Œuvres complètes de Shakespeare/Hugo, 1865-1872/Tome 15/Notes

Œuvres complètes de Shakespeare/Hugo, 1865-1872/Tome 15

NOTES
sur
LES SONNETS ET LES POÈMES.




(1) Le caractère intime et tout personnel des sonnets se montre dès les premiers vers. Ici nous ne voyons plus Shakespeare à travers son œuvre, nous le voyons directement. Ce n’est plus le poëte qui parle, c’est l’ami, c’est l’amant ; ce n’est plus l’homme public, c’est l’homme. Ce grand nom se familiarise et devient un petit nom. William devient Will. Ceux qui aimaient et approchaient l’auteur d’Hamlet l’appelaient Will : aussi est-ce sous cette appellation que Shakespeare se présente ici. Mais Will n’est pas seulement le petit nom de Shakespeare, will est un mot anglais qui signifie volonté, désir. C’est sur cette double signification que sont faits les trois premiers sonnets.

(2) L’instrument dont il s’agit ici était fort à la mode au temps d’Élisabeth : on l’appelait Virginal. Il a précédé le clavecin, qui a lui-même précédé l’épinette, laquelle, à son tour, a précédé le piano.

(3) Ce sonnet est emprunté a un recueil de poëmes imprimé en 1599, avec le nom de Shakespeare, sous ce titre : le Pèlerin passionné. Il nous a paru complètement isolé dans la collection, où le hasard et peut-etre la fraude l’ont fait entrer, et nous croyons l’avoir remis ici à sa véritable place.

(4) Dowland était un musicien fort en vogue en 1590. On peut croire que les premiers sonnets ont été écrits vers cette époque.

(5) En 1590, Spenser n’avait encore publié que les trois premiers livres de son fameux poëme ; la Reine des Fées. Les trois autres furent imprimés en 1596.

(6) Pour bien comprendre ce sonnet, il faut se rappeler que le mot anglais fair, qui signifie blond, signifie également beau. En Angleterre donc, dire à une femme qu’elle est blonde, c’est aussi lui dire qu’elle est belle. La langue britannique adresse là une flatterie à la pâle race d’Albion, et Shakespeare se plaint ici de la préférence systématique qu’elle accorde ainsi à la blonde au détriment de la brune. Il s’élève aussi contre cette manie trop modeste qu’avaient les brunes de son temps de porter des perruques blondes pour ne pas paraître ce qu’elles étaient.

(7)

She’s beautiful ; and therefore to be wooed ;
She is a woman ; therefere to be won.

Elle est belle, donc faite pour être courtisée ; elle est femme, donc faite pour être séduite.

(Henry VI, première partie.)

(8) C’est le commentateur Drake qui a, le premier, fait remarquer le rapport singulier qui existe entre ce sonnet et la dédicace du poëme de Lucrèce. Il en a conclu, comme nous, que ce lord Southampton, à qui ce poëme fut dedié, est aussi le personnage mystérieux que Shakespeare appelle ici le lord de son amour.

(9) C’est à propos de ce sonnet que plusieurs critiques anglais, entre autres Coleridge, ont cru nécessaire de défendre la mémoire de Shakespeare contre certaines insinuations honteuses. Nous avouons franchement que nous ne pouvons voir ici la nécessité d’une telle apologie.

(10) Le moyen âge, répétant l’antiquité, faisait consister la création, comme la vie humaine, dans la combinaison de quatre éléments, l’eau, l’air, la terre et le feu. Shakespeare rappelle souvent dans ses œuvres cette théorie de la chimie de son temps. Exemple, ces lignes de Henry V :

« He is pure air and fire ; and the dull elements of earth and water never appear in him. Il est pur air et pur feu ; et les grossiers éléments, terre et eau, n’apparaissent jamais en lui. »

Le moyen âge manichéen croyait voir la guerre du bien et du mal entre ces quatre éléments : l’air et le feu emportaient l’homme vers l’idéal ; l’eau et la terre l’enchaînaient à la matière.

Shakespeare fait dire a Cléopâtre :

I am fire and air ; my other elements
I give to baser life.

Je suis feu et air ; mes autres éléments, je les donne à une vie inférieure.

(11) Malone conjecture que ce sonnet accompagnait l’envoi d’un album dont toutes les pages étaient blanches. C’est sur ces pages que Shakespeare invite son ami à écrire ses mémoires.

