Œuvres complètes de Shakespeare/Hugo, 1866/Apocryphes, tome 2/Notes

NOTES
sur
PÈRICLÈS, ÈDOUARD III ET ARDEN DE FEVERSHAM.




(1) « Pentapolis est une ville imaginaire dont le nom paraît être emprunté à quelque roman, L’histoire nous signale, dans l’Afrique ancienne une association de cinq cités, appelée la Pentapole, et c’est sans doute cette association qui a été transformée en une capitale unique par la fantaisie du romancier. » — Steevens.

(2) « Autrefois, en Angleterre, à l’époque de Christmas, les plats servis à table étaient généralement garnis de romarins et de feuilles de laurier. L’entremetteur entend reprocher ici à Marina son ostentation de vertu. » — Steevens.

(3) Cette raillerie de Warwick rappelle le sarcasme adressé par Faulconbridge au duc d’Autriche dans le Roi Jean.

« Tu portes une peau de lion ! Ôte-la par pudeur, et suspends une peau de veau à ces lâches épaules. »

(4) Extrait des chroniques de Froissart :

Chapitre CLXVI.
Comment le roi d’Angleterre vint atout son ost devant Salisbury cuidant trouver le roi d’Écosse, et comment ledit roi fut surpris de l’amour à la comtesse de Salisbury.

Ce jour même que le roi David et les Écossois se départirent au matin de devant le châtel de Salisbury, vint le roi Édouard à (avec) tout son ost, à heure de midi, en la place où le roi d’Écosse avoit logé et fut moult courroucé quand il ne le trouva, car bien volontiers se fût combattu à lui.

Il étoit venu en si grand’hâte que ses gens et ses chevaux étoient durement travaillés. Si commanda que chacun se logeât là endroit, car il vouloit aller voir le châtel et la gentil dame qui laiens (dedans) étoit ; car il ne l’avoit vue puis (depuis) les noces dont étoit elle mariée.

Ainsi fut fait que commandé fut : chacun s’alla loger ainsi qu’il put et reposer qui voulut.

Sitôt comme le roi Édouard fut désarmé, il prit jusques à dix ou douze chevaliers, et s’en alla vers le châtel pour saluer la comtesse de Salisbury, et pour voir la manière des assauts que les Écossais avoient faits, et des défenses que ceux du châtel avoient faites à l’encontre.

Sitôt que la dame de Salisbury sut le roi venant, elle fit ouvrir toutes les portes, et vint hors si richement vêtue et atournée, que chacun s’en émerveillait et ne se pouvoit tenir de la regarder et de remirer à la grand’noblesse de la dame, avec la grand’beauté et le gracieux maintien qu’elle avoit. Quand elle fut venue jusques au roi, elle s’inclina jusques à terre contre lui, en le rengraciant (remerciant) de la grâce et du secours que fait lui avoit ; et l’emmena au châtel pour le fêter et honorer, comme celle qui très-bien le savoit faire.

Chacun la regardoit à merveille, et le roi même ne se put tenir de la regarder, et bien lui étoit avis qu’oncques n’avoit vue si noble, si frique (fraîche), ni si belle de li (qu’elle). Si le férit tantôt une étincelle de fine amour au cœur que madame Vénus lui envoya par Cupido le dieu d’amour, et qui lui dura par longtemps, car bien lui sembloit que au monde n’avoit dame que tant fit à aimer comme elle.

Si entrèrent au châtel main à main, et le mena la dame premier en la salle, et puis en sa chambre, qui étoit si noblement purée comme à lui afféroit (appartenoit) ; et toujours regardoit le roi la gentil dame, si ardemment qu’elle en devenoit toute honteuse et abaubie (ébaubie). Quand il l’eut grand’pièce regardée, il alla à une fenêtre pour s’appuyer, et commença fortement à penser. La dame, qui à ce point ne pensoit, alla les autres seigneurs et chevaliers fêter et saluer moult grandement et à point, ainsi qu’elle savoit bien faire, chacun selon son état ; et puis commande à appareiller le dîner ; et quand temps seroit, mettre les tables, et la salle parer et ordonner.

Chapitre CLXVI.
Comment le roi Édouard dit à la comtesse qu’il convenait qu’il fût d’elle aimé, dont elle fut fortement ébahie.

