu’on ne donnoit pas familièrement dans ce temps-là. Elle vivoit éloignée de son mari. En la retirant ainsi du milieu de la classe inférieure où sembloit la reléguer ce simple nom de Marie Chanut, nous sommes loin de croire modifier avantageusement ce qui se rattache à la naissance de Chapelle. Il est, au contraire, très probable que ce fut la situation de sa mère comme femme mariée qui empêcha M. Luillier de le reconnoître pour son fils aussitot qu’il l’auroit voulu. En tout, cette circonstance particulière n’apporte aucun changement notable à l’existence sociale de Chapelle, qui fut ce qu’il fut par lui-même. Ce n’est donc là, tout simplement, qu’un point de biographie comme un autre ; mais, pour remplir toutes nos obligations à cet égard, nous avons cru devoir le constater.

T. de L.