(12) On se souvient qu’un des sonnets traduits plus haut (XLVII) se termine par les deux mêmes vers.

(13) Un tel langage était certes audacieux a l’époque où la toute-puissante coquette Élisabeth, luttant contre la vieillesse qui l’envahissait, se coiffait de faux cheveux, et permettait qu’on ouvrit les tombeaux pour couper les chevelures des mortes et en faire des perruques. Shakespeare a protesté maintes fois contre ces violations sacriléges. Dans le Marchand de Venise, il fait dire à Bassanio :

So are those crisped snaky golden locks,
Which make such wanton gambols with the wind,
Upon supposed fairness, often known
To be the dowry of a second head,
The skull that bred them in the sepulcre.

Ainsi ces tresses d’or serpentines qui jouent si coquettement avec le vent sur une beauté supposée, sont souvent connues pour être le douaire d’une seconde tête, le crâne qui les a nourries étant dans le sépulcre.

Ailleurs, Shakespeare, s’adressant aux vendeuses d’amour de son temps par la voix formidable de Timon d’Athènes, s’écrie :

Thatch your poor thin roofs
With burdens of the dead ; — some that were hanged,
No matter : wear them, betray with them ; whore still.

Donnez pour chaume à vos pauvres toits dénudés la dépouille des morts ; quelques-uns ont été pendus, qu’importe ! portez-la, servez-vous-en pour trahir et vous prostituer encore.

Dans Shakespeare, ce n’est pas l’homme seulement qui s’indigne contre cette mode impie, c’est l’artiste.

Ce qui le révolte, ce n’est pas seulement la violation des tombeaux, l’outrage fait à la mort ; c’est la violation de la nature, l’outrage fait à la beauté vivante. Dans l’expression passionnée de sa haine contre tout ce qui est postiche, ne semble-t-il pas que le poëte obéisse a quelque pressentiment ? Le faux, une fois entré dans la mode, ne va-t-il pas envahir l’art ? On dirait que l’auteur d’Hamlet voit déjà se projeter sur le ciel de l’idéal comme une ombre de la solennelle perruque portée par la tragédie de Louis XIV.

(14) Ce sonnet mystérieux est resté jusqu’ici une énigme pour les commentateurs. Tout récemment, en avril 1864, un critique anonyme en a donné une explication fort ingénieuse dans la Revue trimestrielle de Londres (Quarterly Review). Selon ce critique, le poëte qui provoque ici la jalousie de Shakespeare n’est autre que Marlowe, identifié allégoriquement avec le héros de son principal drame, le docteur Faust. Voici comment cette conjecture fort plausible est développée :

« M. Brown, dans ses Remarques sur les poëmes autobiographiques de Shakespeare, dit : « Quel est ce poëte rival qui excite ainsi la jalousie de Shakespeare ? Je ne puis le deviner, mais peu importe. » La chose pourtant importe beaucoup ; car si ce poëte se trouvait être Marlowe, ce fait seul suffirait pour porter le coup de mort à l’hypothèse, soutenue si laborieusement et, croyons-nous, si vainement par M. Brown, qui fait de William Herbert l’inspirateur des Sonnets de Shakespeare ; car Marlowe mourut en juin 1593, quand William Herbert n’avait encore que treize ans et quatre mois. Dans notre opinion, la croyance la plus aveugle dans l’hypothèse Herbert a pu seule obscurcir ce fait, si patent pour nous, que Marlowe est le poëte ici désigné. La preuve de ce fait se retrouve à chaque ligne, à chaque détail de la description donnée par Shakespeare. Marlowe était une célébrité dramatique avant Shakespeare, et il y eut une époque, nous n’en doutons pas, où Shakespeare le regardait avec admiration et se laissait captiver par son style emphatique et flamboyant. Shakespeare devait apprécier pleinement la beauté, pour ainsi dire, sensuelle de la poésie de Marlowe… Aucun poëte anglais n’a pu, aussi bien que Marlowe, poser pour ce portrait tracé par l’auteur des Sonnets :

Car il est de haut bord et de grandiose voilure.