Quand la dame eut devisé et commandé à ses gens tout ce que bon lui sembla, elle s’en revint, à chère lie, devers le roi, qui encore pensoit et musoit (rêvoit) fortement ; et lui dit :

— Cher sire, pourquoi pensez-vous si fort ? Tant penser n’affiert (appartient) pas à vous, ce m’est avis, sauve votre grâce : ains (mais) dussiez faire fête et joie et bonne chère, quand vous avez enchassé vos ennemis, qui ne vous ont osé attendre, et dussiez les autres laisser penser du remenant (reste).

Le roi répondit et dit :

— Ha ! chère dame, sachez que puis (depuis) que j’entrai céans m’est un songe survenu, de quoi je ne me prenois pas garde : si m’y convient penser, et ne sais qu’advenir m’en pourra : mais je n’en puis mon cœur ôter.

— Citer sire, ce dit la dame, vous dussiez toujours faire bonne chère pour vos gens conforter, et laisser penser et le muser. Dieu vous a si bien aidé jusques à maintenant en toutes vos besognes, et donné si grand’grâce que vous êtes le plus douté (redouté) et honoré prince des chrétiens ; et si le roi d’Écosse vous a fait dépit et dommage, vous le pourrez bien amender quand vous voudrez, ainsi que autrefois avez fait. Si laisser le muser et venez en la salle, s’il vous plaît, delez (près de) vos chevaliers : tantôt sera prêt pour dîner.

— Ha ! ma chère dame, autre chose me touche et gît en mon cœur que vous ne pensez ; car certainement le doux maintien, le parfait sens, et la grand’noblesse, la grâce et la fine beauté que j’ai vu et trouvé en vous m’ont si surpris et entrepris, qu’il convient que je sois de vous aimé ; car nul escondit (refus) ne m’en pourroit ôter.

La gentil dame fut adonc durement ébahie, et dit :

— Ha ! très-cher sire, ne me veuillez moquer, essayer, ni tenter : je ne pourrois cuider (croire) ni penser que ce fut acertes (sérieux) que vous dites, ni que si noble ; ni si gentil prince que vous êtes dut quérir tour ni penser pour déshonorer moi et mon mari, qui est si vaillant chevalier, et qui tant vous a servi que vous savez, et encore est pour vous emprisonné. Certes vous seriez de tel cas peu prisé, et amendé : certes telle pensée oncques ne me vint en cœur, ni jà ny tiendra, si Dieu plait pour homme qui soit né ; et ; si je le faisois, vous m’en devriez blãmer, non pas blâmer seulement, mais mon corps justicier et démembrer, pour donner exemple aux autres d’être loyales à leurs maris.

Chapitre CLXVII.
Comment le roi d’Angleterre s’assit au dîner tout pensif dont ses gens étaient fortement émerveillés.

Adonc se partit la gentil dame, et laissa le roi durement èbahi, et s’en revint en la salle pour faire hâter le dîner, et puis s’en retourna au roi, et emmena de ses chevaliers, et lui dit :

— Sire, venez en la salle, les chevaliers vous attendent pour laver ; car ils ont trop jeûné ; aussi avez-vous.

Le roi se partit de la chambre, et s’en alla en la salle à ce mot et lava, et puis s’assit entre les chevaliers au dîner, et la dame aussi.

Mais le roi y dîna petit, car autre chose lui touchoit que boire et manger ; et ne fit oncques à ce dîner fort que penser ; et à la fois, quand il osoit la dame et son maintien regarder, il jetoit les yeux cette part. De quoi toutes gens avoient grand’merveille, car il n’en étoit point accoutumé, ni oncques en tel point ne l’avoient vu ; ains (mais) cuidoient les aucuns que ce fut pour les Écossois qui lui étoient échappés. Mais autre chose lui touchoit, et lui étoit si fermement et en telle forme entrée au cœur, que oncques n’en put issir (sortir) de grand temps ; pour escondite (refus) que la dame en put et sut faire. Mais en fut toujours depuis plus lié, plus gai et plus joli (joyeux) ; et en fit plusieurs belles fêtes ; grand’assemblées de seigneurs, se dames et de demoiselles ; tout pour l’amour de ladite comtesse de Salisbury.

Chapitre CLXVIII.
Comment le roi d’Angleterre prit congé de la comtesse de Salisbury et s’en alla après les Écossais ; et des paroles qui furent entre elle et ledit roi.

Toutes voies le roi anglois demeura tout celui jour au châtel, en grands pensées et à grand’mésaise de cœur, car il ne savoit que faire. Aucune fois se ravisoit ; car honneur et loyauté lui défendoit de mettre son cœur en telle fausseté pour déshonorer si vaillant dame ; et si loyal chevalier ; comme son mari étoit ; qui loyalement l’avoit toudis (toujours) servi. D’autre part, amour le contraignoit si fort que elle vainquoit et surmontoit honneur et loyauté.

Ainsi se débatit en lui le roi tout le jour et toute la nuit. Au matin se leva et fit tout son ost (armée) déloger et aller après les Écossois, pour eux suivre et chasser hors de son royaume ; puis prit congé à la dame, en disant : — Ma chère dame, à Dieu vous recommande jusques au revenir : si vous prie que vous veuillez aviser et autrement être conseillée que vous ne m’avez dit.

— Cher sire, répondit la dame, le père glorieux vous veuille conduire et ôter de mauvaise et vilaine pensée et déshonorable ; car je suis et serai toujours appareillée de vous servir à votre honneur et à la moye (mienne).

Adonc se partit le roi tout confus et abaudi. Si s’en alla atout (avec) son ost après les Écossois.

(5) Je suis réveillé de ce songe insensé, dit Édouard III. Henry V, congédiant Falstaff après son avènement au trône, compare également à un mauvais rêve sa liaison avec le gros chevalier, et déclare qu’étant éveillé, il méprise son rêve.

(6) De même, dans les Joyeuses épouses de Windsor, Shakespeare qualifie d’ivrognes les compatriotes de Rubens. Mistress Page, recevant la déclaration d’amour de Falstaff, s’écrie : « What an unweighed behaviour hath this flemish drunkard pick’sd out of my conversation ? Quel trait de légèreté cet ivrogne flamand a-t-il pu saisir dans ma conversation ? » — Scène IV.

(7) The map of infamy, la mappemonde de l’infamie. Shakespeare emploie, dans Titus Andronicus, une expression analogue ; À la scène VI, Marcus dit à Lavinia : — « Ô toi, mappemonde de malheur, qui t’exprimes ainsi par signe ! — Thou, map of woe, that thus dost talk by signs !  »

(8)

Chapitre CCXC.
Comment ceux de la bataille au prince de Galles envoyèrent au roi d’Angleterre pour avoir secours ; et comment le roi leur répondit.

Et adonc le comte de Northampton et le comte d’Arundel, qui gouvernoient la seconde bataille et se tenoient sur aile, vinrent rafraîchir la bataille dudit prince de Galles, et bien en étoit besoin ; car autrement elle eût eu à faire ; et, pour le péril où ceux qui gouvernoient et servoient le prince se veoient (voyoient), ils envoyèrent un chevalier de leur conroy (rang) devers le roi d’Angleterre, qui se tenoit plus à mont sur la motte d’un moulin à vent, pour avoir aide.

Si dit le chevalier, quand il fut venu jusques au roi : — Monseigneur, le comte de Warwick, le comte de Kenfort et messire Regnault de Cobham, qui sont de-les (près) le prince votre fils, ont grandement à faire, et les combattent les François moult aigrement, pourquoi ils vous prient que vous et votre bataille les venez conforter et aider à ôter de ce péril, car si cet effort monteplie (multiplie) longuement et s’efforce ainsi, ils se doutent (craignent) que votre fils n’ait beaucoup à faire.

Lors répondit le roi et demanda au chevalier qui s’appeloit messire Thomas de Norwich :

— Messire Thomas, mon fils est-il mort, ou aterré (renversé), ou si blessé qu’il ne se puisse aider ?

Cil (celui-ci) répondit :

— Nennin, monseigneur, si Dieu plaît ; mais il est en dur parti d’armes ; si auroit bien mestier (besoin) de votre aide.

— Messire Thomas, dit le roi, or retournez devers lui et devers ceux qui ci vous ont envoyé et leur dites, de par moi, qu’ils ne m’envoyent meshuy (maintenant) requerre (chercher) pour aventure qui leur advienne, tant que mon fils soit en vie ; et leur dites que je leur mande qu’ils laissent à l’enfant gagner ses éperons ; car je veux, si Dieu l’a ordonné, que la journée soit sienne, et que l’honneur lui en demeure et à ceux en quelle charge je l’ai baillé.