» Cette grandiose voilure est bien l’image même, la viva effigies de la poésie de Marlowe ; elle caractérise à merveille cette poésie pour tous les lecteurs familiers avec le style du Roi Cambyse. Qui ne reconnaît ici Faust, sa nécromancie, et les prétendus services qu’il prétend recevoir des esprits ? Qui ne voit pas que Shakespeare a, par un symbole dramatique, identifié Marlowe avec Faust et l’a jeté sur une scène imaginaire où son esprit familier Méphistophilis intervient « pour le leurrer nuitamment de ses inspirations ? » Le drame du docteur Faust est représenté à nouveau dans ce sonnet de Shakespeare. Ailleurs encore nous reconnaissons Marlowe comme l’homme que désigne Shakespeare, quand il nous parle des « touches forcées de sa rhétorique » et de « sa peinture grossière, » faisant sans doute allusion à quelque énorme flatterie adressée par son rival à son protecteur. Très-probablement le comte de Southampton avait vu le Faust de Marlowe en manuscrit, et lui avait fait quelques observations dont cet auteur avait pu tirer vanité. Voilà, de l’aveu de Shakespeare, ce qui l’a réduit à l’impuissance, en provoquant sa jalousie et en le forçant au silence. Nul émule ne pouvait, autant que Marlowe, exciter la jalousie de Shakespeare. Marlovve était l’auteur privilégié d’un théâtre qui faisait concurrence au théâtre de Shakespeare, — le Théâtre du Rideau (Curtain Theatre). Il était alors dans le plein épanouissement de son éphémère et brillant triomphe, consacré par les succès répétés de Tamerlan, de Faust, du Juif de Malte et d’Édouard II. »

(15) Cette antipathie de Shakespeare contre « les méthodes nouvelles et les innovations étrangères, » explique la vive opposition faite par lui à la tentative pseudo-classique de l’école Euphuïste, — opposition qui s’est manifestée, dans Peines d’amour perdues, par la création de Don Adriano de Armado, le représentant grotesque de cette école.

(16) Ces mots made lame by fortune’s dearest spite ont été cités par beaucoup de commentateurs pour prouver que Shakespeare était en réalité boiteux. Mais il est évident, d’après le sens général du sonnet, que le mot boiteux est pris ici au figuré. Shakespeare dit à son ami : « Je suis vieux et tu es jeune ; je suis pauvre et tu es riche ; je suis méprisé et tu es noble. » C’est uniquement pour exprimer l’impuissance à laquelle le réduit la destinée que Shakespeare se représente comme rendu boiteux par la rancune acharnée de la Fortune. Dans un des sonnets traduits plus haut, le sonnet xcii, il dit a son ami : « Dis-moi que tu m’as quitté pour un défaut quelconque, et j’ajouterai un commentaire à ton accusation ; dis que je suis boiteux, et vite je trébucherai, sans faire aucune défense contre tes arguments. » Ce passage, que l’on a invoqué comme décisif pour établir que Shakespeare marchait comme Byron et comme Walter Scott, nous paraît décisif dans le sens contraire.

(17) La plupart des commentateurs ont conclu de ces vers que l’auteur avait alors une pensée de suicide.

(18) Nous avons dit dans l’introduction que les Sonnets de Shakespeare étaient publiés par nous dans un ordre tout nouveau. À ceux de nos lecteurs qui désireraient rapprocher notre traduction du texte original, le tableau suivant indiquera le numéro d’ordre qui appartient à chaque sonnet dans l’édition anglaise.

Édition
française
  Édition
anglaise.
Édition
française.
  Édition
anglaise.
I. · · · · · · · 135 XXV. · · · · · · · 151
II. · · · · · · · 136 XXVI. · · · · · · · 129
III. · · · · · · · 143 XXVII. · · · · · · · 133
IV. · · · · · · · 145 XXVIII. · · · · · · · 134
V. · · · · · · · 128 XXIX. · · · · · · · 144
VI. · · · · · · · [1] XXX. · · · · · · · 33
VII. · · · · · · · 139 XXXI. · · · · · · · 34
VIII. · · · · · · · 140 XXXII. · · · · · · · 35
IX. · · · · · · · 127 XXXIII. · · · · · · · 40
X. · · · · · · · 131 XXXIV. · · · · · · · 41
XI. · · · · · · · 132 XXXV. · · · · · · · 42
XII. · · · · · · · 130 XXXVI. · · · · · · · 26
XIII. · · · · · · · 21 XXXVII. · · · · · · · 23
XIV. · · · · · · · 149 XXXVIII. · · · · · · · 25
XV. · · · · · · · 137 XXXIX. · · · · · · · 20
XVI. · · · · · · · 138 XL. · · · · · · · 24
XVII. · · · · · · · 147 XLI. · · · · · · · 46
XVIII. · · · · · · · 148 XLII. · · · · · · · 47
XIX. · · · · · · · 141 XLIII. · · · · · · · 29
XX. · · · · · · · 150 XLIV. · · · · · · · 30
XXI. · · · · · · · 142 XLV. · · · · · · · 31
XXII. · · · · · · · 152 XLVI. · · · · · · · 121
XXIII. · · · · · · · 153 XLVII. · · · · · · · 36
XXIV. · · · · · · · 154 XLVIII. · · · · · · · 66
Édition
française
  Édition
anglaise.
Édition
française.
  Édition
anglaise.
XLIX. · · · · · · · 39 XCIII. · · · · · · · 90
L. · · · · · · · 50 XCIV. · · · · · · · 91
LI. · · · · · · · 51 XCV. · · · · · · · 92
LII. · · · · · · · 48 XCVI. · · · · · · · 93
LIII. · · · · · · · 52 XCVII. · · · · · · · 57
LIV. · · · · · · · 75 XCVIII. · · · · · · · 58
LV. · · · · · · · 56 XCIX. · · · · · · · 78
LVI. · · · · · · · 27 C. · · · · · · · 79
LVII. · · · · · · · 28 CI. · · · · · · · 38
LVIII. · · · · · · · 61 CII. · · · · · · · 80
LIX. · · · · · · · 43 CIII. · · · · · · · 82
LX. · · · · · · · 44 CIV. · · · · · · · 83
LXI. · · · · · · · 45 CV. · · · · · · · 84
LXII. · · · · · · · 97 CVI. · · · · · · · 85
LXIII. · · · · · · · 98 CVII. · · · · · · · 86
LXIV. · · · · · · · 99 CVIII. · · · · · · · 87
LXV. · · · · · · · 53 CIX. · · · · · · · 32
LXVI. · · · · · · · 109 CX. · · · · · · · 146
LXVII. · · · · · · · 110 CXI. · · · · · · · 100
LXVIII. · · · · · · · 111 CXII. · · · · · · · 101
LXIX. · · · · · · · 112 CXIII. · · · · · · · 102
LXX. · · · · · · · 113 CXIV. · · · · · · · 103
LXXI. · · · · · · · 114 CXV. · · · · · · · 105
LXXII. · · · · · · · 115 CXVI. · · · · · · · 76
LXXIII. · · · · · · · 116 CXVII. · · · · · · · 106
LXXIV. · · · · · · · 117 CXVIII. · · · · · · · 59
LXXV. · · · · · · · 118 CXIX. · · · · · · · 126
LXXVI. · · · · · · · 119 CXX. · · · · · · · 104
LXXVII. · · · · · · · 120 CXXI. · · · · · · · 1
LXXVIII. · · · · · · · 77 CXXII. · · · · · · · 2
LXXIX. · · · · · · · 122 CXXIII. · · · · · · · 3
LXXX. · · · · · · · 123 CXXIV · · · · · · · 4
LXXXI · · · · · · · 124 CXXV. · · · · · · · 5
LXXXII. · · · · · · · 125 CXXVI. · · · · · · · 6
LXXXIII. · · · · · · · 94 CXXVII. · · · · · · · 7
LXXXIV. · · · · · · · 95 CXXVIII. · · · · · · · 8
LXXXV. · · · · · · · 96 CXXIX. · · · · · · · 9
LXXXVI · · · · · · · 69 CXXX. · · · · · · · 10
LXXXVII. · · · · · · · 67 CXXXI. · · · · · · · 11
LXXXVIII. · · · · · · · 68 CXXXII. · · · · · · · 12
LXXXIX. · · · · · · · 70 CXXXIII. · · · · · · · 13
XC. · · · · · · · 49 CXXXIV · · · · · · · 14
XCI. · · · · · · · 88 CXXXV. · · · · · · · 15
XCII. · · · · · · · 89 CXXXVI. · · · · · · · 16
Édition
française
  Édition
anglaise.
Édition
française.
  Édition
anglaise.
CXXXVII. · · · · · · · 17 CXLVII. · · · · · · · 74
CXXXVIII. · · · · · · · 18 CXLVIII. · · · · · · · 81
CXXXIX. · · · · · · · 19 CXLIX. · · · · · · · 64
CXL. · · · · · · · 60 CL. · · · · · · · 63
CXLI. · · · · · · · 73 CLI. · · · · · · · 65
CXLII. · · · · · · · 37 CLII. · · · · · · · 54
CXLIII. · · · · · · · 22 CLIII. · · · · · · · 55
CXLIV. · · · · · · · 62 CLIV. · · · · · · · 108
CXLV. · · · · · · · 71 CLV. · · · · · · · 107
CXLVI. · · · · · · · 72