Sur ces paroles retourna le chevalier à ses maîtres et leur recorda ce que vous avez ouï ; laquelle réponse les encouragea grandement, et se reprirent en eux-mêmes de ce qu’ils avoient là envoyé. Si furent meilleurs chevaliers que devant, et y firent plusieurs grands expertises d’armes, ainsi qu’il apparut, car la place leur demeura à leur honneur.

Chroniques de Froissart.

(9) Dans Mesure pour mesure, nous retrouvons la même pensée. Le duc, s’adressant à la vie, lui dit : « Tu es le jouet de la mort ; car tu t’évertues à la fuir, et tu ne cesses de courir vers elle. »

For him thoThou art Death’s fool,
For him thou, labour’st by thy flight to run,
And yet run’st toward him still.

(10)

And Kings approach the nearest unto God,
By giving life and safety unto men.

Ces deux vers traduisent presque littéralement cette phrase de Cicéron (Pro Ligario) : « Homines enim ad deos nulla re propius accedunt, quàm salutem hominibus dando. » La même idée est exprimée avec un tour différente la scène II de Titus Andronicus : Tamora dit à Titus : « Veux-tu te rapprocher de la nature des dieux ? Rapproche-toi d’eux en étant clément. »

(11)

Chapitre CCCVII.
Comment la reine d’Angleterre manda à l’écuyer qui avait pris le roi d’Écosse, qu’il le lui amenát, lequel répondit qu’il ne le rendroit fors qu’au roi son seigneur.

Lors demanda la reine que le roi d’Écosse étoit devenu. On lui répondit que un écuyer d’Angleterre, qui s’appeloit jean de Copland, l’avait pris et mené avec lui, mais on ne lui savoit dire où, ni quel part. Dont eut la reine conseil qu’elle écriroit devers ledit écuyer et lui manderoit tout acertes (sérieusement), qu’il lui amenât son prisonnier, le roi d’Écosse, et que pas bien à point n’avoit fait, ni au gré de li (elle), quand ainsi l’avoit mené hors des autres et sans congé. Ces lettres furent écrites et envoyées par un chevalier de madame la reine. Entrementes (pendant) que ledit chevalier fit son message, s’ordonnèrent les Anglois et se tinrent tout le jour sur la place que gagnée avoient vaillamment. Or vous parlerons de Jean de Copland, comment il répondit aux lettres et au message que madame la reine d’Angleterre lui envoya. C’étoit son intention que ledit roi d’Écosse, son prisonnier, il ne rendroit à homme ni à femme, fors à son seigneur le roi d’Angleterre, et que on fut tout asseur (assuré) de lui, car il le pensoit si bien à garder, qu’il en rendroit bon compte.

Madame d’Angleterre à cette fois n’en put avoir autre chose, et ne se tint pas pour bien contente de l’écuyer ; et fit tantôt lettres écrire et sceller, et les envoya à son cher seigneur, le roi d’Angleterre, qui séoit devant Calais. Par ces lettres fut le roi tout informé de tout l’état d’Angleterre et de la prise du roi David d’Écosse. Si eut grand’joie en soi-même de la belle fortune que Dieu avoit envoyée à ses gens ; si ordonna tantôt le roi d’aller quérir ce Jean de Copland, et le manda bien acertes (sérieusement) qu’il vînt parler à lui devant Calais. Quand Jean de Copland se vit mandé de son seigneur le roi d’Angleterre ; si en fut tout réjoui, et obéit, et mit son prisonnier en bonnes gardes et sûres en un fort châtel sur la marche de Northumberland et de Galles (Galloway) et puis se mit en chemin parmi Angleterre et fit tant qu’il vint à Douvres ; et passa la mer, et vint devant : Calais et au logis du roi :

Chapitre CCCVIII.
Comment ledit écuyer vint au mandement du roi d’Angleterre devant Calais, lequel le reçu à grand’joie, et comment il rendit le roi d’Écosse à la reine d’Angleterre.

Quand le gentil roi d’Angleterre vit l’écuyer et il sut que c’était Jean de Copland, si lui fit grand’chére et le prit par la main ; et lui dit :

— À bien vienne mon écuyer, qui par sa vaillance a pris notre adversaire, le roi d’Écosse.

— Monseigneur, dit Jean, qui se mit à un genou devant le roi, si Dieu m’a voulu consentir si grand’grâce que il m’a envoyé entre mes mains le roi d’Écosse, et je l’aie conquis par bataille ; on n’en doit pas avoir envie, ni rancune sur moi ; car aussi bien peut Dieu envoyer sa grâce et sa fortune, quand il échet, à un pauvre écuyer que il fait à un grand seigneur ; et, sire, ne me veuillez nul malgré si je ne le rendis tantôt à madame la reine ; car je tiens de vous, et mon serment ai de vous et non de li (elle), fors tout à point.

Donc répondit le roi :

— Jean, nennin ; le bon service que nous avez fait et la vaillance de vous vaut bien que vous soyez excusé de toutes choses ; et honnis soient tous ceux qui sur vous ont envie. Jean, je vous dirai que vous ferez : vous parti de ci, retournerez en votre maison et prendrez votre prisonnier et le mènerez devers ma femme ; et, en nom de rémunération ; je vous donne et assigne, au plus près de votre hôtel que aviser et regarder on pourra, cinq cent livres à l’esterlin par an de revenue, et vous retiens écuyer de mon corps et de mon hôtel.

De ce don fut Jean moult réjoui, et en remercia grandement le roi, et le tiers jour s’en partit et retourna arrière en Angleterre ; et exploita tant par ses journées qu’il vint chez soi. Si assembla ses amis et voisins et recorda tout ce qu’il avoit trouvé au roi ; son seigneur, et le don que lui en avoit fait, et comment le roi vouloit que le roi d’Écosse fût mené par devers madame la reine, qui se tenoit encore en la cité de Berwick. Ceux qui là étaient furent tous appareillés d’aller avec Jean de Copland et lui faire compagnie ; et emmenèrent le roi d’Écosse jusques en la cité dessus dite. Si le présenta de par le roi d’Angleterre, ledit Jean à madame la reine, qui par avant en avoit été moult courroucée sur Jean ; mais la paix en fut lors faite… Madame d’Angleterre, par le bon conseil de ses hommes, fit mettre au fort châtel de Londres le roi d’Écosse, et puis entendit à ordonner ses besognes, ainsi que celle qui vouloit passer la mer et venir devant Calais, pour voir le roi son mari et le prince son fils.

(Chronique de Froissart.)

(12) Macbeth fait une réflexion analogue lorsqu’il dit après le meurtre de Banquo : « Je suis allé si loin dans le sang que j’aurais autant de peine à reculer qu’à avancer. »

(13) On se rappelle ici le sonnet XVII, adressé par Shakespeare à son infidèle maîtresse : « J’ai juré que tu étais blanche et cru que tu étais radieuse, toi qui es noire comme l’enfer et ténébreuse comme la nuit. »

(14) I am your beadsam, bound to pray for you. De même, dans les Deux gentilshommes de Vérone, Protée dit à Valentin :

Commend thy grilefuance to my holy prayers,
For I will be my beadsman, Valentine.

« Recommande ton chagrin à mes saintes prières, car je serai ton aumonier, Valentin. »

(15) Pour apprécier cette plaisanterie du batelier, il faut se souvenir de ce que dit, dans la farce du Songe d’une nuit d’été, le personnage chargé de représenter la lune : « Tout ce que j’ai à vous apprendre est que cette lanterne est la lune ; moi, je suis l’homme dans la lune, et ce fagot d’épines est mon fagot d’épines. »

(16) Shakespeare, dans le Marchand de Venise, rappelle ces amours de la chaste Diane :

« Paix ! la lune dort avec Endymion ! »

(17) C’était, au moyen âge, une opinion généralement accréditée que le corps d’une personne assassinée saignait de nouveau au contact ou à l’approche de l’assassin. Conformément à cette superstition, Shakespeare, dans Richard III, rouvre en présence de Glocester toutes les plaies du cadavre de Henry VI. Rappelons-nous la magnifique imprécation de lady Anne : « Oh ! messieurs, voyez, voyez ! les blessures de Henry mort ouvrent leurs bouches congelées et saignent de nouveau. Rougis, Richard, amas de noires difformités, car c’est ta présence qui aspire le sang de ces veines froides et vides où le sang n’est plus. Ton forfait, inhumain, monstrueux, provoque ce déluge monstrueux. Ô Dieu, qui fis ce sang, venge cette mort ! Ô terre, qui bois ce sang, venge cette mort. »


fin des notes.