(19) Ce poëme, pour la composition duquel Shakespeare paraît s’être inspiré du dixième livre des Métamorphoses d’Ovide, fut enregistré au Stationers’Hall en 1593, comme « autorisé par l’archevêque de Cantorbéry et par les surveillants (Wardens), » et publié la même année par l’imprimeur Richard Field. Le succès en fut considérable, si nous en jugeons par le nombre des éditions qui se succédèrent pendant un demi-siècle : ce poëme fut réimprimé en 1594, en 1596, en 1599, en 1602, en 1607, en 1617, en 1620, en 1624, en 1627, en 1630 et en 1640.

Au mois de juillet dernier (1864), à la vente aux enchères de la bibliothèque de feu M. Daniel, à Londres, un exemplaire de la première édition de Vénus et Adonis s’est vendu 315 liv. sterl. 7,875 fr.) ; un exemplaire de la seconde édition a été acquis moyennant 240 liv. sterl. (6,000 fr.). À la même vente, un exemplaire de la première édition du poëme le Viol de Lucrèce (1593), a été payé 110 liv. sterl. 19 shillings (2,774 fr. 75 cent.), Un exemplaire de l’édition princeps des Sonnets, acquis pour un shilling, au siècle dernier, par Narcisse Luttrell, a été adjugé à un amateur pour la somme de 225 liv. sterl. 15 shillings (5,743 fr. 75 cent.).

Le lecteur sera sans doute curieux de connaître les prix qu’ont atteints aux mêmes enchères les exemplaires originaux des diverses œuvres dramatiques de Shakespeare. Voici le relevé exact de ces chiffres éloquents :

In·quarto. Livres sterl. shillings. francs. cent.
Richard II (éd. 1597). 341 5 (8,531 25)
Richard II (éd. 1598). 108 3 (2,703 75)
Richard III (éd. 1597). 351 5 (8,781 25)
Peines d’Amour perdues (éd. 1598). 346 10 (8,662 50)
Première partie de Henry IV (éd. 1599). 115 10 (2,887 50)
Le Marchand de Venise (éd. 1600). 99 15 (2,493 75)
Roméo et Juliette (éd. 1599). 52 10 (1,312 50)
Henry V (éd. 1600). 231 17 (5,775 »)
Beaucoup de Bruit pour Rien (éd. 1600). 267 15 (6,693 75)
Le Songe d’une Nuit d’été (éd. 1600). 241 10 (6,037 50)
Les joyeuses Épouses de Windsor (éd. 1602). 346 10 (8,662 50)
Le Roi Lear (éd. 1608). 29 8 (735 »)
Periclès (éd. 1609). 84 » (2,100 »)
Troylus et Cressida (éd. 1609). 114 9 (2,860 25)
Hamlet (éd. 1611). 28 7 (708 75)
Titus Andronicus (éd. 1611). 31 10 (787 50)
Othello (éd. 1622). 155 » (3,875 »)
In-folio.
Théâtre complet de Shakespeare (éd. 1623[2]). 716 2 (17,802 50)
Dito (éd. 1632). 148 » (3,700 »)
Dito (éd. 1664). 46 » (1,150 »)
Dito (éd. 1685). 21 10 (537 50)

(20) Philomèle, fille de Pandion, roi d’Athènes, violée par Térée, le mari de sa sœur Progné, fut changée en rossignol, pendant que Progné était métamorphosée en hirondelle et Térée en vanneau. Voir le sixième livre des Métamorphoses d’Ovide.

(21) Ce poëme fut enregistré au Stationer’s Hall sous ce titre : Le rapt de Lucrèce, à la date du 9 mai 1594. Il fut publié in-4o la même année, et mis en vente par le libraire John Harrison, « à l’enseigne du Levrier-Blanc, dans le cimetière de saint-Paul. » De nouvelles éditions parurent successivement en 1598, en 1600, en 1607, en 1616, en 1620 et en 1632. L’édition de 1616, dont M. Halliwell possède un exemplaire, divise le poëme en douze parties, résumées ainsi par une table des matieres :

  1. Tarquin s’éprend de Lucrèce en entendant louer sa chasteté, sa vertu et sa beauté.
  2. Tarquin est accueilli par Lucrèce.

# Tarquin fait céder tous les scrupules à sa détermination.

  1. Il met en pratique sa résolution.
  2. Lucrèce s’éveille, et est stupéfaite d’être ainsi surprise.
  3. Elle plaide pour la défense de sa vertu.
  4. Tarquin, tout impatient, l’interrompt et la viole de force.
  5. Lucrèce se lamente sur cet outrage.
  6. Elle se demande si elle se tuera ou non.
  7. Elle se résout au suicide, mais envoie d’abord chercher son mari.
  8. Collatin revient chez lui avec ses amis.
  9. Lucrèce révèle l’attentat ; tous jurent de la venger, et elle se tue, pour rendre la catastrophe irréparable.

(22) La traduction du poëme Les plaintes d’une Amoureuse a été publiée pour la première fois dans la Revue de Paris du 15 novembre 1856, précédée de ces quelques lignes :

« L’authenticité de l’œuvre que voici n’est pas douteuse. Publiée pour la première fois par l’éditeur Thomas Thorpe dans le même volume que les Sonnets, elle parut en 1609 avec cette signature : William Shakespeare. Bien que daté de 1609, ce poëme nous semble avoir été composé longtemps auparavant. Il est, selon nous, de la première manière de Shakespeare et doit être assigné, ainsi que les Sonnets eux-mêmes, à cette période de la vie du poëte où il subissait, malgré lui peut-être, l’influence encore si puissante de la littérature italienne.

» On retrouve dans ces vers la même forme que dans ses premiers poëmes et dans ses premières pièces, la même profusion d’images, le même cliquetis de mots, le même esprit qui caractérise son style jusqu’à la fin du seizième siècle. À partir du dix-septième siècle, la langue de Shakespeare change : elle lui devient plus personnelle ; elle se simplifie et s’agrandit ; elle est, pour ainsi dire, moins spirituelle et plus passionnée, moins didactique et plus dramatique. Roméo et Juliette nous apparaît comme le type de la première manière, le Roi Lear comme le type de la seconde.

» Quoi qu’il en soit de notre interprétation, le public français ne lira pas sans émotion ces quatre cents vers, qui sont traduits ici pour la première fois et qui ont par conséquent l’attrait d’une chose inédite. Devant ce morceau fruste, découvert par nous dans les fouilles d’une littérature disparue, il se sentira pris de la même curiosité respectueuse qu’il aurait devant le fragment de quelque marbre antique nouvellement exhumé. Et, en reconnaissant dans cette composition inachevée la main souveraine du maître, il s’écriera : Ceci est de Shakespeare, comme, devant un bas-relief du Parthénon, il s’écrie : Ceci est de Phidias.

« François-Victor Hugo. »

(23) Sous ce titre de fantaisie, le Pèlerin passionné, un libraire, nommé Thomas Jaggard, édita en 1599 les dix-huit pièces de vers ici réunies, après avoir mis le nom de Shakespeare en tête de cette compilation incohérente. La critique est aujourd’hui unanime pour déclarer que la plupart de ces pièces ont été faussement attribuées à notre poëte. C’est tout au plus si nous pouvons reconnaître la main du maître dans cinq ou six de ces opuscules, qui paraissent n’avoir été publiés sous ce nom glorieux que dans un but de spéculation frauduleuse.

(24) Ce sonnet, ainsi que la neuvième et la quatorzième pièce de vers, se retrouve avec de légères variantes dans la charmante comédie de Peines d’amour perdues.

(25) Cette belle ode, divisée en dix-sept strophes de quatre vers, parut pour la première fois en 1601 avec le nom de Shakespeare, dans un recueil publié par Robert Chester sous ce titre : Le martyr de l’amour ou Les Plaintes de Rosaline. L’authenticité n’en paraît pas douteuse.


fin des notes.

  1. Extrait du recueil intitulé : Passionate Pilgrim.
  2. Exemplaire acquis par Miss Burdett Coutts.